L’affaire Harvey Weinstein, emblème planétaire de la chute des puissants prédateurs sexuels, rebondit une fois de plus dans les arcanes judiciaires états-uniennes. L’ancien magnat de Hollywood, aujourd’hui âgé de 72 ans, a vu l’une de ses condamnations annulée à New York, tandis que la peine pour viol prononcée à Los Angeles reste maintenue. Un nouveau procès s’ouvrira à Manhattan, soulignant les ambivalences d’un système judiciaire parfois indulgent envers les puissants.
En février 2020, Harvey Weinstein est condamné à 23 ans de prison à New York pour viol et agression sexuelle. Cette décision avait été saluée comme un tournant historique dans la lutte contre l’impunité des violences sexuelles, dans un contexte de libération massive de la parole des femmes à travers le monde. Deux ans plus tard, en décembre 2022, il est de nouveau condamné, cette fois à 16 ans de prison en Californie, pour le viol d’une actrice dans un hôtel de Beverly Hills.
Mais le 25 avril 2024, la Cour d’appel de l’État de New York annule la condamnation de 2020, estimant que le procès initial avait été entaché d’irrégularités, notamment par l’introduction de témoignages de femmes qui ne figuraient pas parmi les plaignantes officielles. Une décision qui choque les militantes et relance le débat sur les limites du système accusatoire anglo-saxon, où la procédure peut, parfois, peser davantage que les faits.
Malgré l’annulation new-yorkaise, Weinstein reste en détention pour sa condamnation californienne. Cette peine, pour des faits similaires, n’a pas été remise en cause. Toutefois, le procès qui s’ouvre à nouveau à New York ne manque pas de faire grincer des dents : faut-il vraiment rejuger un homme déjà lourdement condamné pour d’autres crimes ? Ou au contraire, réaffirmer, dans un État aussi symbolique que New York, la solidité du mouvement #MeToo ?
Les procureurs de Manhattan ont tranché : un nouveau procès aura lieu. Une audience préparatoire s’est tenue le 12 juin 2025. Weinstein y est apparu affaibli, en fauteuil roulant, mais a plaidé non coupable avec la fermeté qui le caractérise depuis le début de l’affaire.
Au-delà de l’affaire elle-même, c’est la perception de la justice qui est en jeu. Si Weinstein est bel et bien jugé, incarcéré et condamné, le traitement procédural et médiatique dont il bénéficie interroge. Combien de personnes anonymes, pour des faits moindres, n’obtiennent jamais la possibilité d’un appel ou d’une nouvelle audience ? Combien de victimes se heurtent encore au silence des tribunaux, faute de notoriété ou d’avocat renommé ?
Ce cas emblématique soulève donc une inquiétude persistante : les célébrités, où qu’elles soient, semblent bénéficier d’une justice à plusieurs vitesses, où les ressources financières et la visibilité médiatique ouvrent des portes que d’autres n’entrevoient jamais.
À l’heure où le mouvement #MeToo cherche un second souffle, cette affaire rappelle combien les luttes pour l’égalité et contre les violences sexuelles demeurent fragiles. La résilience judiciaire d’un Harvey Weinstein ne doit pas masquer l’essentiel : l’urgence de repenser un système qui protège davantage les victimes que les institutions. La médiatisation d’un procès ne suffit pas à garantir la justice. C’est dans la manière de la rendre qu’elle se mesure.