Bruxelles alloue 15 millions d’euros à la viticulture sud-africaine pour soutenir l’inclusion sociale. Un choix que les professionnels européens jugent incohérent alors qu’ils font face à une crise multifactorielle.
L’annonce d’une subvention européenne de 15 millions d’euros en faveur de la filière viticole sud-africaine provoque des remous dans le vignoble français. Cette aide, accordée par la Commission européenne via un fonds de développement, vise à encourager une croissance « inclusive » du secteur viticole sud-africain dans une industrie encore marquée par des inégalités historiques.
Cette enveloppe servira,à «stimuler une croissance inclusive, à ouvrir de nouvelles opportunités commerciales et à soutenir le développement de marques, d’exploitations agricoles, d’établissements d’enseignement et d’entreprises détenues par des Noirs tout au long de la chaîne de valeur du vin et des spiritueux », a expliqué l’organisme professionnel South Africa Wine
Si l’objectif de justice sociale suscite peu de débats de fond, c’est le timing et la provenance des fonds qui font grincer des dents. Cette annonce intervient dans un contexte où les viticulteurs français subissent de plein fouet une crise sans précédent : recul de la consommation, évènements climatiques, baisse des exportations et incertitudes commerciales. Nombreux sont ceux qui peinent à maintenir la viabilité de leur exploitation. L’an dernier, la France a même débloqué un plan d’arrachage de 120 millions d’euros pour arracher les milliers d’hectares de vignes.
Une aide qui serait bienvenue pour le vignoble européen
« Injustifiable », « déconnectée des réalités » , les syndicats agricoles, FNSEA, Vignerons coopérateurs, et autres organisations représentatives ne manquent pas de mots pour dénoncer ce qu’ils appellent « une contradiction de fond ». Tandis que l’Europe finance, d’un côté, l’arrachage de plusieurs milliers d’hectares de vignes en France, elle soutient, de l’autre, le développement d’une production viticole hors UE. Un message perçu comme brouillé, à l’heure où nombre d’exploitants peinent à maintenir l’équilibre économique de leur activité.
Les organisations demandent que les fonds européens soient réorientés prioritairement vers les viticulteurs des États membres, et qu’une stratégie cohérente de soutien à la filière soit mise en place.
L’irritation des viticulteurs français contre cette subvention européenne commence même à avoir des échos politiques, en particulier à droite. «Pendant qu’on regarde mourir notre patrimoine, nos terroirs, nos familles, Bruxelles finance des projets à l’autre bout du monde. Quelle honte. Quel mépris», a fustigé sur X Stéphanie Galzy, députée RN de l’Hérault. «La viticulture européenne est en crise et l’Europe subventionne la viticulture sud-africaine à coups de millions d’euros au nom de “l’inclusivité”. Nous marchons sur la tête», a également dénoncé Maxime Michelet, député ciottiste de la Marne.
La vigne dans l’Union en second plan
Si la solidarité internationale a sa place, soulignent les représentants des syndicats agricoles, elle ne doit pas se faire au détriment de producteurs européens en grande difficulté. Un appel qui était déjà celui des principales associations vitivinicoles nationales européennes à l’issu de leur réunion annuelle du 11 juin dernier à Montepulciano : « la diplomatie, la PAC et les ressources de l’UE sont plus que jamais indispensables pour garantir l’avenir du secteur ». Ce soutien sud-africain, même s’il s’inscrit dans une logique de coopération internationale, soulève une question centrale : quelles priorités pour la politique agricole et commerciale de l’Union ?