Archives pour la catégorie Archéologie

D’autres hominidés ont maîtrisé le feu avant Homo sapiens : implications pour notre compréhension de l’évolution humaine

Des fouilles récentes sur le site de Barnham, dans le Suffolk, en Angleterre, ont révélé des preuves que la maîtrise du feu remonte à plus de 400 000 ans, avant l’arrivée des Homo sapiens en Europe. Cette découverte, attribuée aux Homo heidelbergensis ou à leurs descendants Néandertaliens, réécrit partiellement notre histoire et invite à reconsidérer la chronologie des avancées techniques des hominidés.

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Longtemps considérée comme une prouesse exclusive des humains modernes, la maîtrise du feu apparaît désormais comme une étape que d’autres espèces du genre Homo avaient déjà franchie. Cette constatation questionne notre perception de l’intelligence et de l’innovation dans la préhistoire, tout en soulignant la continuité des compétences techniques au sein des populations humaines archaïques.

Le site de Barnham, fouillé depuis plusieurs décennies, a livré un fragment de pyrite datant de plus de 400 000 ans, disposé à proximité d’âtres et de silex. Selon Simon Parfitt, archéologue au Musée d’histoire naturelle de Londres et co-auteur de l’étude publiée dans Nature, ce minéral était utilisé pour allumer volontairement le feu.

À cette époque, les Homo sapiens évoluaient encore en Afrique, ce qui exclut leur intervention. Les artefacts, notamment des outils clactoniens, suggèrent que ces feux étaient entretenus par les Homo heidelbergensis, et plus tard par les Néandertaliens, qui avaient déjà une connaissance approfondie des matériaux et des techniques nécessaires à la domestication du feu.

1. Redéfinir l’originalité des Homo sapiens

Cette découverte montre que les compétences techniques que nous pensions uniques à notre espèce étaient déjà présentes chez d’autres hominidés. La capacité à contrôler le feu allumer, entretenir et utiliser des foyers est une compétence cognitive et sociale complexe, partagée avec nos cousins préhistoriques.

2. Implications pour l’étude de l’évolution humaine

Le fait que le feu ait été maîtrisé avant notre arrivée en Europe indique que les innovations majeures de nos ancêtres étaient progressives et cumulatives. La culture matérielle, la coopération et la transmission des savoirs techniques ne sont pas des traits exclusifs d’Homo sapiens, mais des compétences héritées et développées au fil des générations d’hominidés.

3. La continuité des pratiques techniques

Les traces de pyrite et de foyers attestent de pratiques intentionnelles, ce qui suggère que le feu servait non seulement à se réchauffer ou à cuire des aliments, mais aussi à transformer le paysage, à chasser et à structurer la vie sociale. La domestication du feu apparaît ainsi comme une étape majeure de l’adaptation humaine, partagée avec d’autres espèces intelligentes du genre Homo.

La maîtrise du feu ne doit plus être considérée comme un marqueur exclusif d’Homo sapiens. Les Homo heidelbergensis et les Néandertaliens avaient déjà développé cette compétence, ce qui invite à repenser l’évolution de la cognition, de la technique et des sociétés humaines préhistoriques. L’histoire de l’humanité se révèle ainsi moins centrée sur notre espèce et plus riche en continuité et interactions entre différents hominidés.

Celine Dou, pour la boussole-infos

Pérou : les archéologues découvrent comment la plus ancienne civilisation d’Amérique a survécu à une terrible sécheresse

Des archéologues péruviens ont révélé de nouveaux éléments sur la manière dont la civilisation de Caral, la plus ancienne connue du continent américain, a réussi à surmonter une crise climatique dévastatrice il y a plus de 4.000 ans. Dirigée par la célèbre archéologue Ruth Shady, l’équipe a mis au jour des indices montrant que les habitants avaient fui leur cité après une sécheresse extrême, tout en préservant leurs traditions culturelles et spirituelles.

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Sibérie : des céramiques inédites révèlent une culture inconnue de l’Âge du bronze

Dans la vaste étendue de la steppe de Baraba, à l’ouest de la Sibérie, le site de Tartas‑1 continue de livrer ses secrets, plus de vingt ans après sa découverte initiale. Une équipe de l’Académie des sciences de Russie, dirigée par Vyacheslav Molodin, y a récemment mis au jour des fragments de céramique vieilles de quelque 6 000 ans, dont les formes et motifs défient toutes les classifications connues pour la région.

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Les bols découverts se distinguent par leur fond plat et des décorations complexes, évoquant une texture tissée directement dans la glaise. « Ce sont des poteries totalement atypiques, qui ne ressemblent à rien de ce qu’on connaît en Sibérie », affirme Vyacheslav Molodin. Ces objets ne correspondent ni aux productions de la culture locale d’Ust‑Tartas (5000‑3000 avant J.-C.), ni à aucune autre tradition identifiée dans l’Âge du bronze eurasiatique.

La découverte soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. S’agit-il d’une évolution stylistique des Ust‑Tartas, ou de la manifestation d’un groupe humain jusque-là inconnu ? Les motifs géométriques et texturés pourraient indiquer un savoir-faire artisanal sophistiqué et suggérer l’existence d’échanges culturels inédits dans cette région. Le site, encore largement inexploré, pourrait receler d’autres vestiges éclairant l’organisation sociale et économique de ces populations oubliées.

Pour les chercheurs, cette trouvaille offre une opportunité rare de mieux comprendre l’histoire eurasiatique. Les analyses ADN et les datations au carbone 14 prévues permettront peut-être de relier ces céramiques à un groupe humain spécifique et de préciser leur place dans la chronologie locale. Elles contribueront également à reconstituer les réseaux d’influence et les savoir-faire techniques de l’époque, souvent méconnus dans la préhistoire sibérienne.

Au-delà de l’intérêt scientifique, cette découverte illustre l’importance de la steppe de Baraba comme un carrefour d’innovation et de contacts culturels à l’âge du bronze. Elle rappelle que l’histoire humaine est encore largement à redécouvrir, et que des cultures entières peuvent demeurer invisibles jusqu’à ce que de nouvelles fouilles ou technologies permettent de les révéler.

Celine Dou

Antilles françaises : les vestiges amérindiens de Sainte-Anne remettent en question le récit colonial

Le 25 octobre 2025, Mediapart a révélé la découverte de nombreux vestiges amérindiens à Sainte-Anne, sur la côte sud de la Martinique. Ces trouvailles archéologiques, effectuées sur le site du futur complexe hôtelier du Club Med, permettent de revisiter l’histoire précoloniale de l’île et interrogent la manière dont les civilisations locales ont été représentées dans le récit colonial traditionnel.

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Une mémoire archéologique méconnue

Les fouilles ont mis au jour des traces significatives de l’occupation amérindienne, révélant une société structurée, aux pratiques culturelles et économiques développées bien avant l’arrivée des colons européens. Des outils, des céramiques et des vestiges d’habitat témoignent de l’organisation complexe de ces communautés et de leur maîtrise de l’espace et des ressources naturelles.

Pour les spécialistes, ces découvertes contradissent l’idée longtemps entretenue d’une île « vide » ou « peu civilisée » avant la colonisation, rappelant que l’histoire des Antilles ne commence pas avec l’arrivée des Européens.

Un chantier touristique au cœur des débats

Le site concerné, au sud de Sainte-Anne, devait accueillir cinquante nouvelles chambres pour le Club Med, un projet reporté de près de deux ans en raison des fouilles archéologiques. Le conflit entre développement économique et préservation du patrimoine illustre la difficulté de concilier modernité et mémoire historique.

Pour de nombreux chercheurs et acteurs culturels locaux, cette situation pose une question éthique majeure : comment protéger et valoriser le patrimoine amérindien alors que le tourisme demeure une ressource économique essentielle pour l’île ?

Remise en question du récit colonial

Au-delà de l’archéologie, cette découverte invite à réfléchir sur la manière dont l’histoire des Antilles françaises a été écrite et transmise. Les vestiges amérindiens mettent en lumière une richesse culturelle souvent éclipsée par le récit colonial centré sur l’arrivée des Européens et l’esclavage.

En soulignant l’existence de sociétés autochtones complexes, les archéologues et historiens encouragent une réécriture plus équilibrée de l’histoire martiniquaise, intégrant les contributions et les modes de vie des peuples premiers de l’île.

Un enjeu identitaire et patrimonial

Cette découverte n’est pas seulement académique : elle touche directement à l’identité et à la mémoire collective. Dans un contexte où les débats sur la reconnaissance des cultures autochtones et la décolonisation des savoirs s’intensifient, ces vestiges deviennent un outil de réflexion et de dialogue pour la société martiniquaise.

Ils rappellent que la connaissance de l’histoire ne se limite pas aux archives coloniales, mais se nourrit également des traces matérielles laissées par ceux qui ont vécu sur l’île bien avant l’arrivée des Européens.

Celine Dou

Nubie préhistorique : que révèlent les squelettes féminins sur la division du travail et la vie sociale

Une étude récente publiée dans le Journal of Anthropological Archaeology et relayée par GEO.fr apporte un éclairage inédit sur la vie quotidienne dans la Nubie préhistorique, il y a environ 3 500 ans. Les chercheurs ont analysé les squelettes de femmes découverts dans la nécropole d’Abu Fatima, au Soudan, afin de mieux comprendre la division du travail et les pratiques physiques des sociétés Kerma, qui occupaient cette région stratégiquement située entre le Nil et le désert nubien.

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Les résultats sont particulièrement révélateurs : les os des femmes présentent des marques caractéristiques de portage de charges lourdes à l’aide de sangles frontales, dites « tumplines ». Ces marques se manifestent par des déformations au niveau des vertèbres cervicales et du crâne, indiquant que ces femmes exerçaient des tâches physiques soutenues sur une base quotidienne. Ce constat illustre que le travail féminin ne se limitait pas aux activités domestiques : il incluait des fonctions logistiques essentielles au fonctionnement des communautés, telles que le transport de matériaux ou de récoltes, probablement sur de longues distances.

Cette étude contredit les représentations traditionnelles de la préhistoire, centrées sur l’homme comme principal acteur des activités physiques et de subsistance. Elle met en évidence une organisation sociale où la division du travail était fonctionnelle, partagée et adaptée aux besoins collectifs, et où les femmes jouaient un rôle indispensable dans l’économie et la survie du groupe.

Au-delà de la dimension anthropologique, ces découvertes permettent de mieux comprendre la société Kerma dans son ensemble. La Nubie préhistorique, correspondant aujourd’hui au nord du Soudan et au sud de l’Égypte, était un carrefour de circulation culturelle et commerciale. Le rôle actif des femmes dans la vie quotidienne reflète non seulement la complexité sociale de cette civilisation, mais aussi les stratégies économiques qui ont permis à ces sociétés de prospérer dans un environnement exigeant.

Cette recherche illustre également l’importance de l’archéologie biologique : les corps conservent une mémoire silencieuse des activités et des rôles sociaux, souvent invisibles dans les sources matérielles traditionnelles. En reconnaissant la contribution physique et organisationnelle des femmes, cette étude contribue à une relecture des stéréotypes de genre dans l’histoire ancienne et à une meilleure compréhension de la diversité des expériences humaines au sein des sociétés africaines préhistoriques.

En conclusion, l’analyse des squelettes féminins d’Abu Fatima ne révèle pas seulement des pratiques corporelles : elle documente un aspect central de la vie sociale et économique de la Nubie préhistorique, en rappelant que l’histoire humaine doit être appréhendée dans sa complexité, en tenant compte de tous les acteurs, hommes et femmes, qui ont façonné les sociétés anciennes.

Celine Dou

Archéologie : le mystère des gigantesques anneaux de Rechnitz enfin percé

En Autriche, près de la frontière hongroise, des fouilles ont révélé l’importance de structures néolithiques vieilles de 6 500 ans, plus anciennes que Stonehenge et les pyramides de Gizeh.

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Aux origines de notre humanité : là où Sapiens et Néandertal se sont rencontrés pour la première fois

Pendant des décennies, les scientifiques ont su que Homo sapiens et Homo neanderthalensis ne s’étaient pas seulement croisés au fil des musées ou des généalogies scientifiques. Ils s’étaient véritablement rencontrés, au sens le plus concret du terme. Ce que l’on ignorait, en revanche, c’est où ces rencontres fondatrices avaient eu lieu. Une nouvelle étude vient enfin de lever le voile sur ce mystère : c’est dans les monts Zagros, au cœur du Moyen-Orient, que les deux espèces humaines se sont croisées, ont cohabité… et ont engendré une descendance dont l’empreinte demeure aujourd’hui dans notre ADN.

Un carrefour oublié entre Afrique, Europe et Asie

À cheval sur l’Iran, l’Irak et la Turquie, les monts Zagros forment une imposante chaîne montagneuse encore méconnue du grand public. Pourtant, à la fin du Pléistocène — entre 60 000 et 40 000 ans avant notre ère — cette région était un véritable corridor bioclimatique reliant les climats tempérés du nord aux zones plus chaudes du sud.

C’est dans ce contexte d’instabilité climatique et de migrations massives que les deux espèces humaines ont vu leurs trajectoires se croiser. Néandertal, habitué aux steppes froides d’Europe et d’Asie occidentale, descendait vers le sud-est. Sapiens, fraîchement sorti d’Afrique, remontait vers le nord. Et c’est dans les vallées escarpées des Zagros que l’histoire humaine a changé de cap.

Les fouilles archéologiques en attestent : de nombreux sites dans cette région contiennent des outils, des ossements et des vestiges culturels associés aux deux groupes. Mais surtout, les analyses génétiques confirment qu’un métissage a eu lieu. Non seulement ces populations se sont rencontrées, mais elles ont eu des enfants ensemble.

Un métissage fondateur… encore présent en nous

Depuis le séquençage complet du génome néandertalien en 2010, les preuves de ces unions se sont multipliées. Aujourd’hui, on sait que tous les humains non africains portent entre 1 et 4 % d’ADN néandertalien. Cet héritage va bien au-delà d’une simple statistique : il influence des aspects très concrets de notre physiologie et de notre psychologie.

Parmi les traits influencés par les gènes néandertaliens, on retrouve :
• la forme du nez,
• la sensibilité à la douleur,
• certaines réponses immunitaires,
• la gestion du stress,
• et même des susceptibilités modernes, comme la vulnérabilité à la COVID-19 ou aux troubles de l’humeur.

En d’autres termes, une part essentielle de ce que nous sommes — dans notre corps, notre santé et même nos émotions — découle directement de cette rencontre dans les montagnes des Zagros.

Un foyer central de l’hybridation humaine

Si le métissage entre Sapiens et Néandertal a pu se produire à plusieurs reprises et en divers endroits, les monts Zagros semblent jouer un rôle particulier : celui de foyer central, de point de convergence. Une sorte de “berceau du mélange”, où deux humanités se sont non seulement rencontrées, mais aussi durablement installées ensemble.

Cette découverte invite à revoir notre vision de l’évolution humaine. Loin d’un récit linéaire avec des espèces séparées, successives, où Sapiens aurait triomphé de ses rivaux, on entrevoit désormais une histoire plus complexe, plus entrelacée. Un récit de rencontres, d’échanges, de métissages — parfois d’extinction, souvent de transmission.

Les monts Zagros : berceau de l’humain moderne

Dans ce contexte, les monts Zagros ne sont pas qu’un simple décor géologique. Ils sont une scène centrale de notre histoire collective. Un lieu où s’est jouée une étape cruciale de l’évolution humaine. Là, dans ces montagnes du Moyen-Orient, s’est écrit un chapitre invisible mais fondamental de notre identité biologique.

Ce passé nous façonne encore. Il nous rappelle que l’humanité n’a jamais été une, pure, homogène. Elle est le fruit de croisements, de migrations, d’adaptations. Et si Sapiens a survécu, c’est peut-être justement parce qu’il a su fusionner, intégrer, s’ouvrir.

À travers les gènes néandertaliens qui parcourent encore notre ADN, c’est une part de cette histoire qui continue de vivre en nous. Une histoire faite de diversité, de mélange, et d’un profond lien avec ceux que nous pensions longtemps différents.

Ce que les squelettes de femmes révèlent sur la division du travail dans la Nubie préhistorique

Une étude récente révèle que, dans la Nubie d’il y a 3 500 ans, les femmes jouaient un rôle clé dans les activités physiques du quotidien. Leurs squelettes, marqués par l’usure du temps et les contraintes de leur vie, livrent aujourd’hui un témoignage silencieux mais puissant sur la division du travail dans cette société antique, longtemps considérée à travers un prisme essentiellement masculin.

Une société nubienne oubliée par l’histoire

Durant le IIe millénaire avant notre ère, dans l’actuel Soudan, le royaume de Koush s’épanouit au sud de l’Égypte. Sa capitale, Kerma, devient un centre politique et économique majeur, rival de l’Égypte pharaonique. À proximité, dans la nécropole d’Abu Fatima, une équipe interdisciplinaire d’archéologues et d’anthropologues a étudié les restes de 30 individus enterrés à l’époque de l’âge du bronze (2500-1500 av. J.-C.).

Parmi eux, 14 femmes ont révélé des déformations osseuses significatives dans les vertèbres cervicales et à l’arrière du crâne. Ces marques sont typiques d’une technique de portage appelée tumpline, encore utilisée aujourd’hui dans certaines sociétés rurales : une sangle fixée sur le front permettant de soutenir de lourdes charges sur le dos.

Les marques du travail sur les os

Les chercheurs ont notamment mis en lumière le cas d’une femme surnommée “individu 8A2”, décédée à plus de 50 ans. Son crâne présentait une dépression osseuse notable et une arthrose sévère des vertèbres cervicales, signes d’une vie passée à porter de lourdes charges. L’analyse de ses dents révèle qu’elle n’était pas originaire de la région, ce qui suggère un parcours migratoire, suivi d’une vie rurale exigeante, où elle aurait également pu porter des enfants sur son dos.

Chez les hommes, les traces osseuses diffèrent : usure au niveau de l’épaule et du bras droit, suggérant un port de charges sur l’épaule, potentiellement lié à des activités agricoles, artisanales ou guerrières. Ces différences anatomiques permettent de reconstituer une division du travail fondée sur le genre, dans laquelle femmes et hommes contribuaient à l’économie domestique de manière complémentaire, mais distincte.

Une tradition millénaire de portage féminin

Si les représentations visuelles directes de l’époque de Kerma sont rares, des fresques égyptiennes du Nouvel Empire (vers 1550 – 1070 av. J.-C.) offrent des indices : dans la tombe de Rekhmirê, des femmes nubiennes sont dessinées portant des paniers ou des enfants sur le dos à l’aide de sangles frontales. On retrouve ces mêmes gestes bien plus tard, gravés dans les bas-reliefs du temple méroïtique de Méroé.

Ces pratiques ne sont pas seulement anciennes : elles sont encore vivantes aujourd’hui. En Afrique de l’Est (chez les Kikuyu du Kenya) ou au Congo (à Dolisie), des femmes continuent à utiliser des tumplines pour transporter du bois, de la nourriture ou des enfants. Ce lien entre le passé et le présent permet aux chercheurs de mieux comprendre les gestes techniques ancestraux, leur transmission et leur valeur culturelle.

Le corps, une mémoire sociale

Cette étude apporte une contribution précieuse à l’archéologie du genre. Elle confirme que le corps humain conserve les traces durables de l’organisation sociale, des rôles assignés, et des contraintes physiques du quotidien. Les marques visibles sur les os ne sont pas seulement le fruit du vieillissement, mais le reflet de pratiques sociales profondément enracinées.

« Les squelettes des femmes de la Nubie antique racontent une histoire oubliée, celle d’un travail quotidien intense, genré, souvent invisible dans les récits historiques dominants », concluent les auteurs.

Une réécriture nécessaire de l’histoire

Longtemps, la préhistoire et l’antiquité ont été racontées à travers une perspective centrée sur les hommes — chasseurs, bâtisseurs, guerriers. Cette recherche sur la Nubie préhistorique vient corriger ce biais : les femmes aussi travaillaient durement, au point de modeler leur squelette. Elles jouaient un rôle central dans la logistique domestique, les circuits de transport et, probablement, dans le maintien de la vie rurale.

En réexaminant les traces laissées par les corps, la science révèle une histoire plus riche, plus juste, plus inclusive : celle d’une société où les femmes portaient bien plus que des charges elles portaient l’équilibre de la communauté.

Un “monde perdu” vieux de 140 000 ans découvert au fond de l’océan au large de l’Indonésie

Une découverte archéologique exceptionnelle vient bouleverser les connaissances sur les origines de l’humanité : un ancien “monde perdu”, datant d’environ 140 000 ans, a été mis au jour au fond de l’océan par une équipe de chercheurs. Situé au large des côtes de l’Indonésie, dans le détroit de Madura, ce site sous-marin révèle les traces d’une ancienne civilisation d’hominidés, ainsi que plus de 6000 fossiles parfaitement conservés.

Une découverte accidentelle devenue une avancée majeure

C’est en 2011, lors d’une opération d’extraction de sable marin par une entreprise minière, que les premiers fossiles ont été découverts par hasard entre les îles de Java et de Madura. Ce premier signal a conduit à l’intervention d’une équipe d’archéologues qui, après plusieurs années de fouilles, ont mis au jour un site d’une richesse inédite dans la mer de Java, une sous-partie de l’océan Pacifique.

Les vestiges d’un monde englouti : le Sundaland

Selon les chercheurs, ce site pourrait constituer la première preuve physique de l’existence du “Sundaland”, un ancien continent tropical qui reliait autrefois une grande partie de l’Asie du Sud-Est. Submergée il y a environ 10 000 ans à la suite d’une montée du niveau des océans provoquée par la fonte des glaces, cette vaste plaine aujourd’hui disparue aurait été un véritable carrefour pour les premiers hominidés.

Un crâne d’Homo erectus vieux de 140 000 ans

Parmi les restes découverts, les archéologues ont identifié un crâne d’Homo erectus, l’un des plus anciens ancêtres de l’être humain. Sa datation, effectuée par luminescence stimulée optiquement, révèle qu’il date d’environ 140 000 ans. Cette technologie permet de mesurer le moment où les sédiments entourant le fossile ont été exposés pour la dernière fois à la lumière du jour.

Une faune diversifiée et des techniques de chasse avancées

La majorité des 6000 fossiles retrouvés appartiennent à 36 espèces animales différentes, dont des dragons de Komodo, des buffles, des cerfs et des Stegodons — de grands herbivores proches des éléphants. Certains ossements portent des traces de coupures, preuve que les hominidés utilisaient des outils de chasse sophistiqués, témoignant d’une intelligence adaptative avancée.

Une fenêtre rare sur la vie humaine ancienne

Pour Harold Berghuis, chercheur à l’université de Leyde (Pays-Bas) et co-responsable des fouilles, cette découverte offre un aperçu exceptionnel de la vie des premiers humains dans un environnement tropical aujourd’hui englouti. Il souligne également la diversité des populations hominidés à cette époque, ainsi que leur mobilité et leur capacité d’adaptation aux changements climatiques.

Un ancien écosystème fluvial découvert

Les fouilles ont aussi permis de révéler un ancien réseau de vallées fluviales, vestiges d’une rivière disparue, qui indique la présence d’un écosystème riche à la fin du Pléistocène moyen. Ces éléments confirment la théorie d’un continent habitable, aujourd’hui enfoui sous les eaux, mais jadis peuplé par des hominidés aux comportements complexes.

Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives sur l’évolution humaine en Asie du Sud-Est et renforce l’importance du Sundaland dans l’histoire préhistorique mondiale. Les recherches se poursuivent, promettant d’autres révélations sur ce monde disparu sous les flots depuis des millénaires.