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Génération Z face aux compétences de vie : comprendre les défis de l’autonomie dans un monde en mutation

La génération Z, née entre 1996 et 2010, affiche une aisance numérique remarquable mais rencontre des difficultés dans certaines compétences pratiques du quotidien, comme la gestion financière, la cuisine ou l’entretien d’un logement. Face à ce constat, des initiatives éducatives émergent pour combler ce déficit, soulignant un enjeu sociétal majeur : préparer les jeunes à vivre et travailler dans un monde en mutation.

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« Je sais coder, mais je ne sais pas changer un pneu. » Ce constat, partagé par plusieurs jeunes adultes, illustre une réalité qui inquiète enseignants, parents et institutions : malgré des acquis technologiques indéniables, certains jeunes peinent à maîtriser les compétences de vie essentielles à l’autonomie.

Plusieurs enquêtes internationales révèlent qu’une proportion significative de jeunes adultes éprouve des difficultés à gérer des tâches de la vie quotidienne. Selon une étude canadienne, près de 80 % des étudiants déclarent se sentir mal préparés pour gérer un budget, cuisiner ou entretenir un logement.

Ce phénomène n’est pas limité au Canada. Des initiatives similaires ont été observées aux États-Unis, où certaines universités proposent désormais des cours d’« adulting », visant à enseigner les compétences pratiques que les programmes scolaires traditionnels négligent.

La génération Z est la première à avoir grandi dans un monde entièrement numérique, caractérisé par une exposition précoce à internet et aux technologies. Cette immersion a favorisé une maîtrise remarquable des outils numériques, mais a aussi limité l’apprentissage pratique dans des contextes réels.

Par ailleurs, la pandémie de COVID‑19 a réduit les interactions sociales et les expériences pratiques, accentuant ce déficit. L’essor des applications pour tout faire (livraison, gestion financière automatisée, services à domicile) a également contribué à diminuer l’exposition des jeunes à certaines tâches quotidiennes.

Il serait réducteur de qualifier cette génération d’« incapable ». Les recherches montrent que le déficit de compétences pratiques résulte d’un écart entre les compétences valorisées par l’éducation formelle et celles requises pour l’autonomie quotidienne.

L’autonomie ne se limite pas à la capacité technique. Les dimensions psychosociales, telles que la confiance en soi, la santé mentale et la gestion du stress, jouent un rôle central dans la capacité des jeunes à s’organiser et à prendre des décisions de manière indépendante.

Les initiatives éducatives, comme les cours « Adulting 101 », traduisent une prise de conscience institutionnelle : préparer la génération Z à un monde en mutation ne se limite pas à l’enseignement académique, mais implique l’acquisition de compétences pratiques, sociales et émotionnelles.

Le déficit de compétences pratiques chez la génération Z doit être replacé dans un contexte historique et sociétal. Comparée aux générations précédentes, cette génération évolue dans un environnement plus complexe : marché du travail instable, digitalisation accélérée, contraintes économiques et mutations sociales.

Il est également important de reconnaître que la génération Z développe d’autres compétences stratégiques : pensée critique, créativité, adaptation rapide, compétences numériques et collaboration à distance. Ces aptitudes reflètent une évolution des compétences nécessaires plutôt qu’un manque de capacité.

Les difficultés de la génération Z à acquérir certaines compétences de vie traduisent une transformation sociétale et éducative, plutôt qu’un défaut intrinsèque. Les initiatives émergentes pour développer l’autonomie pratique constituent une réponse structurée à un besoin réel, et offrent une piste pour préparer les jeunes adultes à naviguer dans un monde de plus en plus complexe et numérisé.

Ce constat appelle à une réflexion globale sur l’éducation et la formation, pour que chaque génération puisse s’adapter aux exigences d’un monde en perpétuelle mutation.

Celine Dou, pour la boussole-infos

Tchad : le « Génie mathématicien » Mahamat Alhabib Idriss refuse une offre de plus de 100 millions de F CFA pour son compte TikTok, quand le savoir vaut plus que l’argent

Au Tchad, un jeune homme a refusé ce que beaucoup auraient considéré comme une fortune.
Mahamat Alhabib Idriss, surnommé le « Génie mathématicien », a décliné une offre de plus de 100 millions de francs CFA (environ 150 000 euros) proposée par des investisseurs états-uniens pour le rachat de son compte TikTok, suivi par plus de 3,5 millions d’abonnés.
Derrière ce choix se cache bien plus qu’un simple attachement à un compte : c’est une affirmation de valeurs, un refus de la marchandisation du savoir et un signal fort envoyé à une génération.

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Fondateur de l’Académie des Sciences, Mahamat Alhabib Idriss s’est donné pour mission de démystifier les mathématiques à travers des vidéos simples, ludiques et pédagogiques.
Là où beaucoup exploitent les réseaux sociaux pour le divertissement, lui en a fait un outil d’éducation populaire.
Ses publications, filmées sans artifice, montrent comment aborder des équations complexes ou des démonstrations logiques avec des méthodes accessibles à tous.

En quelques années, il est devenu une référence africaine de la vulgarisation scientifique, réunissant une audience massive bien au-delà du Tchad.

L’offre qu’il a reçue provenant, selon ses proches, de promoteurs états-uniens spécialisés dans la valorisation de comptes à forte audience illustre un phénomène mondial :
celui de la monétisation de l’attention.
Dans cette économie, les abonnés, les clics et les vues deviennent des actifs financiers.
Les comptes de créateurs sont achetés, rebaptisés, reprogrammés à des fins commerciales, parfois sans lien avec leur contenu d’origine.

En refusant de vendre, Mahamat Alhabib Idriss a implicitement posé une question essentielle :

« Le savoir, peut-il être vendu comme un simple produit ? »

Ce geste, en apparence anecdotique, a une portée symbolique rare.
Il traduit la volonté d’une partie de la jeunesse africaine de conserver la maîtrise de sa production intellectuelle et de refuser la dilution culturelle imposée par le capitalisme numérique globalisé.

Dans un continent souvent dépeint comme dépendant technologiquement, le Génie mathématicien incarne une autre voie : celle d’une autonomie par le savoir.
Son refus n’est pas seulement économique, il est philosophique celui d’un homme qui croit encore que l’enseignement et la transmission ne doivent pas se monnayer au prix du renoncement à soi.

L’affaire révèle aussi un basculement de fond :
l’Afrique n’est plus uniquement un espace de consommation de contenus, mais devient un foyer de création intellectuelle numérique.
Des enseignants, scientifiques et vulgarisateurs utilisent TikTok, YouTube ou Instagram pour rendre les savoirs accessibles à des millions d’apprenants, souvent dans des contextes éducatifs précaires.

Face à cela, les grandes plateformes et certains investisseurs étrangers tentent d’absorber ces nouveaux pôles d’influence.
Mais la résistance de figures comme Mahamat Alhabib Idriss marque une prise de conscience :
la connaissance produite sur le continent doit appartenir à ceux qui la créent.

À l’heure où l’Occident débat de l’intelligence artificielle et du contrôle des données, le geste du jeune tchadien a la simplicité d’un rappel moral :
le numérique peut être un espace de liberté, à condition qu’il reste au service de l’humain, et non du profit.

Son attitude rejoint celle d’une génération africaine qui choisit le savoir plutôt que le buzz, la transmission plutôt que la spéculation.
C’est peut-être là la plus belle des résistances dans un monde saturé de chiffres :
celle d’un esprit libre, fidèle à sa mission éducative.

Le parcours de Mahamat Alhabib Idriss n’est pas celui d’un influenceur ordinaire.
Il incarne une renaissance silencieuse de l’Afrique intellectuelle, une jeunesse qui refuse d’être achetée et qui entend prouver que la vraie richesse est celle de l’esprit.

À travers ce refus, le Tchadien nous rappelle que le combat pour la souveraineté ne se mène pas seulement sur le terrain politique ou économique, mais aussi sur le terrain du savoir.

Celine Dou

Société Générale : grève autour du télétravail, symptôme d’un malaise post-Covid plus profond

En France, la décision de la Société Générale de réduire drastiquement le télétravail suscite la colère des syndicats, qui appellent à la grève ce 27 juin. Derrière ce bras de fer se joue bien plus qu’un simple débat sur l’organisation du travail : un révélateur des paradoxes français face au travail, à la liberté, et au rapport au réel.

Jeudi 27 juin, plusieurs syndicats (CFDT, CFTC, CGT) de la Société Générale ont appelé à la grève. Motif : la direction du groupe bancaire veut réduire à un seul jour par semaine la possibilité de télétravailler, alors que de nombreux employés bénéficiaient jusqu’ici de deux à trois jours de travail à distance. La mesure est jugée autoritaire, brutale, et déconnectée des réalités professionnelles post-Covid.

Mais derrière ce mouvement, c’est une tension bien plus large qui s’exprime : celle entre le besoin d’autonomie exprimé par une partie des salariés et les exigences de contrôle et de présence physique qui structurent encore le modèle d’entreprise traditionnel.

En mars 2020, au plus fort de la pandémie de Covid-19, des millions de salariés français furent contraints de travailler à distance du jour au lendemain. À l’époque, ce bouleversement fut largement mal vécu. Enquête après enquête, les Français affirmaient leur attachement au collectif, au cadre du bureau, et leur scepticisme face au « tout distanciel ». Pour beaucoup, le télétravail représentait une perte de repères, d’efficacité, voire de sens.

Cinq ans plus tard, les rôles semblent inversés. Une partie croissante des salariés refuse le retour au bureau, préférant organiser librement leurs journées, souvent en dehors du regard direct de la hiérarchie. Ce basculement s’est opéré sans réelle réflexion collective. Il soulève pourtant des enjeux fondamentaux sur la nature même du contrat de travail : est-il encore possible d’exiger une présence sans être perçu comme autoritaire ? Et que devient la notion d’engagement, dans un monde où l’espace professionnel est réduit à une fenêtre Zoom ?

Du côté des employeurs, l’irritation grandit. À la Société Générale comme ailleurs, les directions s’inquiètent d’un télétravail devenu, selon certains, une forme de « zone grise » du travail salarié. Difficile, en effet, de vérifier que les horaires contractuels sont respectés, que la productivité est constante, que les collaborateurs restent disponibles, motivés, connectés. Le lien hiérarchique s’effrite. La culture d’entreprise s’évapore. Et l’efficacité supposée du télétravail reste difficile à mesurer objectivement.

En imposant un retour plus encadré au bureau, la Société Générale espère rétablir ce lien de proximité managériale et de visibilité. Mais le rejet est vif. Car au fil des mois, le télétravail s’est aussi installé comme une nouvelle norme culturelle. Il s’agit moins d’un outil temporaire que d’un mode de vie revendiqué quitte à ignorer les contradictions qu’il suppose.

Ce conflit révèle aussi une fracture plus profonde encore : un certain rejet de la confrontation avec le réel. Loin des transports, des horaires fixes, des relations humaines parfois rugueuses ou imprévues, le télétravail offre un monde aménagé, à la carte. Un monde où l’on peut éviter les frictions sociales, les conflits de génération, la hiérarchie directe et même, parfois, le miroir de soi-même dans l’espace public. Le bureau est perçu comme une contrainte ; le chez-soi, comme un refuge.

Mais cette illusion d’autonomie n’est pas sans danger. Elle affaiblit le tissu collectif, réduit la circulation des idées, et alimente une forme de désincarnation du travail. Ce n’est pas tant la technologie qui pose problème, mais l’usage qu’une société en crise du lien fait d’elle.

Ce qui se joue aujourd’hui à la Société Générale concerne l’ensemble des grandes entreprises françaises et bien au-delà. En Allemagne, au Japon ou aux États-Unis d’Amérique, des géants de la tech et de la finance cherchent eux aussi à imposer un retour au bureau. Les résultats sont contrastés : là où certains ont su réintroduire la présence progressive avec pédagogie, d’autres se heurtent à une résistance accrue, notamment chez les jeunes salariés.

En France, le débat est encore largement piégé entre deux visions antagonistes : celle du contrôle, issue du modèle industriel, et celle de l’autonomie, portée par les mutations culturelles contemporaines. Il manque, pour l’heure, une synthèse collective, lucide, capable de penser un cadre de travail post-pandémique cohérent, humain et vérifiable.

La grève à la Société Générale n’est sans doute qu’un symptôme. Mais il est révélateur. Il met en lumière une tension culturelle propre à notre époque : vouloir les libertés du télétravail sans en assumer les responsabilités ; refuser les contraintes du bureau sans inventer d’alternative robuste. Le défi, pour les entreprises comme pour les salariés, sera de réconcilier autonomie et engagement, présence et souplesse, lien collectif et individualité.

Une équation délicate, mais incontournable, à l’heure où le travail n’est plus un simple lieu, mais une expérience sociale en recomposition.