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Malte face au défi de la protection des victimes de violences domestiques : entre intentions politiques et lacunes structurelles

À Malte, un pays membre de l’Union européenne comptant un peu plus de 500 000 habitants, les défaillances institutionnelles dans la gestion des cas de violences domestiques suscitent une vive préoccupation. Dans un communiqué publié le 2 juin 2025, le Malta Women’s Lobby (MWL), une organisation de la société civile engagée dans la défense des droits des femmes, a dénoncé ce qu’elle considère comme un déséquilibre persistant dans le traitement réservé aux victimes par les autorités judiciaires et policières.

Au cœur des critiques formulées par le MWL figure l’engorgement des tribunaux. Selon l’organisation, les affaires de violence domestique s’accumulent, avec plus de 2 000 dossiers en attente. Un second magistrat avait bien été nommé en 2023 pour accélérer les procédures, mais ce renfort n’était plus opérationnel dès septembre de la même année. Depuis lors, les délais se sont à nouveau allongés, exposant les victimes à une attente qui dépasse parfois douze mois avant une première comparution de leur agresseur présumé devant la justice.

Cette lenteur procédurale va à l’encontre des engagements pris par Malte dans le cadre de la Convention d’Istanbul, que l’État a ratifiée en 2014. Cette convention du Conseil de l’Europe impose aux parties de garantir une réponse diligente et efficace des autorités face aux violences à l’égard des femmes.

Outre les délais judiciaires, le Malta Women’s Lobby dénonce l’inefficacité des mesures de protection existantes. Des cas tragiques, comme celui de Bernice Cassar tuée en novembre 2022 après avoir signalé plusieurs agressions de la part de son ancien conjoint illustrent les défaillances d’un système censé prévenir de tels drames.

Des dispositifs de protection, tels que les ordonnances d’éloignement, existent en droit maltais. Cependant, leur mise en œuvre demeure inégale, parfois lente ou ignorée. Le gouvernement avait promis, dès 2014, l’introduction de bracelets électroniques pour surveiller les auteurs de violences. Dix ans plus tard, cette mesure n’a toujours pas été appliquée.

L’efficacité des politiques publiques est aussi conditionnée par les perceptions collectives. À ce titre, un sondage Eurobaromètre réalisé en 2023 a mis en lumière des chiffres préoccupants : 32 % des personnes interrogées à Malte estiment que les femmes exagèrent fréquemment lorsqu’elles déclarent être victimes de viol ou de violence. Il s’agit de l’un des taux les plus élevés de l’Union européenne. Le Malta Women’s Lobby considère que cette perception participe à la banalisation de la violence, au doute systématique jeté sur la parole des victimes, et à une réticence accrue à signaler les faits.

L’organisation féministe appelle à une série de mesures urgentes : allocation de ressources supplémentaires à la justice, formation spécialisée des magistrats et policiers, généralisation des mécanismes de protection (y compris électroniques), mais aussi engagement politique clair et suivi des promesses faites.

En parallèle, elle plaide pour une transformation culturelle profonde, seule à même de créer un environnement dans lequel les femmes victimes de violences seraient pleinement écoutées, crues, protégées et leurs agresseurs véritablement sanctionnés.

Si la situation maltaise interpelle, elle s’inscrit dans un contexte plus large. Dans plusieurs États membres de l’Union européenne, la protection des victimes reste imparfaite, en dépit des cadres juridiques communs. Le cas maltais met en lumière l’écart qui peut exister entre les textes ratifiés et les dispositifs réellement appliqués.

À cet égard, la Commission européenne, tout comme le Conseil de l’Europe, sont appelés à exercer un suivi plus rigoureux des engagements pris par les États, notamment en matière de délais de justice et de dispositifs d’accompagnement.

La dénonciation du Malta Women’s Lobby ne vise pas seulement à pointer des manquements institutionnels : elle interpelle plus largement sur la nécessité d’une justice accessible, rapide et crédible, condition essentielle à la protection des droits fondamentaux. Si Malte, comme d’autres pays de l’Union européenne, a inscrit des principes louables dans ses textes, l’urgence reste d’en garantir la pleine mise en œuvre.