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Lagos Fashion Week 2025 : la mode africaine s’affirme sur la scène mondiale

Du 29 octobre au 2 novembre 2025, la capitale économique du Nigeria accueille la 15ᵉ édition de la Lagos Fashion Week. L’événement, devenu un repère incontournable pour la création africaine, met cette année l’accent sur la durabilité et l’essor industriel du continent dans le domaine de la mode.

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Une plateforme africaine de dimension internationale

Créée en 2011, la Lagos Fashion Week s’est imposée comme le principal rendez-vous de la mode africaine. L’édition 2025, organisée sous le thème « In Full Bloom », symbolise la maturité atteinte par un secteur longtemps sous-estimé mais désormais influent. L’événement rassemble des dizaines de créateurs venus du Nigeria et d’autres pays du continent, des acheteurs internationaux, des médias et des acteurs économiques de la filière textile.

Cette montée en puissance reflète la stratégie du Nigeria de positionner Lagos comme un pôle régional de l’industrie créative. Les défilés s’accompagnent de forums, d’ateliers et de partenariats économiques, confirmant que la mode n’est plus seulement un art, mais un secteur porteur de croissance et d’emploi.

La durabilité au cœur du projet

L’un des axes majeurs de cette édition est la mode durable, portée par le programme Green Access 2025. Cette initiative encourage les jeunes créateurs à réutiliser les déchets textiles et à valoriser les savoir-faire artisanaux. Elle s’inscrit dans un mouvement plus large de transformation écologique de l’industrie africaine de la mode, soutenu par des institutions régionales et des partenaires financiers, tels que l’Africa Finance Corporation.

La Lagos Fashion Week 2025 a d’ailleurs été distinguée par le Earthshot Prize, dont elle est finaliste dans la catégorie « Build a Waste-Free World ». Une reconnaissance qui confirme la crédibilité internationale d’une approche conciliant créativité et responsabilité environnementale.

Un modèle inspirant pour l’Afrique francophone

Au-delà de la vitrine nigériane, la Lagos Fashion Week offre un modèle de structuration de la filière mode sur le continent. L’événement illustre ce qu’une alliance entre création, entrepreneuriat et innovation peut produire lorsque les États et le secteur privé s’engagent dans la même direction.

Pour les pays d’Afrique francophone, notamment le Cameroun, cette réussite constitue une source d’inspiration : valoriser l’artisanat local, renforcer la production textile, former de nouveaux créateurs et développer des circuits commerciaux internes au continent. L’expérience nigériane prouve qu’une politique culturelle et économique cohérente peut faire émerger une véritable industrie de la mode africaine.

Vers une économie créative intégrée

L’essor de la Lagos Fashion Week illustre une dynamique plus large : celle d’une économie créative africaine en voie d’intégration. Mode, musique, cinéma et design participent désormais d’une stratégie d’influence culturelle qui redéfinit la place du continent sur la scène mondiale.

Dans ce mouvement, la mode agit comme un miroir social et économique : elle raconte les mutations urbaines, la jeunesse, les imaginaires collectifs et les enjeux de souveraineté culturelle.

La Lagos Fashion Week 2025 n’est pas un simple défilé : c’est un manifeste pour une Afrique créatrice, durable et ambitieuse. En s’affirmant comme un carrefour de la mode mondiale, Lagos montre qu’il est possible de conjuguer esthétique, industrie et écologie. Une leçon dont l’Afrique francophone, et le Cameroun en particulier, gagneraient à s’inspirer pour faire émerger une filière cohérente et compétitive.

Celine Dou

Nigeria : TikTokeurs contraints au mariage par la charia après une vidéo virale

Au Nigeria, dans l’État de Kano, deux jeunes créateurs de contenu, Idris Mai Wushirya et Basira Yar Guda, ont été contraints par un tribunal islamique de se marier après la diffusion d’une vidéo les montrant s’embrassant sur TikTok. Cette décision soulève des questions sur la liberté d’expression, les droits individuels et l’application de la charia dans un pays fédéral.

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1. Le cadre juridique et religieux à Kano

L’État de Kano, situé dans le nord du Nigeria, applique la charia depuis 2000, en parallèle du droit civil fédéral. Cette double juridiction confère aux tribunaux islamiques une autorité considérable sur les affaires personnelles, notamment le mariage, le divorce et les comportements publics. Le 21 octobre 2025, un tribunal de première instance de Kano a ordonné à Idris Mai Wushirya et Basira Yar Guda de se marier dans les 60 jours suivant la diffusion de leur vidéo. Cette ordonnance a été rendue après que la vidéo des deux jeunes, montrant des gestes affectueux, ait été jugée « indécente » par le Kano State Films and Video Censorship Board (KSFVCB)

Le tribunal a instruit la police religieuse Hisbah de superviser le mariage, y compris les tests médicaux et la fourniture d’un logement. Cette décision a été justifiée par le juge Halima Wali, qui a déclaré que les deux jeunes, en affichant leur affection sur TikTok, manifestaient un amour profond nécessitant une reconnaissance légale.

2. Les droits individuels face à la charia

Cette ordonnance a suscité une vive réaction de la part de la Nigerian Bar Association (NBA), qui a qualifié la décision de « inconstitutionnelle », soulignant qu’aucun tribunal ne peut légalement contraindre deux individus à se marier. La NBA a également exprimé des préoccupations concernant la liberté individuelle et les droits civils dans un pays où la Constitution garantit la liberté de pensée, de conscience et de religion

Ce cas met en lumière le conflit entre les lois civiles fédérales et les lois religieuses appliquées dans certains États du nord du Nigeria. Alors que la Constitution nigériane protège les droits individuels, l’application de la charia dans des États comme Kano soulève des questions sur la compatibilité de ces deux systèmes juridiques.

3. L’influence des réseaux sociaux et la jeunesse nigériane

La viralité de la vidéo sur TikTok a exposé les jeunes Nigérians aux tensions entre la modernité numérique et les traditions conservatrices. Les plateformes de médias sociaux, en permettant une large diffusion de contenus, ont également facilité la surveillance et la régulation de ces contenus par les autorités locales. Dans ce contexte, les jeunes créateurs de contenu se retrouvent souvent au centre de débats sur la liberté d’expression, la moralité publique et l’identité culturelle.

L’affaire a également mis en évidence les défis auxquels sont confrontés les créateurs de contenu issus de communautés marginalisées. Basira Yar Guda, une comédienne de petite taille, a été accusée d’être utilisée comme un « accessoire » pour augmenter l’audience des vidéos de son partenaire. Cette dynamique soulève des questions sur l’exploitation, la représentation et le consentement dans le milieu numérique nigérian

4. Comparaison avec d’autres cas au Nigeria

Ce n’est pas la première fois que la charia est utilisée pour réguler la vie personnelle au Nigeria. En 2015, l’affaire d’Ese Oruru, une adolescente enlevée et mariée de force à Kano, a attiré l’attention nationale et internationale. Bien que les circonstances diffèrent, les deux cas illustrent l’utilisation de la charia pour imposer des normes sociales et réguler les comportements individuels, souvent au détriment des droits des femmes et des jeunes

5. Perspectives internationales et implications

À l’échelle internationale, ce cas soulève des questions sur la manière dont les pays appliquant la charia gèrent les contenus numériques et la liberté d’expression. Il met en lumière les tensions entre les normes culturelles locales et les pratiques mondiales des médias sociaux. La décision de forcer un mariage en réponse à une vidéo virale est un exemple extrême de la régulation de la vie privée par l’État, soulignant les défis liés à la gouvernance numérique dans des contextes culturels conservateurs.

L’affaire des TikTokeurs de Kano illustre les complexités de l’interaction entre droit religieux, droit civil et culture numérique dans un pays fédéral comme le Nigéria. Elle soulève des questions fondamentales sur la liberté individuelle, les droits des femmes et des jeunes, ainsi que sur l’équilibre entre respect des traditions et ouverture à la modernité. Ce cas servira probablement de point de référence pour les futurs débats sur la régulation des contenus numériques et les droits civils dans les États appliquant la charia.

Celine Dou