Une dynamique diplomatique inédite s’est enclenchée autour du conflit à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). Une rencontre directe s’est tenue à Doha, au Qatar, entre des représentants du gouvernement congolais et ceux du mouvement rebelle M23/AFC, marquant un tournant dans les efforts de médiation. Cette avancée diplomatique a débouché sur un retrait partiel des forces du M23 de Walikale, une localité stratégique de l’est du pays, tandis que sur le terrain, la situation humanitaire continue de se détériorer avec des pillages d’établissements de santé attribués aux rebelles.
Une réunion discrète mais prometteuse à Doha
Selon une source proche des pourparlers, la rencontre a été organisée en toute discrétion par les autorités qataries. Il s’agit de la première réunion directe entre Kinshasa et le M23 depuis le début de la résurgence du conflit. La discussion a été jugée « positive », avec un début de rétablissement de la confiance entre les parties.
À l’issue de la réunion, le M23 a procédé à un retrait de la ville de Walikale, récemment conquise. Ce geste est interprété comme une démonstration de bonne volonté et un soutien au processus de dialogue. De nouvelles sessions de pourparlers sont prévues à Doha dans les jours à venir, toujours sous l’égide du Qatar.
Walikale : un retrait militaire entaché de pillages
Malgré le retrait annoncé, la société civile rapporte que des éléments présumés du M23 ont pillé plusieurs établissements de santé dans le territoire de Walikale entre le 3 et le 4 avril. À Kibua, l’hôpital général de référence et le centre de santé de Mungazi ont été dépouillés de leur matériel biomédical, panneaux solaires, médicaments et documents administratifs.
Même constat au centre de santé de Kishanga, situé à une dizaine de kilomètres, également vidé de ses équipements. Ces destructions aggravent une situation déjà critique : 9 structures sanitaires sur 18 avaient été saccagées entre le 17 et le 23 mars, lors de l’avancée initiale des rebelles.
Selon un prestataire de santé sur place :
« Sans l’aide du gouvernement et de ses partenaires, notre structure aura du mal à se relever. »
D’après Médecins Sans Frontières, plus de 700 déplacés s’étaient réfugiés dans l’hôpital général de Walikale à la fin mars.
Appels à la justice et à la protection des civils
La société civile locale demande que les auteurs de ces exactions soient traduits en justice et appelle les autorités congolaises à renforcer la protection des populations civiles sur l’axe Walikale-Masisi, où le M23 aurait redéployé ses forces. Le groupe rebelle, tout en quittant Walikale, aurait poursuivi des actes de violence, notamment le pillage systématique des centres médicaux, emportant médicaments, équipements et matériels récemment offerts dans le cadre des projets gouvernementaux de développement.
Une nouvelle médiation africaine proposée par l’Union africaine
Alors que la médiation angolaise n’a pas porté ses fruits, le président angolais Joao Lourenço, qui préside actuellement l’Union africaine (UA), a proposé le président togolais Faure Gnassingbé comme nouveau médiateur dans le conflit congolais.
Cette proposition a été faite lors d’une réunion du Bureau de l’Assemblée de l’UA, en présence des présidents du Ghana, de la Mauritanie, du vice-président du Burundi et du ministre tanzanien des Affaires étrangères. Lourenço y a souligné la gravité de la crise humanitaire dans l’est de la RDC et ses conséquences sur la stabilité régionale.
Le retrait de l’Angola de son rôle de médiateur, annoncé le 24 mars, est motivé par « des responsabilités accrues à la tête de l’UA » et la nécessité de garantir la continuité du processus de paix.
Une fenêtre fragile vers l’apaisement
Le retrait partiel du M23 de Walikale et la reprise du dialogue offrent un espoir modeste de désescalade. Toutefois, la situation humanitaire demeure alarmante, et les exactions contre les civils ne peuvent rester sans réponse. La réussite de la médiation qatarie et la potentielle entrée en scène du Togo comme médiateur africain seront déterminantes pour sortir l’Est de la RDC de cette spirale de violences.