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Tunisie — Sonia Dahmani libérée : le cas emblématique de la répression via le décret‑loi 54

Sonia Dahmani, avocate et commentatrice tunisienne, a recouvré la liberté le 27 novembre 2025 après 18 mois de détention. Son parcours judiciaire illustre les tensions croissantes entre législation sur la cybercriminalité, liberté de la presse et respect des droits fondamentaux en Tunisie.

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Depuis 2022, le décret‑loi 54, présenté comme un outil de lutte contre la désinformation en ligne, est dénoncé pour sa portée vague et son usage répressif contre les voix critiques. Selon le Committee to Protect Journalists (CPJ), ce texte a conduit à l’incarcération d’au moins cinq journalistes en 2024, un record depuis trois décennies.

Le 11 mai 2024, Sonia Dahmani est arrêtée lors d’une descente policière au siège de l’Ordre des avocats à Tunis. Ses prises de parole dans les médias (radio IFM, télévision Carthage Plus) sont jugées “fausses informations” ou “incitation à la haine”, motifs retenus contre elle dans le cadre du décret 54.

En juillet 2024, elle est condamnée en première instance pour diffusion de fausses informations. La peine est réduite en appel à huit mois de prison, mais de nouvelles condamnations suivent rapidement. En octobre 2024, elle reçoit deux ans de prison pour commentaires sur la situation des migrants subsahariens en Tunisie, et en juin 2025, une nouvelle peine de deux ans est prononcée pour des interventions télévisées. Certaines affaires ont été requalifiées en “felony”, pouvant entraîner jusqu’à dix ans de prison.

Au total, Sonia Dahmani faisait face à au moins cinq dossiers distincts, ce qui, selon les ONG, constitue un usage cumulatif du décret 54 visant à intimider et réduire l’espace de parole critique.

Durant sa détention à la prison de Manouba, Sonia Dahmani a été soumise à des conditions jugées indignes par des ONG internationales. Des témoignages signalent un accès limité aux soins pour ses problèmes de santé chroniques (diabète, hypertension, thyroïde) ainsi que des fouilles humiliantes et l’absence d’assistance juridique régulière.

Ces éléments renforcent les critiques sur l’utilisation de la détention préventive et sur le harcèlement judiciaire comme instrument de pression politique.

Le 27 novembre 2025, le ministère de la Justice a annoncé la libération conditionnelle de Sonia Dahmani. Les syndicats de journalistes tunisiens, dont le SNJT, saluent cette décision tout en rappelant que plusieurs poursuites restent en cours, maintenant un risque juridique significatif.

Selon les ONG et avocats, cette libération ne met pas fin à la menace que représente le décret 54 pour le pluralisme médiatique et le droit d’expression.

Le cas Sonia Dahmani illustre plusieurs enjeux majeurs :

  • Utilisation juridique du décret 54 pour museler les critiques, notamment les journalistes et avocats.
  • Accumulation des poursuites contre une même personne, créant un climat de peur et d’autocensure.
  • Fragilité des garanties démocratiques en Tunisie, avec des atteintes au pluralisme et aux droits fondamentaux.
  • Répercussions régionales : le cas alerte sur les pratiques similaires dans d’autres pays d’Afrique du Nord et au-delà, où la législation sur les “fausses informations” peut être détournée.

Des organisations internationales rappellent que la liberté d’expression est protégée par la Constitution tunisienne et les engagements internationaux de la Tunisie. L’affaire Dahmani devient ainsi un baromètre du respect de ces droits et un signal d’alarme pour la société civile et les médias indépendants.

  • SNJT : “Une victoire symbolique, mais la vigilance reste de mise pour protéger tous les journalistes poursuivis.”
  • CPJ et Amnesty International : appellent à la réforme du décret 54 et à la libération de tous les journalistes emprisonnés.
  • Médias internationaux : relaient l’affaire comme un exemple des restrictions croissantes de la liberté d’expression en Tunisie.

La libération de Sonia Dahmani ne clôt pas les enjeux qu’elle incarne. Son dossier souligne la nécessité de surveiller l’application du décret 54 et d’assurer la protection de la liberté de la presse et du débat public en Tunisie. La communauté internationale et nationale reste attentive aux développements, tandis que le cas Dahmani continue d’être un symbole du combat pour les droits fondamentaux et la démocratie.

Celine Dou

Iran : la loi sur l’espionnage menace la liberté d’expression et interpelle la communauté internationale

Le Parlement iranien a adopté une nouvelle loi sur l’espionnage qui prévoit la peine de mort pour certaines publications jugées « criminelles » sur les réseaux sociaux. Cette législation suscite de vives inquiétudes sur la répression de la liberté d’expression et les risques d’exécutions arbitraires dans le pays.

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Adoptée en juin 2025, cette loi vise à renforcer les sanctions contre toute personne accusée de « coopération avec des gouvernements hostiles », notamment Israël et les États‑Unis d’Amérique. Les amendements introduisent la possibilité de qualifier ces actes de « corruption sur terre » (efsad fel-arz), une infraction passible de la peine capitale dans le droit iranien.

Par ailleurs, la loi englobe la propagande ou toute activité en ligne jugée « hostile » ou portant atteinte à la « sécurité nationale », ouvrant la voie à des condamnations lourdes, incluant la prison à vie et la peine de mort.

Cette législation menace directement les journalistes, activistes, défenseurs des droits humains et internautes, qui risquent d’être accusés d’espionnage ou de « corruption sur terre » pour des activités pourtant pacifiques. Amnesty International et plusieurs ONG ont alerté sur le risque de procès arbitraires et de tortures dans les prisons iraniennes, notamment à Evin, où sont détenus de nombreux journalistes et opposants politiques.

Les minorités ethniques et religieuses, ainsi que la jeunesse connectée aux réseaux sociaux, apparaissent particulièrement vulnérables. L’autocensure se généralise, freinant la circulation de l’information et les débats critiques dans la société civile.

Cette loi s’inscrit dans un contexte de tensions régionales et internationales. Les récentes frappes israéliennes et les accusations d’espionnage à l’encontre de citoyens iraniens ont été suivies d’une vague d’arrestations. Le gouvernement iranien justifie sa législation comme une mesure de « protection nationale », mais celle-ci s’aligne également sur un contrôle renforcé de l’opinion publique, limitant la contestation interne.

Pour la communauté internationale, ce texte constitue un signal préoccupant sur le respect des droits fondamentaux et des engagements internationaux de l’Iran, notamment en matière de libertés civiles et de procès équitables.

Au-delà de l’Iran, cette loi soulève des questions sur la manière dont les régimes peuvent instrumentaliser des accusations d’espionnage pour restreindre la liberté d’expression. Elle illustre le risque de criminalisation des voix dissidentes, particulièrement dans un monde où l’information circule rapidement et globalement.

Elle souligne également l’importance du suivi international : sanctions ciblées, pressions diplomatiques et soutien aux journalistes et défenseurs des droits humains sont essentiels pour prévenir les abus et protéger les libertés fondamentales.

La loi iranienne sur l’espionnage n’est pas seulement une question interne : elle résonne comme un avertissement sur les limites de la liberté d’expression dans un régime autoritaire. En restreignant le droit de parole et en menaçant la vie des citoyens pour leurs opinions, l’Iran confronte la communauté internationale à un dilemme : comment défendre les droits humains face à des textes législatifs qui transforment la parole en crime.

Celine Dou