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Scandale du recyclage en Suède : Fariba Vancor jugée coupable d’avoir enfoui des milliers de tonnes de déchets dangereux

En Suède, pays souvent cité en exemple pour sa gestion avancée des déchets, un scandale d’une ampleur inédite vient ébranler cette réputation. Le 17 juin 2025, la justice suédoise a condamné Fariba Vancor, surnommée la « reine des déchets », à six ans de prison pour un système de fraude environnementale massif, ayant transformé le recyclage en un gigantesque crime industriel.

À la tête de l’entreprise Think Pink, Fariba Vancor connue auparavant sous le nom de Bella Nilsson a, entre 2015 et 2020, orchestré une vaste opération illégale de gestion de déchets. Sur une vingtaine de sites répartis dans le centre de la Suède, des centaines de milliers de tonnes de déchets de construction, de matériaux industriels et de substances hautement toxiques ont été illégalement stockés, enfouis ou abandonnés sans aucun traitement.

Les analyses ont révélé des concentrations alarmantes de substances dangereuses : plomb, mercure, PCB, arsenic. Les déchets, censés être recyclés selon les normes strictes du secteur, ont en réalité été simplement dissimulés, permettant à l’entreprise de dégager des profits considérables au détriment de l’environnement et des collectivités.

Le procès, qualifié de plus vaste procédure environnementale de l’histoire judiciaire suédoise, s’est étendu sur plus de 80 jours d’audience, mobilisant 150 témoins et des milliers de documents.

Fariba Vancor a été condamnée à six ans de prison, la peine la plus lourde.
Son ex-mari et associé, Thomas Nilsson, a écopé de trois ans et demi de réclusion.
Dix des onze dirigeants poursuivis ont été reconnus coupables ; les peines des autres accusés vont du sursis à plusieurs années de détention.

Au plan financier, les condamnés devront également verser environ 250 millions de couronnes suédoises (environ 22 millions d’euros) aux municipalités affectées, pour financer la dépollution et la réhabilitation des sites contaminés.

L’affaire Think Pink illustre un paradoxe croissant du secteur du recyclage européen. Derrière les discours ambitieux de transition écologique, certaines entreprises exploitent les failles du système de régulation pour maximiser leurs profits. Les collectivités locales, cherchant à réduire les coûts de traitement des déchets, ont souvent privilégié les prestataires les moins onéreux, sans toujours vérifier la traçabilité effective des opérations de recyclage.

Ce modèle à bas coût a ainsi ouvert la voie à des pratiques frauduleuses de grande ampleur, dont les conséquences écologiques et sanitaires seront durables.

Si la Suède a su réagir avec fermeté, cette affaire met en lumière une problématique beaucoup plus large. En Allemagne, en Italie ou encore en Europe de l’Est, plusieurs scandales similaires émergent depuis quelques années. Le marché du recyclage, devenu hautement internationalisé et complexe, offre un terrain fertile aux pratiques illégales, profitant de contrôles parfois insuffisants et d’une coordination européenne encore lacunaire.

La Commission européenne elle-même alerte depuis plusieurs années sur l’existence de réseaux criminels organisés opérant dans le domaine des déchets, avec des ramifications transnationales.

La sévérité de la condamnation suédoise établit un précédent juridique majeur. Elle rappelle que les crimes environnementaux ne sauraient rester cantonnés à de simples sanctions administratives, mais relèvent désormais du droit pénal le plus strict. Ce signal pourrait encourager d’autres pays européens à durcir leur arsenal judiciaire face à des atteintes écologiques majeures.

Au-delà du seul aspect judiciaire, l’affaire Think Pink soulève une question stratégique. Le recyclage constitue désormais un levier essentiel de souveraineté industrielle en Europe, notamment pour sécuriser l’accès à certaines matières premières critiques. L’absence de contrôle strict dans ces filières pourrait menacer non seulement l’environnement, mais aussi la compétitivité économique européenne face aux grandes puissances exportatrices de matières premières.

Le scandale suédois rappelle que derrière les ambitions louables de transition écologique, l’économie circulaire reste exposée à des risques systémiques. Tant que les mécanismes de contrôle, de transparence et de sanction ne seront pas renforcés, les dérives comme celle de Think Pink continueront de faire peser de lourdes menaces sur l’environnement et la santé publique.