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L’Iran fait face à une grave pénurie d’eau : au-delà de la sécheresse, une question de gestion et d’institutions

L’Iran traverse une crise hydrique majeure qui touche des millions de citoyens. Les rivières s’assèchent, les nappes phréatiques s’épuisent et certaines régions subissent des restrictions sévères sur l’eau potable. Si la sécheresse naturelle est un facteur, cette pénurie révèle surtout des insuffisances de gouvernance et des choix politiques qui aggravent la situation.

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En Iran, plusieurs provinces connaissent actuellement des pénuries d’eau qui perturbent la vie quotidienne des habitants. L’accès à l’eau potable devient limité, les systèmes d’irrigation sont insuffisants et certaines zones rurales et urbaines doivent rationner la consommation. Cette situation, souvent présentée comme une conséquence directe de la sécheresse, est en réalité le reflet de dysfonctionnements structurels dans la gestion des ressources hydriques.

L’épuisement des nappes phréatiques et la surexploitation des rivières par des pratiques agricoles intensives et parfois illégales aggravent le stress hydrique. Des infrastructures anciennes et mal entretenues contribuent à des pertes importantes, tandis que l’urbanisation rapide de villes comme Téhéran accentue la demande en eau. Cette combinaison de facteurs montre que le problème dépasse largement le climat : il s’agit d’un défi de gouvernance et de politique publique.

L’impact social et politique de cette crise est significatif. Les restrictions d’eau et les inégalités d’accès provoquent des tensions entre provinces et entre populations rurales et urbaines. Dans certaines zones, la frustration croissante des citoyens a conduit à des manifestations locales, traduisant une perception de gestion injuste des ressources. La crise met en lumière comment la politique de l’eau, lorsqu’elle est déficiente ou clientéliste, peut devenir un facteur d’instabilité sociale.

L’analyse des pratiques agricoles montre que l’eau est utilisée de manière disproportionnée et souvent inefficace. L’irrigation traditionnelle inondante et la culture de plantes très consommatrices entraînent un gaspillage massif, sans générer de valeur économique suffisante pour compenser ce déséquilibre. L’urbanisation et le manque de planification des infrastructures hydriques amplifient ce problème, rendant la population vulnérable face à des épisodes de sécheresse de plus en plus fréquents.

La crise en Iran illustre également les limites des politiques publiques dans un contexte où les intérêts politiques et économiques peuvent influencer la distribution et l’accès à l’eau. Des experts internationaux recommandent une réforme profonde des institutions responsables de la gestion de l’eau, combinée à des investissements dans la modernisation des infrastructures et le contrôle strict des usages agricoles. Ces mesures sont jugées essentielles pour garantir l’équité, la durabilité et la résilience face aux aléas climatiques.

En conclusion, la pénurie d’eau en Iran ne peut pas être réduite à la sécheresse naturelle. Elle est le résultat de choix institutionnels et politiques, d’une planification insuffisante et de pratiques de gestion des ressources hydriques inadaptées. Comprendre cette crise nécessite donc de dépasser l’évidence météorologique pour analyser les structures de gouvernance et les décisions publiques qui déterminent l’accès à une ressource vitale pour des millions de personnes.

Celine Dou

Zimbabwe : panne d’électricité en plein SONA, révélateur des fragilités structurelles du pays

Le 28 octobre 2025, le président zimbabwéen Emmerson Mnangagwa prononçait devant le Parlement son discours annuel sur l’état de la nation (State of the Nation Address – SONA), moment solennel de présentation des orientations et priorités gouvernementales. Mais au milieu de son allocution, une coupure d’électricité a plongé la salle dans l’obscurité. Sans se départir de son calme, le chef de l’État a poursuivi la lecture de son discours à la lumière d’une torche tenue par un aide de camp.

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Cet incident, relayé par les médias locaux et internationaux, a rapidement circulé sur les réseaux sociaux et a été interprété par beaucoup comme un symbole des fragilités structurelles du pays.

Des infrastructures énergétiques en difficulté

Le Zimbabwe est confronté depuis plusieurs années à une crise énergétique persistante. La production électrique repose principalement sur le barrage de Kariba, partagé avec la Zambie, ainsi que sur des centrales thermiques vieillissantes. Les niveaux d’eau insuffisants dans le barrage et le manque d’entretien du réseau ont entraîné des coupures fréquentes, affectant à la fois les ménages, les entreprises et les institutions publiques.

Selon la Zimbabwe Electricity Supply Authority (ZESA), les délestages peuvent durer jusqu’à 10 heures par jour dans certaines régions. La situation reflète un déficit chronique d’investissements dans les infrastructures, combiné à la gestion parfois opaque du secteur énergétique.

L’événement en détail

Le SONA 2025 devait être l’occasion pour Mnangagwa de présenter les priorités économiques et sociales pour l’année à venir. La panne, survenue à mi-discours, a entraîné un moment de confusion parmi les députés et le personnel parlementaire.

Malgré l’obscurité, le président a poursuivi son allocution avec une torche comme unique source de lumière, démontrant un certain sang-froid et une volonté de maintenir le rituel institutionnel. L’incident a été couvert par plusieurs chaînes locales et internationales, qui ont souligné à la fois l’aspect spectaculaire et l’ampleur symbolique de la situation.

Analyse politique et symbolique

Au-delà de l’anecdote, cette panne d’électricité met en lumière les limites de la gouvernance au Zimbabwe. Elle souligne la difficulté du gouvernement à moderniser les infrastructures essentielles et à assurer la continuité des services publics dans un contexte économique fragile.

L’image du président lisant son discours dans le noir peut être interprétée comme une allégorie de la distance entre les promesses politiques et la réalité quotidienne des Zimbabwéens. Ce paradoxe entre communication politique et infrastructures défaillantes renforce la perception d’un État en difficulté, confronté à la fois à des défis techniques et à des attentes sociales croissantes.

Réactions et implications

Officiellement, la ZANU-PF a minimisé l’incident, évoquant un problème technique isolé, tandis que certains parlementaires du parti au pouvoir ont évoqué la possibilité d’un sabotage. L’opposition et la société civile, elles, dénoncent un symbole de l’incapacité gouvernementale à garantir des services essentiels.

L’événement a également des implications pour l’image internationale du Zimbabwe. Les investisseurs et partenaires étrangers observent avec attention la capacité du pays à fournir des infrastructures fiables, condition essentielle pour relancer l’économie et restaurer la confiance dans le secteur public.

Un incident symptomatique

La panne d’électricité lors du SONA 2025 dépasse le simple fait divers. Elle illustre les défis structurels persistants du Zimbabwe : modernisation des infrastructures, gestion énergétique, crédibilité gouvernementale et gouvernance politique.

Elle rappelle que la stabilité d’un État ne peut reposer uniquement sur le maintien du pouvoir, mais exige la capacité à fournir des services fondamentaux et à répondre aux besoins de la population. Dans ce contexte, le symbole d’un président lisant son discours à la torche pourrait devenir un avertissement sur la fragilité persistante des institutions zimbabwéennes.

Celine Dou, pour la boussole-infos

Afrique du Sud : 26 milliards de dollars engagés pour une transition énergétique sous haute surveillance

L’Afrique du Sud concentre aujourd’hui les regards de la communauté internationale en matière de transition énergétique. Avec plus de 26 milliards de dollars de financements mobilisés depuis 2021, le pays se trouve au cœur d’une expérience inédite visant à accompagner un basculement progressif vers des énergies plus propres, tout en préservant sa stabilité économique et sociale. Cette transition s’annonce toutefois longue, complexe et semée de nombreux défis.

L’Afrique du Sud figure parmi les plus gros producteurs mondiaux de charbon. Encore aujourd’hui, près de 80 % de son électricité est produite à partir de cette ressource. Cette dépendance énergétique, héritée d’une politique industrielle construite sur l’abondance de ressources fossiles, place le pays dans une situation délicate à l’heure des engagements internationaux contre le changement climatique.

En parallèle, le vieillissement des infrastructures, les difficultés de gestion du géant public Eskom et les fréquentes coupures d’électricité (« load-shedding ») ont exposé les limites du modèle énergétique sud-africain. Face à ces difficultés, la nécessité d’une transition devient à la fois un impératif environnemental et un enjeu de survie économique.

En novembre 2021, lors de la COP26 à Glasgow, l’Afrique du Sud a signé avec cinq partenaires internationaux un accord baptisé Just Energy Transition Partnership (JETP). Ce programme inédit regroupe les États-Unis d’Amérique, l’Union européenne, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, autour d’un engagement initial de 8,5 milliards de dollars, depuis porté à 9,3 milliards par l’arrivée de nouveaux partenaires.

L’objectif affiché du JETP est double :

  • Réduire les émissions sud-africaines de CO₂, parmi les plus élevées par habitant dans le monde ;
  • Garantir une transition « juste », c’est-à-dire socialement acceptable, en particulier pour les centaines de milliers de travailleurs dépendants de l’industrie charbonnière.

Outre les financements bilatéraux, d’autres institutions multilatérales ont renforcé leur soutien. En juin 2025, la Banque mondiale a accordé un prêt de 1,5 milliard de dollars destiné à financer des réformes structurelles d’Eskom, la modernisation du réseau électrique et le développement des énergies renouvelables.

L’Union européenne, de son côté, via son programme Global Gateway, a annoncé en mars 2025 un nouveau financement de 4,4 milliards d’euros (environ 4,8 milliards de dollars), visant notamment le développement du solaire, de l’éolien et de l’hydrogène vert.

L’Agence française de développement (AFD) a également octroyé un prêt de 400 millions d’euros, spécifiquement orienté vers le volet social de la transition, en soutenant les formations professionnelles et la reconversion des travailleurs affectés par la fermeture des mines et centrales à charbon.

Malgré ces engagements massifs, la transformation reste lente et semée d’embûches. Les difficultés structurelles d’Eskom endetté à hauteur de 20 milliards de dollars et l’état vétuste des centrales électriques compliquent la sécurisation de la fourniture électrique. L’Afrique du Sud continue de connaître des coupures d’électricité quasi quotidiennes, aggravant le mécontentement social.

Paradoxalement, ces difficultés ont amené les autorités à prolonger temporairement l’activité de certaines centrales à charbon, au grand dam des défenseurs de l’environnement. La question de la coordination des fonds internationaux, de leur bonne gestion et de la transparence des projets financés reste aussi un sujet d’inquiétude croissant au sein de la société civile sud-africaine.

Au-delà des aspects techniques et économiques, la transition énergétique sud-africaine s’inscrit dans un contexte politique délicat. Les élections générales de mai 2024 ont vu l’ANC, parti au pouvoir depuis 1994, enregistrer une perte historique de sa majorité absolue. Le gouvernement de coalition dirigé par Cyril Ramaphosa doit composer avec une société de plus en plus polarisée, où les inégalités sociales alimentent la défiance envers les projets perçus comme imposés par des intérêts étrangers.

Le succès ou l’échec de la transition énergétique pourrait ainsi peser lourd dans les équilibres politiques à moyen terme. D’autant plus que les populations des bassins miniers, notamment dans la région du Mpumalanga, craignent des pertes massives d’emploi, malgré les promesses de reconversion et de formation.

L’Afrique du Sud est aujourd’hui un laboratoire observé bien au-delà de ses frontières. Son expérience pourrait servir de modèle (ou de contre-exemple) pour d’autres économies émergentes confrontées aux mêmes dilemmes : sortir des énergies fossiles sans provoquer de fractures sociales insurmontables.

Les institutions financières internationales, de la Banque mondiale à la Banque africaine de développement, suivent de près l’avancement des projets. La réussite de cette transition conditionne en partie la crédibilité des dispositifs globaux de soutien à la décarbonation des pays du Sud, dans un contexte où les fractures entre Nord et Sud sur le climat restent vives.

En définitive, l’Afrique du Sud ne manque ni de soutiens financiers, ni de volonté politique affichée. Mais la réussite de sa transition énergétique dépendra de sa capacité à :

  • Moderniser rapidement ses infrastructures électriques ;
  • Soutenir effectivement les travailleurs affectés ;
  • Assurer une gestion transparente des fonds internationaux ;
  • Préserver sa stabilité sociale et politique.

Le pari sud-africain est à haut risque. Il pourrait néanmoins, s’il réussit, préfigurer les futures trajectoires énergétiques de nombreuses économies émergentes confrontées au même dilemme.