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Génération Z face aux compétences de vie : comprendre les défis de l’autonomie dans un monde en mutation

La génération Z, née entre 1996 et 2010, affiche une aisance numérique remarquable mais rencontre des difficultés dans certaines compétences pratiques du quotidien, comme la gestion financière, la cuisine ou l’entretien d’un logement. Face à ce constat, des initiatives éducatives émergent pour combler ce déficit, soulignant un enjeu sociétal majeur : préparer les jeunes à vivre et travailler dans un monde en mutation.

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« Je sais coder, mais je ne sais pas changer un pneu. » Ce constat, partagé par plusieurs jeunes adultes, illustre une réalité qui inquiète enseignants, parents et institutions : malgré des acquis technologiques indéniables, certains jeunes peinent à maîtriser les compétences de vie essentielles à l’autonomie.

Plusieurs enquêtes internationales révèlent qu’une proportion significative de jeunes adultes éprouve des difficultés à gérer des tâches de la vie quotidienne. Selon une étude canadienne, près de 80 % des étudiants déclarent se sentir mal préparés pour gérer un budget, cuisiner ou entretenir un logement.

Ce phénomène n’est pas limité au Canada. Des initiatives similaires ont été observées aux États-Unis, où certaines universités proposent désormais des cours d’« adulting », visant à enseigner les compétences pratiques que les programmes scolaires traditionnels négligent.

La génération Z est la première à avoir grandi dans un monde entièrement numérique, caractérisé par une exposition précoce à internet et aux technologies. Cette immersion a favorisé une maîtrise remarquable des outils numériques, mais a aussi limité l’apprentissage pratique dans des contextes réels.

Par ailleurs, la pandémie de COVID‑19 a réduit les interactions sociales et les expériences pratiques, accentuant ce déficit. L’essor des applications pour tout faire (livraison, gestion financière automatisée, services à domicile) a également contribué à diminuer l’exposition des jeunes à certaines tâches quotidiennes.

Il serait réducteur de qualifier cette génération d’« incapable ». Les recherches montrent que le déficit de compétences pratiques résulte d’un écart entre les compétences valorisées par l’éducation formelle et celles requises pour l’autonomie quotidienne.

L’autonomie ne se limite pas à la capacité technique. Les dimensions psychosociales, telles que la confiance en soi, la santé mentale et la gestion du stress, jouent un rôle central dans la capacité des jeunes à s’organiser et à prendre des décisions de manière indépendante.

Les initiatives éducatives, comme les cours « Adulting 101 », traduisent une prise de conscience institutionnelle : préparer la génération Z à un monde en mutation ne se limite pas à l’enseignement académique, mais implique l’acquisition de compétences pratiques, sociales et émotionnelles.

Le déficit de compétences pratiques chez la génération Z doit être replacé dans un contexte historique et sociétal. Comparée aux générations précédentes, cette génération évolue dans un environnement plus complexe : marché du travail instable, digitalisation accélérée, contraintes économiques et mutations sociales.

Il est également important de reconnaître que la génération Z développe d’autres compétences stratégiques : pensée critique, créativité, adaptation rapide, compétences numériques et collaboration à distance. Ces aptitudes reflètent une évolution des compétences nécessaires plutôt qu’un manque de capacité.

Les difficultés de la génération Z à acquérir certaines compétences de vie traduisent une transformation sociétale et éducative, plutôt qu’un défaut intrinsèque. Les initiatives émergentes pour développer l’autonomie pratique constituent une réponse structurée à un besoin réel, et offrent une piste pour préparer les jeunes adultes à naviguer dans un monde de plus en plus complexe et numérisé.

Ce constat appelle à une réflexion globale sur l’éducation et la formation, pour que chaque génération puisse s’adapter aux exigences d’un monde en perpétuelle mutation.

Celine Dou, pour la boussole-infos

L’ère post-réseaux sociaux : l’essor des intelligences artificielles conversationnelles et ses implications

Les grandes plateformes sociales traditionnelles connaissent un ralentissement de leur fréquentation et une saturation de leurs modèles économiques. Dans le même temps, les intelligences artificielles conversationnelles se développent rapidement, proposant des interactions personnalisées qui modifient déjà les pratiques numériques et la manière dont les individus communiquent et appréhendent la socialisation.

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Depuis plusieurs années, l’usage des plateformes telles que Facebook, Instagram, X ou Snapchat montre des signes de stagnation, avec une diminution de l’engagement et de la participation active. Ce phénomène résulte de la fatigue des utilisateurs, de la multiplication des contenus publicitaires et de la nature même des modèles économiques basés sur la collecte et l’exploitation des données personnelles. L’expérience offerte par ces plateformes ne répond plus de manière satisfaisante aux besoins sociaux et cognitifs des utilisateurs, tandis que les effets négatifs : polarisation de l’opinion, pression sociale et dépendance à l’attention deviennent plus visibles.

Parallèlement, les intelligences artificielles conversationnelles se positionnent comme de nouveaux acteurs majeurs du numérique. Les chatbots avancés et les assistants conversationnels offrent désormais la possibilité de tenir des échanges complexes, de s’adapter aux préférences et aux émotions des utilisateurs, et de fournir un accompagnement personnalisé. Ces outils, conçus pour compléter ou prolonger l’expérience sociale numérique, créent une forme de médiation artificielle dans les interactions humaines.

Cette transition technologique présente des avantages tangibles. Les intelligences artificielles conversationnelles peuvent apporter un soutien à des individus isolés, faciliter l’accès à des informations ou services personnalisés et permettre un accompagnement dans des contextes éducatifs ou professionnels. Cependant, les risques sont également importants. L’usage intensif de ces systèmes peut réduire la qualité des interactions humaines réelles, contribuer à l’isolement social et renforcer une dépendance aux dispositifs numériques. Les algorithmes, par nature propriétaires et opaques, soulèvent des questions sur la protection des données, la manipulation des comportements et la préservation de la liberté individuelle.

L’émergence de cette ère post-réseaux sociaux modifie profondément la structure des interactions numériques. Les plateformes traditionnelles avaient déjà transformé l’accès à l’information et les échanges sociaux ; les intelligences artificielles conversationnelles introduisent désormais une médiation directe, pouvant remplacer certaines relations humaines par des interactions artificielles. Cette évolution pose des enjeux majeurs pour la cohésion sociale, l’éducation, la santé mentale et la dynamique des échanges professionnels.

L’évolution future dépendra de la régulation, de l’éthique et de l’acceptation sociale. La législation devra encadrer l’usage de ces technologies et garantir la transparence des algorithmes, tandis que les concepteurs devront assumer la responsabilité de leurs outils face aux risques de dépendance et d’isolement. Enfin, la manière dont ces dispositifs seront intégrés dans le quotidien déterminera s’ils compléteront ou substitueront les interactions humaines traditionnelles.

Observer et analyser ces transformations avec rigueur est essentiel. La transition vers les intelligences artificielles conversationnelles n’est pas un simple changement technique : elle constitue un tournant sociétal, susceptible de redéfinir la communication, la socialisation et l’organisation des interactions humaines dans le monde numérique.

Celine Dou

Corée du Sud : une génération qui décroche du travail / Mauvais salaires, pression hiérarchique, désillusion : pourquoi des centaines de milliers de jeunes choisissent volontairement l’inactivité

En Corée du Sud, l’une des économies les plus avancées du monde, un phénomène social majeur inquiète les autorités : un nombre croissant de jeunes, pourtant diplômés, quittent volontairement leur emploi ou renoncent à chercher du travail. Leur décision n’est pas le fruit du hasard, mais la conséquence directe d’un marché du travail devenu, selon eux, toxique, sous-rémunéré et incompatible avec un mode de vie équilibré**. Au-delà d’un fait divers social, c’est un *signal d’alarme* sur les limites d’un modèle économique bâti sur la performance et la pression hiérarchique.

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Un phénomène massif et durable

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2025, près de 700 000 jeunes Sud-Coréens de 15 à 39 ans sont classés dans la catégorie “resting”, c’est-à-dire ni en emploi, ni en recherche active. Un niveau jamais atteint auparavant.
Plus frappant encore : plus de 80 % de ces jeunes ont déjà travaillé, parfois plusieurs années, mais ont démissionné ou mis fin à leur recherche faute de conditions jugées acceptables.

Cette réalité est d’autant plus préoccupante qu’elle intervient alors que la démographie sud-coréenne s’effondre : la population jeune diminue, mais la part des jeunes inactifs par choix continue, elle, de croître.

Mauvais salaires et explosion du coût de la vie

Le premier motif évoqué par ces jeunes est l’inadéquation entre les salaires proposés et le coût réel de la vie.
Dans les grandes villes comme Séoul, les loyers ont bondi, les frais de transport et de restauration ont augmenté, et les emplois d’entrée de carrière souvent précaires ne permettent plus de vivre décemment.

La réalité sud-coréenne contraste avec l’image d’un pays prospère : pour de nombreux jeunes, travailler ne garantit plus de pouvoir vivre, ni d’épargner, ni de progresser socialement.

Pression hiérarchique et culture du travail oppressante

La Corée du Sud est réputée pour sa culture professionnelle stricte :

  • longues heures de travail non payées,
  • hiérarchie rigide,
  • faible reconnaissance,
  • pression émotionnelle,
  • compétition interne permanente.

Plusieurs témoignages montrent des jeunes épuisés par un modèle où l’obéissance prime sur la créativité, où l’on attend des employés qu’ils fassent preuve de loyauté indéfectible, et où la critique est peu tolérée.
Cette pression constante conduit à un burn-out massif, souvent identifié comme l’une des raisons majeures de la démission volontaire.

Un paradoxe : des jeunes très diplômés… mais sans perspective

La Corée du Sud possède l’un des taux de diplômés universitaires les plus élevés au monde. Pourtant, ces jeunes peinent à trouver un emploi qui corresponde :

  • à leurs compétences,
  • à leurs attentes salariales,
  • à leur niveau d’études,
  • et à leurs aspirations personnelles.

Ils dénoncent un marché du travail où les postes qualifiés sont rares, monopolés par les grandes entreprises, tandis que la majorité des offres concerne des emplois temporaires, peu rémunérés ou peu attractifs.

Ainsi se crée un profond mismatch entre les études et la réalité professionnelle, menant à la frustration, puis au désengagement.

Conséquences psychologiques : fatigue, isolement, perte d’espérance

La vague de désengagement s’accompagne d’effets psychologiques marqués :

  • anxiété,
  • perte d’estime de soi,
  • isolement social,
  • sentiment d’échec malgré les diplômes,
  • impression d’être piégé dans un système injuste.

De nombreux jeunes affirment ressentir un défaut d’avenir dans une société où les efforts scolaires colossaux ne sont plus récompensés par une ascension sociale tangible.

Une inquiétude nationale face aux risques démographiques et économiques

Les autorités sud-coréennes s’inquiètent :

  • Le retrait massif des jeunes pèse sur la productivité nationale.
  • L’inactivité prolongée menace la stabilité économique du pays.
  • Le malaise social alimente la crise de natalité, déjà l’une des plus graves du monde.
  • À long terme, il risque de provoquer une rare “génération perdue” dans un pays développé.

Malgré des programmes de soutien à l’emploi, les réponses restent insuffisantes tant que la qualité des emplois ne s’améliore pas et que la culture du travail demeure inchangée.

Lecture géopolitique et mondiale

Ce qui se joue en Corée du Sud dépasse ses frontières.
Ce phénomène interroge les modèles de croissance basés sur :

  • la compétition extrême,
  • l’hyper-productivité,
  • la pression sociale comme moteur de performance.

Il révèle aussi une tendance mondiale : les jeunes générations de l’Asie à l’Europe, jusqu’à l’Amérique refusent de plus en plus les emplois jugés indignes, mal payés ou dévalorisants, même si cela signifie rester sans emploi.

La situation sud-coréenne est ainsi un miroir grossissant de questions globales :
➡️ quelle place accorder au bien-être dans le travail ?
➡️ comment garantir des emplois valorisants et équitables ?
➡️ que devient la “méritocratie” quand le travail ne garantit plus la mobilité sociale ?

Un pays face à un choix de société

La Corée du Sud est aujourd’hui confrontée à un défi historique : réinventer son marché du travail pour ne pas perdre les forces vives de sa jeunesse.
Le malaise actuel n’est pas une simple crise du chômage, mais une crise de sens et une remise en cause profonde d’un modèle de réussite fondé sur l’endurance et le sacrifice.

À travers cette génération qui “arrête de travailler”, c’est toute la société sud-coréenne qui envoie un message :
la dignité, la santé mentale et la qualité de vie ne peuvent plus être sacrifiées sur l’autel de la performance.

Celine Dou

Journée mondiale du diabète 2025 : bien-être, égalité des droits et justice sociale

Chaque 14 novembre, la Journée mondiale du diabète attire l’attention sur une maladie qui affecte plus de 500 millions de personnes dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé. L’édition 2025, sous le thème « Bien-être et diabète », invite à dépasser la simple sensibilisation médicale pour interroger les enjeux de santé publique, de bien-être et de droits fondamentaux des personnes vivant avec cette maladie chronique.

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Le diabète n’est pas seulement un défi individuel, mais un enjeu collectif majeur. La prévalence de la maladie a augmenté de façon exponentielle depuis 1990, touchant désormais toutes les tranches d’âge et tous les continents. Selon la Fédération internationale du diabète, près de 80 % des diabétiques vivent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire, où l’accès aux soins reste limité. Cette situation souligne la nécessité d’actions publiques coordonnées, allant du dépistage précoce à l’accès universel à l’insuline et aux dispositifs de surveillance. Le diabète comporte des risques graves pour la santé : maladies cardiovasculaires, complications rénales et oculaires, amputations. Mais au-delà de la santé physique, il entraîne une charge psychosociale considérable. L’anxiété, la dépression et le stress liés à la gestion quotidienne de la maladie sont documentés dans de nombreuses études, en France comme à l’international. L’OMS et la FID soulignent que la prise en charge du diabète doit intégrer le bien-être mental et social, et pas seulement le contrôle de la glycémie.

Le thème 2025 met en lumière un principe fondamental : la reconnaissance des droits des personnes diabétiques. Dans ce contexte, le mot “inclusion” est utilisé, mais il ne doit pas être interprété comme un privilège : il traduit la nécessité de garantir l’égalité réelle d’accès aux soins et à un environnement favorable, que ce soit à l’école, au travail ou dans la société. Concrètement, cette égalité des droits implique l’accès universel aux traitements essentiels, y compris l’insuline et les dispositifs de suivi, la protection contre la discrimination dans les milieux professionnels et éducatifs, ainsi que la prise en charge psychosociale, incluant soutien psychologique et programmes d’éducation à l’auto-gestion. Dans de nombreux pays africains et latino-américains, ces droits restent partiellement respectés, l’accès aux soins est souvent limité, les systèmes de santé insuffisamment préparés et les ressources financières inadéquates. La Journée mondiale du diabète met ainsi en lumière les inégalités persistantes et la nécessité d’une action politique et sociale déterminée.

Certains pays ont développé des stratégies intégrées pour améliorer la qualité de vie des diabétiques. La Finlande et le Japon ont mis en place des programmes communautaires combinant prévention, éducation et suivi personnalisé, tandis que la France a développé des initiatives locales visant le bien-être psychologique et l’accompagnement des diabétiques dans leur vie professionnelle. Ces comparaisons internationales montrent que la lutte contre le diabète ne se réduit pas à la sphère médicale : elle relève également d’une justice sociale et d’une responsabilité collective, pour que chaque individu puisse exercer pleinement ses droits fondamentaux.

Malgré ces avancées, plusieurs défis persistent. Dans de nombreux pays à ressources limitées, l’accès aux traitements reste insuffisant, le diagnostic et le suivi continu ne sont pas garantis pour tous, et la prise en charge psychologique demeure largement sous-évaluée. Les pistes d’action incluent le renforcement des politiques nationales de santé avec une approche “life-course”, la couverture universelle des soins incluant médicaments, dispositifs et soutien psychologique, ainsi que la sensibilisation et l’éducation pour réduire la stigmatisation. Le développement de programmes de pair-aidance et la mobilisation internationale sont également essentiels pour soutenir les pays confrontés à ces défis.

La Journée mondiale du diabète 2025 ne se limite donc pas à une campagne de sensibilisation. Elle rappelle que santé publique, bien-être et égalité des droits sont intrinsèquement liés. Garantir un accès universel aux soins et un environnement social favorable ne relève pas de l’inclusion en tant que privilège, mais d’un devoir de justice et d’égalité fondamentale. Cette journée constitue un appel à la responsabilité des États, des institutions et de la société civile pour faire du droit à la santé un principe concret et effectif, afin que chaque personne diabétique puisse vivre avec dignité, autonomie et sécurité à toutes les étapes de sa vie.

Celine Dou

Dépression infantile : un silence révélateur des fragilités sociales et institutionnelles

La dépression chez l’enfant et l’adolescent demeure un phénomène largement méconnu, et paradoxalement peu étudié dans le débat public, alors même qu’elle affecte des millions de jeunes à travers le monde. Ce silence sur la souffrance infantile ne traduit pas seulement un déficit médical, mais révèle plus profondément les limites des structures sociales, éducatives et institutionnelles qui devraient soutenir les générations futures. Les enfants, incapables ou peu enclins à verbaliser leur mal-être, deviennent les témoins involontaires des fractures de nos sociétés.

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La difficulté à détecter la dépression infantile tient en partie à sa manifestation subtile : irritabilité, repli sur soi, plaintes somatiques ou baisse de performance scolaire passent souvent inaperçues. Ces signes, isolés et interprétés comme des caprices ou des troubles passagers, masquent une réalité plus complexe. Ils interrogent les systèmes éducatifs et médicaux, souvent peu préparés à identifier et accompagner les jeunes en détresse. Le silence des enfants sur leur souffrance n’est donc pas seulement individuel, il est structurel, reflétant l’insuffisance des dispositifs de prévention et de suivi.

Cette fragilité institutionnelle se révèle avec encore plus d’acuité lorsqu’on observe les disparités entre pays et contextes sociaux. Dans de nombreux pays africains et en Amérique latine, l’accès aux spécialistes de santé mentale pédiatrique reste extrêmement limité, tandis que dans certains pays développés, la question n’est que partiellement reconnue par les politiques publiques. Ce contraste souligne que la dépression infantile n’est pas seulement un problème médical mais un indicateur des priorités sociales et politiques, mettant en lumière les inégalités et les lacunes dans la protection des enfants.

Au-delà des chiffres et des diagnostics, la dépression infantile doit être comprise comme un révélateur des tensions sociétales : elle expose les limites des familles face aux pressions économiques et sociales, les difficultés des systèmes éducatifs à répondre aux besoins affectifs et cognitifs des enfants, et l’insuffisance de l’attention portée aux facteurs environnementaux et sociaux dans les politiques de santé. Elle met en relief une contradiction fondamentale : alors que les sociétés proclament protéger leurs enfants, une partie de leur vulnérabilité psychologique reste invisible et sans réponse adéquate.

Enfin, ce phénomène interroge également la perception sociale de la santé mentale. La stigmatisation, la peur du jugement et l’absence de repères clairs poussent les enfants et les familles à se taire, aggravant l’isolement et la détresse. La dépression infantile, loin d’être un simple trouble individuel, apparaît ainsi comme un baromètre de la capacité des sociétés à prendre en charge leurs membres les plus vulnérables, révélant la cohérence ou l’incohérence entre les discours institutionnels sur la protection de l’enfance et la réalité de sa mise en œuvre.

Dans cette perspective, analyser la dépression chez l’enfant revient à examiner nos sociétés dans leur ensemble. Il ne s’agit plus seulement de comprendre un phénomène médical, mais de questionner les structures éducatives, les politiques publiques et les normes sociales qui façonnent l’expérience des enfants. La souffrance silencieuse des jeunes n’est pas un fait isolé ; elle est un indicateur critique de la santé sociale et institutionnelle d’un pays, et un appel à repenser les dispositifs de prévention et de soutien pour offrir aux enfants non seulement une protection, mais une reconnaissance et une écoute véritables.

Celine Dou

Chine : un adolescent sur quatre s’automutile, symptôme du mal-être d’une jeunesse en modernisation rapide

L’augmentation récente des comportements d’auto‑lésion chez les adolescents chinois révèle une fracture profonde entre les transformations économiques et technologiques du pays et la stabilité psychologique des jeunes générations. Selon plusieurs études menées dans les grandes villes chinoises, près d’un adolescent sur quatre s’est déjà infligé des blessures volontaires sans intention suicidaire. Ce chiffre, inédit en Chine, rapproche désormais le pays des sociétés occidentales, où ces comportements ont été documentés depuis plusieurs décennies.

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Le phénomène ne peut être réduit à un problème individuel ou médical isolé. Il s’inscrit dans un contexte de modernisation accélérée qui bouleverse les repères sociaux et culturels traditionnels. La transition de la Chine vers un modèle économique libéral et technologiquement avancé a créé un environnement où la compétition scolaire et sociale est intense, les pressions sur les jeunes immenses et les repères collectifs fragilisés. La culture confucéenne, qui structura longtemps l’éducation et les relations familiales, est mise à l’épreuve par la mobilité urbaine et la montée de l’individualisme. Les adolescents se retrouvent ainsi confrontés à des exigences personnelles et sociales sans précédent, mais avec moins de cadres solides pour y répondre.

La technologie joue un rôle amplificateur. L’usage intensif des smartphones et des réseaux sociaux expose les jeunes à une comparaison constante et à une surstimulation émotionnelle. L’isolement numérique et la dépendance aux écrans renforcent le sentiment de solitude et la difficulté à gérer les émotions, créant un terreau favorable aux comportements d’automutilation. Ces tendances sont accentuées par la pression scolaire et le rythme de vie urbain, qui imposent des performances académiques et sociales toujours plus élevées.

L’automutilation chez les adolescents chinois reflète aussi l’effet du libéralisme économique débridé sur la jeunesse. La croissance rapide et la consommation individualisée ont élargi les possibilités, mais ont simultanément réduit les repères collectifs et les valeurs transcendantes sur lesquelles les jeunes pouvaient s’appuyer pour structurer leur identité. La quête de sens, le sentiment d’appartenance et la stabilité affective deviennent fragiles, et certains adolescents cherchent à réguler leur détresse émotionnelle par des comportements d’auto‑lésion.

Au niveau de la santé publique, ce phénomène soulève des enjeux majeurs. La disponibilité limitée de psychologues scolaires, la stigmatisation persistante de la santé mentale et l’insuffisance des infrastructures de prévention mettent en danger la capacité des adolescents à recevoir un soutien adapté. Les initiatives récentes du gouvernement chinois pour alléger la pression scolaire et promouvoir le bien-être psychologique constituent un pas dans la bonne direction, mais leur impact reste encore limité face à l’ampleur du mal-être.

L’émergence de l’automutilation en Chine n’est pas un simple symptôme médical : elle illustre le coût humain des transformations socio-économiques rapides. La modernisation et l’ouverture économique, lorsqu’elles ne s’accompagnent pas de cadres sociaux, culturels et éducatifs protecteurs, peuvent générer des fragilités psychologiques inédites. Ce phénomène interroge non seulement les politiques éducatives et de santé publique, mais aussi la manière dont la société chinoise accompagne ses jeunes dans la transition vers une modernité accélérée.

La détresse des adolescents chinois est ainsi le reflet d’un paradoxe contemporain : la prospérité économique et technologique ne garantit pas le bien-être psychologique, et la jeunesse se retrouve souvent livrée à elle-même pour naviguer entre ambitions personnelles et exigences sociales. Comprendre ce phénomène exige une lecture fine et analytique, qui dépasse les chiffres bruts et met en lumière les transformations profondes de la société chinoise.

Celine Dou

Royaume-Uni : les Neets, ces millions de jeunes qui abandonnent études et travail ; une crise silencieuse ou une génération perdue ?

Au Royaume-Uni, près d’un million de jeunes âgés de 16 à 24 ans se trouvent aujourd’hui ni en études, ni en emploi, ni en formation. Ce chiffre, en hausse de 200 000 en seulement deux ans, révèle une crise structurelle dont l’ampleur dépasse largement la sphère éducative ou économique. La génération Z britannique, souvent perçue comme connectée, formée et ambitieuse, semble paradoxalement se détourner du système, un paradoxe que les chiffres ne suffisent plus à expliquer.

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Ce désengagement n’est pas un simple choix individuel. Selon un rapport de PwC, 40 % des jeunes de cette tranche d’âge préfèrent démissionner et vivre d’allocations plutôt que de rester dans un emploi jugé insatisfaisant. Les témoignages recueillis par The Telegraph illustrent un malaise profond : isolement, mal-être, sentiment d’inadéquation et manque de repères. Jordan Cocker, 18 ans, raconte son retrait après une expérience de travail chez McDonald’s : « Je ne voulais rien faire. Je restais juste à la maison. Je me sentais horrible. » Floyd Smith, lui, se confine dans sa chambre et se réfugie dans les jeux vidéo pour échapper à la pression sociale.

Ces récits traduisent une déconnexion croissante entre la jeunesse et les institutions, qu’elles soient éducatives ou économiques. Le système scolaire britannique, trop centré sur la théorie et la mémoire, ne prépare pas suffisamment aux réalités du marché du travail. L’apprentissage reste difficile à intégrer pour les jeunes qui n’ont jamais été accompagnés dans leur transition vers l’emploi. Le recours à des programmes alternatifs comme le SCL Education and Training Group ne constitue qu’une réponse partielle et locale à un problème national.

Le gouvernement britannique a tenté de répondre en relevant le salaire minimum de 16,3 % pour les 18-20 ans, mais ce geste, s’il est nécessaire, reste symbolique face à l’ampleur du phénomène. Keir Starmer qualifie la situation de « question morale », mais les politiques publiques peinent à traiter ses causes profondes : inégalités sociales, fragilité du soutien familial, santé mentale, pression psychologique et perte de sens du travail.

La crise britannique résonne également au-delà de ses frontières. En France, 1,4 million de jeunes de 15 à 29 ans sont aujourd’hui hors études, emploi ou formation. Partout, les sociétés modernes font face à la même interrogation : la jeunesse se détourne-t-elle du travail et de l’école par choix ou par impossibilité ? Le phénomène des Neets met en lumière des fragilités structurelles communes : systèmes éducatifs inadaptés, marché du travail saturé ou déconnecté, et absence de parcours alternatifs pour ceux qui ne s’insèrent pas dans les modèles traditionnels.

Pour l’Afrique, le signal d’alarme est tout aussi pertinent. Le chômage des jeunes dépasse souvent 60 % dans certaines zones urbaines, et la question des compétences, de la formation et de l’insertion reste largement insuffisante face à la croissance démographique et aux mutations économiques. Les exemples britanniques et français offrent des leçons claires : ne pas anticiper les transitions éducatives et professionnelles peut produire des générations marginalisées, avec des conséquences économiques, sociales et politiques lourdes.

Le phénomène des Neets n’est donc pas seulement statistique. Il interroge le sens du travail, la pertinence des systèmes éducatifs et le rôle des politiques publiques dans la construction d’une société capable d’intégrer sa jeunesse. La question qui se pose est celle de l’avenir : ces jeunes représentent-ils une génération perdue, ou le signe avant-coureur d’un nouveau rapport à l’éducation, au travail et à la société, qui exige des réponses structurelles et innovantes ?

Celine Dou

Selena Gomez et les dérives de la chirurgie esthétique : enjeux de santé, société et éthique professionnelle

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Le visage transformé de Selena Gomez, observé par le public à l’occasion de la sortie de son dernier clip In The Dark, illustre les pressions sociales autour de l’apparence, l’influence de l’idéologie du « jeunisme », ainsi que les questions éthiques et médicales liées à la chirurgie esthétique. Au-delà des critiques sur les réseaux sociaux, ce cas met en lumière des enjeux sociétaux et sanitaires qui dépassent la sphère personnelle de l’artiste.

Selena Gomez, chanteuse et actrice américaine, a récemment fait l’objet de commentaires intenses concernant son apparence faciale. Les internautes ont évoqué un visage « méconnaissable », suspectant des interventions esthétiques excessives. Ces réactions révèlent non seulement les attentes irréalistes imposées aux célébrités, mais elles soulignent également l’absence de compréhension du rôle des traitements médicaux dans l’évolution physique de l’artiste, notamment en lien avec le lupus, maladie auto-immune chronique qu’elle a publiquement déclarée.

Le lupus et ses traitements : impacts physiques et malentendus sociaux

Le lupus systémique est une maladie auto-immune qui affecte différents organes et entraîne fréquemment des manifestations visibles, telles que des gonflements du visage (moon face) liés à la prise de corticoïdes. Ces traitements, essentiels pour limiter l’inflammation et prévenir les complications, modifient la morphologie faciale et peuvent être interprétés à tort comme des effets de chirurgie esthétique.

Cette méconnaissance médicale est révélatrice d’une tendance sociale plus large : la propension à juger l’apparence corporelle sans contextualisation scientifique. Dans le cas de Selena Gomez, les critiques se focalisent sur des transformations naturelles et médicalement nécessaires, confondant santé et esthétique.

Pression sociale et idéologie du « jeunisme »

Au-delà des aspects médicaux, le phénomène observé autour de Selena Gomez illustre l’idéologie du « jeunisme », qui valorise la jeunesse et la conformité aux standards contemporains de beauté. Cette pression sociale pousse certaines personnes à recourir à des interventions esthétiques pour se conformer à des normes de l’époque, au détriment de leur santé et de leur bien-être psychologique.

Le cas de l’artiste met en lumière l’écart entre l’image médiatique imposée aux célébrités et la réalité biologique, rappelant l’importance de considérer l’âge et les transformations naturelles comme des éléments normaux et acceptables de la vie humaine.

Ethique professionnelle et dérives de la chirurgie esthétique

L’exemple de Selena Gomez soulève également des questions sur la pratique médicale. Certains chirurgiens privilégient des interventions à visée purement esthétique sur des individus en bonne santé, motivés par le gain financier plutôt que par la nécessité réparatrice. Cette orientation remet en cause l’éthique professionnelle dans le secteur de la chirurgie esthétique et illustre le dilemme entre liberté individuelle, pression sociale et responsabilité médicale.

Des études comparatives internationales montrent que la commercialisation de la chirurgie esthétique peut entraîner des excès et des risques sanitaires, accentués par la banalisation des procédures et la culture de l’apparence.

Le débat suscité par le visage de Selena Gomez dépasse le cadre des critiques superficiales sur les réseaux sociaux. Il illustre des enjeux plus larges : l’influence des standards esthétiques, les conséquences médicales et psychologiques des traitements et interventions, et la responsabilité éthique des professionnels de santé. Cette situation invite à une réflexion sur l’acceptation de soi, la valorisation de l’âge et la nécessaire distinction entre choix esthétiques et impératifs médicaux, tout en questionnant la culture contemporaine du « jeunisme ».

Celine Dou

Génération menacée : la hausse alarmante de la mortalité des jeunes dans le monde

Une étude mondiale publiée le 13 octobre 2025 par The Lancet dans le cadre du programme Global Burden of Disease tire la sonnette d’alarme : après des décennies de progrès, la mortalité des jeunes repart à la hausse. Addictions, suicides, violences et maladies évitables forment les causes principales d’une crise planétaire qui révèle un échec collectif : celui de protéger la génération censée incarner l’avenir.

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Ils ont entre 10 et 24 ans, et devraient être la promesse d’un monde en construction. Pourtant, selon la dernière étude Global Burden of Disease, publiée en octobre 2025, plus d’1,5 million de jeunes meurent chaque année de causes évitables.
Un chiffre en hausse de près de 12 % en quinze ans, qui brise la tendance historique à la baisse observée depuis les années 1990.

Les chercheurs y voient une crise silencieuse, masquée par les grands débats économiques ou climatiques, mais dont les conséquences humaines sont considérables. Car derrière les statistiques, il y a une réalité implacable : le monde échoue à protéger ses jeunes.

L’étude couvre plus de 200 pays et révèle une tendance universelle, bien que différenciée selon les régions.
En Afrique subsaharienne, la mortalité des jeunes reste la plus élevée du monde, dominée par les maladies infectieuses, les accidents et les conflits armés.
En Amérique latine, la violence urbaine et les homicides sont les premières causes de décès des 15–24 ans.
Quant aux pays industrialisés, ils connaissent une flambée de suicides, d’overdoses et de troubles mentaux liés à la solitude et à la pression sociale.

Selon les auteurs, « aucune région du monde ne peut se dire à l’abri ».
L’espérance de vie des jeunes a cessé de progresser, signe d’un épuisement des modèles de santé et d’éducation.

Les causes principales de cette hausse sont désormais psychosociales plutôt que purement sanitaires.
Les suicides représentent la troisième cause de mortalité chez les 15–24 ans dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé.
Les overdoses liées à la consommation de drogues de synthèse et de médicaments détournés explosent, notamment aux États-Unis d’Amérique, au Canada et dans certaines capitales européennes.

En parallèle, les violences communautaires et familiales continuent de faucher des vies en Afrique et en Amérique du Sud, où les armes prolifèrent et les structures sociales s’effritent.
La pandémie de Covid-19 a par ailleurs aggravé l’isolement, l’anxiété et le décrochage scolaire, laissant des millions de jeunes sans repère ni accompagnement psychologique.

« Nous assistons à une désagrégation lente du lien social et éducatif », alerte la sociologue indienne Meera Dasgupta.
« Les jeunes sont surconnectés mais profondément seuls. »

Au-delà des symptômes, l’étude met en évidence des causes systémiques.
Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, la pauvreté reste le premier facteur de mortalité juvénile : malnutrition, accès limité à l’eau potable et aux soins, absence de couverture vaccinale.
Mais dans les pays développés aussi, la précarité s’installe sous d’autres formes : emploi instable, isolement, anxiété de performance.

Les chercheurs évoquent une « crise de sens » qui traverse la jeunesse mondiale.
Entre désillusion politique, peur de l’avenir climatique et fatigue numérique, beaucoup de jeunes déclarent ne plus croire au progrès.

L’éducation, pourtant levier central, ne parvient plus à jouer son rôle d’ascenseur social ni de rempart psychologique.
Plus de 240 millions d’enfants et adolescents restent non scolarisés selon l’UNESCO, tandis que la déscolarisation post-pandémie continue d’augmenter dans plusieurs pays d’Afrique et d’Asie.

Sur le continent africain, où plus de 60 % de la population a moins de 25 ans, cette tendance prend une tournure stratégique.
Les maladies évitables (paludisme, infections respiratoires, diarrhées) restent les premières causes de décès des jeunes, mais la santé mentale et les violences prennent une place croissante.

Dans les mégapoles en expansion, le chômage massif et la précarité urbaine favorisent les conduites à risque : alcool, drogues, insécurité routière, ou enrôlement dans des groupes armés.
Sans politiques publiques adaptées, ce dividende démographique tant vanté pourrait se transformer en crise générationnelle.

« Investir dans la jeunesse n’est pas un luxe, c’est une urgence de survie », martèle le chercheur sénégalais Ibrahima Sow, spécialiste des politiques sociales africaines.
« L’Afrique ne pourra se développer qu’en protégeant sa jeunesse. »

Les auteurs du rapport appellent à une mobilisation internationale urgente, articulée autour de trois priorités :

  1. Renforcer la santé mentale et la prévention des addictions, en intégrant le dépistage et l’accompagnement psychologique dans les écoles et universités.
  2. Réduire les inégalités d’accès à la santé, notamment en Afrique et en Asie du Sud.
  3. Repenser les modèles éducatifs, pour redonner du sens, de la cohésion et de l’espérance.

Mais ces mesures exigent des choix politiques courageux, loin des logiques électorales ou économiques immédiates.
Car si la jeunesse meurt davantage aujourd’hui qu’hier, c’est aussi le signe d’un monde fatigué de lui-même, où le futur a cessé de se construire.

La hausse de la mortalité juvénile n’est pas un simple indicateur sanitaire : elle mesure le degré d’attention qu’une société porte à sa propre humanité.
Chaque jeune perdu est un fragment d’avenir brisé.
Si les États ne parviennent pas à inverser cette tendance, c’est toute la promesse du XXIᵉ siècle qui s’effondre avant d’avoir commencé.

Celine Dou

Jeunes et consommation : l’alcool délaissé au profit du cannabis, un choix à hauts risques

En France et dans plusieurs pays européens, une évolution notable s’observe dans les habitudes de consommation des jeunes : ils troquent progressivement l’alcool pour le cannabis. Si cette tendance peut s’inscrire dans une volonté de recherche d’alternatives perçues comme moins nocives, elle n’est pas sans conséquences pour la santé publique, surtout dans une tranche d’âge où le cerveau est en pleine maturation.

Des études récentes montrent une baisse régulière de la consommation d’alcool chez les adolescents et jeunes adultes, accompagnée d’une hausse de l’usage du cannabis, qu’ils considèrent parfois comme une substance « plus douce » ou plus « naturelle » (Santé publique France, 2024).

Cette substitution apparente masque toutefois une réalité complexe : le cannabis reste une drogue psychoactive dont l’impact sur le développement neurologique et psychique est particulièrement préoccupant chez les jeunes. En outre, cette tendance se fait dans un contexte où l’accès à des produits de cannabis de plus en plus puissants s’est développé, avec une concentration accrue en THC.

Le cerveau humain poursuit sa maturation jusqu’à l’âge de 25 ans environ, période durant laquelle les connexions neuronales se restructurent et se spécialisent. Une consommation régulière de cannabis à l’adolescence peut perturber ce processus, affectant notamment la mémoire, l’attention et les fonctions exécutives.

Des recherches scientifiques ont documenté que les jeunes consommateurs fréquents de cannabis présentent des troubles cognitifs persistants, une diminution des performances scolaires, et une vulnérabilité accrue aux troubles psychiatriques, dont certains peuvent s’avérer chroniques ([Institut national de santé publique du Québec, 2023).

La consommation précoce et régulière de cannabis est associée à une augmentation du risque de psychoses, dont la schizophrénie, surtout chez les individus génétiquement prédisposés. Par ailleurs, des troubles anxieux et dépressifs sont plus fréquents chez les usagers réguliers.

Sur le plan physique, les effets respiratoires, notamment bronchiques, ne sont pas négligeables, sans compter les risques accrus d’accidents liés à la conduite sous influence.

La consommation simultanée d’alcool et de cannabis, dite polyconsommation, est fréquente chez les jeunes et pose des risques aggravés. L’association des deux substances peut majorer les effets psychoactifs, altérer le jugement, et accroître la probabilité d’accidents ou de comportements à risque.

L’environnement festif et social joue un rôle déterminant dans ces usages. La banalisation du cannabis dans certains milieux et la perception erronée d’un risque faible conduisent à une moindre vigilance.

Face à cette évolution, les autorités de santé publique déploient des campagnes de sensibilisation ciblées, notamment via des initiatives comme « C’est la base », qui vise à informer les jeunes sur les dangers réels liés à la consommation de substances psychoactives et à promouvoir des comportements responsables.

L’enjeu est aussi sociétal : il s’agit d’accompagner les jeunes dans leurs choix, de lutter contre la stigmatisation tout en éclairant sur les risques, pour éviter que la substitution à une substance ne devienne un piège aux conséquences lourdes.

Cette mutation des comportements de consommation illustre une transformation culturelle plus large, où la jeunesse réinterroge ses rapports à l’alcool, souvent perçu comme un facteur de violence ou de perte de contrôle, au profit du cannabis, présenté à tort comme une alternative inoffensive.

Pour autant, la vigilance reste de mise. L’impact sur la santé mentale, les parcours scolaires et l’insertion sociale est réel et documenté. Les politiques publiques devront conjuguer information, prévention, mais aussi soutien thérapeutique, afin d’enrayer cette tendance aux effets potentiellement dévastateurs.