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Présidentielle ivoirienne 2025 : entre autoritarisme et éviction des opposants

La Côte d’Ivoire ouvre ce jour les urnes pour une présidentielle marquée par une concentration du pouvoir et une marginalisation systématique des opposants politiques. Le président sortant, Alassane Ouattara, brigue un quatrième mandat dans un contexte où la démocratie formelle masque une réalité politique où le pouvoir centralise et contrôle.

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La Commission électorale indépendante (CEI) a validé cinq candidatures : Jean-Louis Billon, Simone Gbagbo, Ahoua Don Mello, Henriette Lagou et Alassane Ouattara. Les candidatures de Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam ont été rejetées, respectivement en raison de leur inéligibilité et de leur radiation de la liste électorale.

Le déploiement de plus de 44 000 agents de sécurité à travers le pays témoigne d’une volonté de contrôle strict du processus électoral. Cette mesure, bien que justifiée par des raisons de sécurité, soulève des interrogations sur les intentions réelles du pouvoir en place.

L’éviction des principaux opposants

Laurent Gbagbo, ancien président et leader du Parti des peuples africains Côte d’Ivoire (PPA-CI), a vu sa candidature rejetée en raison de son inéligibilité. Tidjane Thiam, ancien directeur général de Credit Suisse et président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), a été radié de la liste électorale, malgré sa renonciation à sa nationalité française pour se conformer aux exigences légales.

Ces exclusions ont conduit à une fragmentation de l’opposition, réduisant ainsi la compétition démocratique et renforçant la position dominante du président sortant.

Répression et restrictions des libertés

Depuis la publication de la liste définitive des candidats, les autorités ont interdit les manifestations publiques, limitant ainsi la liberté d’expression et de rassemblement. Cette répression a été accompagnée de plusieurs arrestations de manifestants et de militants politiques.

Les médias indépendants font face à des pressions croissantes, avec des restrictions sur la couverture des activités de l’opposition et des tentatives de contrôle de l’information.

Une société divisée et inquiète

La jeunesse ivoirienne, représentant une part significative de la population, exprime une frustration croissante face à la situation politique actuelle. Les préoccupations incluent le chômage élevé, l’inégalité des chances et la perception d’un système politique qui favorise une élite au détriment du peuple.

Dans les zones rurales, le climat d’insécurité et les restrictions imposées par les autorités ont conduit à une faible participation électorale, exacerbant ainsi la fracture entre les zones urbaines et rurales.

Implications régionales et internationales

La stabilité de la Côte d’Ivoire a des répercussions sur l’ensemble de la région ouest-africaine. Les tensions politiques internes, combinées à des restrictions des libertés fondamentales, pourraient affecter les relations du pays avec ses partenaires internationaux, notamment la CEDEAO, l’Union européenne et les États-Unis.

La communauté internationale suit de près l’évolution de la situation, soulignant l’importance du respect des principes démocratiques et des droits humains dans le processus électoral ivoirien.

La présidentielle ivoirienne de 2025 se déroule dans un contexte où la démocratie est mise à l’épreuve. L’éviction des principaux opposants, la répression des libertés publiques et le contrôle strict du processus électoral soulignent une dérive autoritaire préoccupante. Alors que le pays se dirige vers les urnes, les interrogations sur la légitimité du scrutin et l’avenir démocratique de la Côte d’Ivoire demeurent.

La rédaction

Euphrasie Kouassi Yao, figure ivoirienne du leadership féminin, consacrée personnalité de l’année 2024

L’univers politique et social ivoirien n’a pas manqué de figures féminines engagées. Mais rares sont celles qui, comme Euphrasie Kouassi Yao, ont su inscrire leur action dans la durée, avec un impact à la fois national, régional et international. Ancienne ministre de la Promotion de la Femme, de la Famille et de la Protection de l’Enfant, titulaire de la Chaire UNESCO « Eau, Femmes et Pouvoir de Décisions », cette actrice de terrain vient d’être consacrée Personnalité de l’année 2024 par Africa Managers.

Ce prix salue une trajectoire engagée au service de l’égalité des genres et de la construction de la paix, dans un contexte où les efforts en faveur de la représentativité féminine peinent encore à transformer durablement les institutions du continent.

Depuis plusieurs années, Euphrasie Kouassi Yao travaille à renforcer la place des femmes dans la gouvernance en Côte d’Ivoire. À travers le Compendium des Compétences Féminines de Côte d’Ivoire (COCOFCI), qu’elle coordonne depuis sa création, elle contribue à identifier, valoriser et positionner les femmes dans les sphères de décision, tant au niveau public que privé.

Lancé en 2011 sous l’impulsion de la présidence ivoirienne, ce programme est aujourd’hui reconnu comme un modèle de bonne pratique. Il a inspiré d’autres pays africains, notamment au Sénégal, au Mali ou encore au Burkina Faso. En 2018, le PNUD le citait parmi les dix projets les plus innovants en Afrique en matière d’égalité des sexes.

L’autre versant de son engagement repose sur la consolidation de la paix, une urgence dans un pays marqué par une histoire politique mouvementée. À travers le programme CREA-PAIX initié après la crise post-électorale de 2010-2011, elle forme des femmes aux mécanismes de médiation communautaire. Ce travail s’inscrit dans une perspective plus large de diplomatie sociale, où les femmes ne sont pas seulement bénéficiaires de paix, mais actrices de sa construction.

Son initiative « Bridge of Peace » (Pont de la Paix), lancée en 2023, mobilise des femmes leaders dans les régions sensibles, afin de prévenir les conflits communautaires et d’encourager la cohésion sociale. Le projet conjugue formation, action de terrain et valorisation des savoirs locaux, dans une logique de paix durable et inclusive.

Le rayonnement de Mme Kouassi Yao dépasse les limites de la Côte d’Ivoire. En février 2025, elle a été faite Docteure Honoris Causa en Philosophie par l’Université Jharkhand Rai en Inde. Une distinction qui témoigne de la reconnaissance internationale de son engagement, dans une période où la diplomatie féminine connaît un regain d’intérêt dans les forums mondiaux.

Elle est par ailleurs très active au sein du réseau international G100, qui réunit 100 femmes leaders dans différents secteurs. En tant que présidente chargée des relations avec les Premières Dames du monde, elle porte la voix de l’Afrique dans les débats sur l’inclusion des femmes dans les processus de transformation sociétale

Ce qui distingue l’approche d’Euphrasie Kouassi Yao, c’est la transversalité de son action. Loin d’opposer développement économique, stabilité politique et promotion du genre, elle œuvre à leur articulation stratégique. Elle considère les femmes comme des catalyseurs, non comme des bénéficiaires passives, et insiste sur le lien entre autonomisation économique, pouvoir de décision et capacité à agir dans l’espace public.

Cette vision systémique l’amène également à investir dans des programmes éducatifs, en particulier dans les zones rurales. L’éducation des filles, selon elle, constitue la « première digue » contre les violences basées sur le genre et l’instabilité sociale.

Dans un environnement où les prix honorifiques se multiplient, la désignation d’Euphrasie Kouassi Yao comme Personnalité de l’année 2024 a une valeur particulière. Elle souligne la nécessité, pour les sociétés africaines et au-delà, de reconnaître les trajectoires féminines construites dans la rigueur, la constance et l’ancrage local.

Elle rappelle également qu’en matière de leadership, les résultats concrets sur le terrain doivent primer sur les postures. La longévité de son engagement et la cohérence de son action en font aujourd’hui l’une des figures de référence du continent.

À l’heure où la participation des femmes à la gouvernance et à la résolution des conflits demeure un défi mondial y compris dans des démocraties avancées l’exemple ivoirien porté par Euphrasie Kouassi Yao mérite attention. Il témoigne d’un leadership féminisé, non pas comme simple réponse à une injonction contemporaine, mais comme levier structurel d’un avenir commun plus équitable.