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Cambodge : La face cachée des arnaques en ligne; Quand des Sud-Coréens deviennent esclaves numériques

Au Cambodge, des milliers de Sud-Coréens sont victimes d’escroqueries en ligne orchestrées par des réseaux criminels internationaux. Séquestrés, exploités et parfois contraints à la fraude, ils risquent des poursuites judiciaires dans leur pays d’origine. Une analyse géopolitique et sociale de ce phénomène inquiétant.

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Dans les quartiers animés de Phnom Penh, entre les hôtels aux façades clinquantes et les enseignes en chinois, se cache une réalité sordide. Des milliers de Sud-Coréens, attirés par des promesses d’emplois alléchants, se retrouvent piégés dans des centres d’escroquerie en ligne. Sous la menace de violences physiques et psychologiques, ils sont contraints de participer à des fraudes numériques, souvent sans possibilité d’évasion.

Une exploitation numérique transnationale

Les autorités cambodgiennes estiment que plus de 3 400 personnes, originaires de 20 pays différents, ont été victimes de ces réseaux criminels. Bien que la majorité aient été identifiées comme victimes et expulsées, 75 suspects ont été formellement inculpés. Les opérations criminelles, souvent dirigées par des organisations mafieuses chinoises, génèrent des milliards de dollars annuellement.

Pour les victimes sud-coréennes, la situation est d’autant plus complexe. Si elles parviennent à s’échapper, elles risquent des poursuites judiciaires dans leur pays d’origine, les considérant parfois comme complices de ces arnaques. Cette double peine exploitation au Cambodge et persécution en Corée du Sud souligne la gravité de la situation.

Une coopération internationale nécessaire

Face à cette crise, la coopération entre le Cambodge et la Corée du Sud est essentielle. Des interdictions de voyage ont été imposées dans certaines régions du Cambodge, et des efforts sont déployés pour démanteler ces réseaux criminels. Cependant, la complexité de ces organisations, souvent transnationales, rend leur éradication difficile.

Il est impératif que la communauté internationale renforce ses efforts pour lutter contre ces réseaux de cybercriminalité et protéger les individus vulnérables exploités dans ces systèmes.

Les arnaques en ligne au Cambodge ne sont pas seulement un problème local, mais un défi mondial. Elles illustrent les dangers de la mondialisation numérique et la nécessité d’une vigilance accrue face aux nouvelles formes d’exploitation. Il est crucial de sensibiliser le public, de renforcer les législations et de promouvoir une coopération internationale pour éradiquer ces pratiques inhumaines.

Celine Dou

France : le « proxénétisme de cité », entre mutations sociétales et préoccupations sécuritaires

Selon des informations révélées cette semaine par Europe 1, le phénomène désigné sous le nom de « proxénétisme de cité » aurait été multiplié par dix en France au cours de la dernière décennie. Une affirmation qui suscite autant de réactions qu’elle pose de questions : de quoi parle-t-on précisément ? Quelle est la portée réelle du phénomène ? Et surtout, comment analyser cette évolution sans sombrer dans la caricature ou l’instrumentalisation ?

L’expression « proxénétisme de cité » ne correspond à aucune qualification juridique spécifique. Elle désigne de manière informelle une forme de prostitution organisée par de jeunes hommes issus de certains quartiers urbains, souvent en lien avec d’autres formes de délinquance comme le trafic de stupéfiants. Ces réseaux sont décrits comme informels, fragmentés, parfois très jeunes, et ayant recours aux réseaux sociaux pour organiser la mise en relation entre clients et victimes.

L’Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH) note effectivement une augmentation du nombre de procédures liées au proxénétisme sur les dernières années. Toutefois, les chiffres avancés dans les médias multiplication par dix ne semblent pas étayés par des données officielles publiques, du moins à ce jour. Il s’agirait davantage d’une estimation globale portant sur les nouveaux cas repérés dans certaines zones sensibles, selon les témoignages de policiers ou d’intervenants associatifs.

Ce qui caractérise ces nouvelles pratiques, c’est l’usage massif du numérique. Des plateformes comme Snapchat, Instagram ou des sites d’annonces spécialisées sont utilisées pour recruter des jeunes filles parfois mineures et organiser leur exploitation. Certains proxénètes utilisent des techniques de manipulation affective, connues sous le nom de « loverboys », pour entraîner les victimes dans des relations d’emprise où l’affect se confond avec l’exploitation économique.

Cette évolution s’inscrit dans un mouvement plus large de transformation de la prostitution en France, qui tend à se dématérialiser, à se diffuser sur l’ensemble du territoire, et à toucher des publics de plus en plus jeunes. Des expertises judiciaires signalent également une invisibilisation croissante du phénomène*m, les réseaux se rendant plus discrets, mobiles et adaptatifs, échappant ainsi aux modèles classiques d’enquête.

Les principales victimes de ces réseaux sont des adolescentes en situation de fragilité sociale : déscolarisation, ruptures familiales, isolement psychologique, précarité économique. Certaines sont sous emprise, d’autres contraintes par des menaces, et beaucoup évoluent dans des environnements marqués par l’absence d’adultes protecteurs ou de dispositifs d’écoute efficaces.

La loi française interdit le proxénétisme, même si la prostitution en soi n’est pas un délit. Depuis 2016, l’achat d’actes sexuels est pénalisé, dans une logique de protection des personnes prostituées. Toutefois, les associations dénoncent une insuffisance des moyens de prévention et d’accompagnement, notamment en milieu scolaire, ainsi qu’un manque de coordination entre services sociaux, judiciaires et éducatifs.

L’usage médiatique de la notion de « proxénétisme de cité » n’est pas neutre. Il tend à associer de manière mécanique certaines formes de criminalité à des territoires définis, renforçant les logiques de stigmatisation déjà à l’œuvre dans le débat public sur les quartiers dits sensibles. Or, le proxénétisme ne se limite pas à ces zones : il existe également dans les milieux bourgeois, les réseaux transnationaux ou les cercles festifs, parfois avec un degré d’organisation et de violence bien supérieur.

En ce sens, la focalisation exclusive sur les quartiers populaires risque de masquer la diversité des formes de traite et d’exploitation sexuelle à l’échelle du pays. Elle contribue également à détourner l’attention des logiques de demande c’est-à-dire de consommation de services sexuels qui restent peu interrogées dans l’espace public.

Au-delà du phénomène en lui-même, la question du proxénétisme en France renvoie à des enjeux plus profonds :

~ Quelles sont les aspirations de la jeunesse face à un horizon économique incertain ?
~ Pourquoi les outils de prévention semblent-ils inadaptés à la réalité des réseaux sociaux ?
~ Comment expliquer l’absence de dispositifs massifs d’éducation à la sexualité, à la citoyenneté et aux violences de genre ?
~ Pourquoi les grandes plateformes numériques ne sont-elles pas davantage mises en cause dans leur rôle passif ou complice ?

Le phénomène observé dans certaines cités françaises est donc le révélateur d’un malaise plus vaste, qui concerne l’ensemble du corps social : déficit de repères, perte de confiance dans les institutions, fascination pour l’argent facile, invisibilisation des victimes, faible réponse judiciaire.

Loin des raccourcis sensationnalistes, La Boussole – infos appelle à une approche rigoureuse, nuancée et structurelle de cette problématique. Il ne s’agit ni de nier l’existence de ces réseaux, ni de les réduire à une représentation simpliste. Mais d’analyser avec méthode un phénomène social en mutation, qui traverse les couches de la société française et met en lumière les failles de son système éducatif, numérique et judiciaire.

Le combat contre l’exploitation sexuelle des mineures ne peut se gagner par la seule répression. Il exige une mobilisation collective fondée sur la connaissance, la responsabilité et la prévention.