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Ukraine : les ministres de l’Énergie et de la Justice officiellement destitués sur fond de vaste enquête anticorruption

Le Parlement ukrainien a voté, mardi 19 novembre, la destitution des ministres de l’Énergie et de la Justice, au cœur d’une enquête majeure portant sur un système présumé de rétrocommissions dans le secteur énergétique. Une décision rare, qui s’inscrit dans un moment politique sensible pour Kiev, en pleine guerre et sous forte pression internationale pour assainir la gouvernance.

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Un vote massif du Parlement après l’appel de Zelensky

La Verkhovna Rada, le Parlement ukrainien, a voté la destitution de Herman Halushchenko, ministre de la Justice (et ancien ministre de l’Énergie), et de Svitlana Hrynchuk, ministre de l’Énergie.
Le scrutin a été sans ambiguïté : 323 voix pour Halushchenko, 315 pour Hrynchuk, témoignant de la volonté de la majorité comme de l’opposition d’avancer rapidement.

Cette double éviction intervient après un appel direct du président Volodymyr Zelensky, qui a estimé que « les ministres concernés ne peuvent pas rester en fonctions tant que l’enquête est en cours », invoquant une question de responsabilité politique.

Les deux personnalités ont également été retirées du Conseil national de sécurité et de défense, organe stratégique de l’exécutif ukrainien.

Une enquête tentaculaire dans le secteur énergétique

Cette décision fait suite à une enquête anticorruption d’ampleur visant notamment la compagnie publique Energoatom, cœur du secteur nucléaire ukrainien.
Selon les premiers éléments, les autorités anticorruption soupçonnent un système de rétrocommissions portant sur plus de 100 millions de dollars dans le cadre de contrats énergétiques.

Le nom d’un homme d’affaires influent, Timur Mindich, présenté comme proche du pouvoir, apparaît également dans le dossier, ce qui augmente la pression politique autour du gouvernement.

Le ministre de la Justice, Herman Halushchenko, suspendu dès l’ouverture de l’enquête, affirme qu’il se défendra « dans le cadre légal » afin de laver son nom. Svitlana Hrynchuk, pour sa part, a présenté sa démission immédiatement après le message du président.

Un moment politique critique pour Kiev

Le timing de cette crise interne est particulièrement sensible.

  • Contexte de guerre prolongée : Kiev doit maintenir une cohésion politique forte alors que l’effort militaire se poursuit.
  • Attentes des partenaires occidentaux : l’UE et les États-Unis d’Amérique exigent des progrès tangibles sur l’État de droit et la lutte anticorruption comme critères pour l’aide militaire et financière.
  • Opinion publique ukrainienne : la population est de plus en plus attentive aux signaux de probité, considérant la lutte anticorruption comme un volet essentiel de la survie institutionnelle du pays.

La décision du président Zelensky d’appeler à la démission de deux ministres de première ligne apparaît donc comme un geste destiné à préserver la crédibilité du gouvernement, en interne comme à l’international.

Une affaire qui pourrait rebattre les cartes

Pour La Boussole-infos, cette destitution ne s’inscrit pas seulement dans la logique d’une enquête judiciaire : elle illustre aussi le fragile équilibre d’un pouvoir ukrainien confronté à la fois à la guerre, à des attentes sociales fortes, et à un impératif de réformes structurelles.

La suite dépendra largement :

  • des progrès de l’enquête menée par le Bureau national anticorruption (NABU),
  • de potentielles inculpations,
  • et de la capacité du gouvernement à réorganiser rapidement la direction du secteur énergétique, hautement stratégique.

Kiev joue ici une partie essentielle de son image : celle d’un État capable de se réformer même en temps de guerre.

Celine Dou

Madagascar : la soif d’eau au cœur du soulèvement et du coup d’État

Depuis la fin septembre 2025, Madagascar est secoué par une mobilisation inédite de sa jeunesse, dont les revendications dépassent les simples frustrations quotidiennes pour dénoncer un dysfonctionnement chronique de l’État. Au centre du mécontentement : l’accès à l’eau, ressource vitale absente pour près de la moitié des Malgaches, particulièrement dans le Grand Sud frappé par des sécheresses répétées. Ce déficit structurel a cristallisé les tensions et précipité le coup d’État militaire de mi-octobre

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I. Une crise de l’eau persistante

La moitié de la population malgache n’a pas accès à l’eau courante. Selon l’ONU, plus de 57 % des habitants n’ont pas de source d’eau améliorée, et dans les zones rurales, un quart de la population manque d’eau potable fiable. À Antananarivo, la capitale, les coupures d’eau et d’électricité sont fréquentes, révélant des infrastructures vieillissantes et une gestion déficiente.

Dans le Grand Sud régions d’Anosy, Androy et Atsimo Andrefa les sécheresses répétées fragilisent les récoltes et compromettent la survie quotidienne. L’eau de pluie et les camions-citernes deviennent des sources vitales, et la revente d’eau s’impose pour beaucoup comme un filet de survie.

II. Une jeunesse confrontée à la privation

Le mouvement « Gen Z Madagascar », principalement composé de jeunes, a émergé fin septembre pour dénoncer ces pénuries chroniques. Les manifestations ont été violemment réprimées, faisant au moins 22 morts et plus de 100 blessés, selon l’ONU.

Pour ces jeunes, l’eau n’est pas un simple besoin matériel : elle est le révélateur d’un État incapable d’assurer les services essentiels. Le temps passé à chercher de l’eau, souvent par les femmes et les enfants, et la nécessité de recourir à sa revente traduisent une frustration quotidienne profonde. Cette colère a cristallisé un mouvement de contestation plus large, ciblant la corruption et les faiblesses structurelles du gouvernement.

III. La fracture politique et le coup d’État

Le 11 octobre 2025, une unité d’élite de l’armée, le Capsat, a refusé d’obéir aux ordres, marquant un tournant dans la crise. Le président Andry Rajoelina a été destitué par le Parlement, et le 14 octobre, le colonel Michael Randrianirina a annoncé la prise du pouvoir, promettant une transition civile de 18 à 24 mois.

Ce coup d’État ne peut se comprendre uniquement comme une manœuvre militaire. Il est la conséquence directe de frustrations accumulées, où la question de l’accès à l’eau, révélatrice d’une gouvernance déficiente, a joué un rôle central. La population, en particulier la jeunesse, a exprimé à travers cette crise une exigence de responsabilité et de résultats tangibles.

IV. Conséquences socio-économiques et humanitaires

La crise de l’eau touche particulièrement les populations vulnérables. Les maladies liées à l’eau insalubre restent une cause majeure de mortalité infantile. La revente d’eau dans les quartiers pauvres est devenue un moyen de survie mais expose les familles à des risques économiques et sanitaires.

Dans le Grand Sud, les sécheresses répétées affectent également les récoltes et la sécurité alimentaire, accentuant la précarité des ménages et le sentiment d’abandon par l’État.

V. Perspectives et enjeux

Le coup d’État a suscité des réactions internationales, notamment de l’Union africaine et des Nations unies, qui appellent au rétablissement de l’ordre constitutionnel. Pour les Malgaches, en particulier les jeunes, ce bouleversement politique est perçu comme une opportunité de réforme, avec l’espoir d’une meilleure gouvernance et d’un accès effectif aux services essentiels, à commencer par l’eau.

L’avenir de Madagascar dépendra de la capacité des autorités de transition à traiter les causes profondes de la crise, et non seulement ses manifestations visibles. L’eau, ressource vitale, en est le symbole et le révélateur.

Celine Dou

Pérou : le Parlement destitue la présidente Dina Boluarte, un nouvel épisode de l’instabilité politique

Dans la nuit du 9 au 10 octobre 2025, le Parlement péruvien a voté la destitution de la présidente Dina Boluarte, invoquant une « incapacité morale permanente ». Cette décision met fin à un mandat marqué par la contestation sociale, des scandales financiers et des tensions institutionnelles persistantes. L’intérim est assuré par José Jeri, président du Congrès, jusqu’aux élections prévues en 2026.

Dina Boluarte était devenue présidente en 2022, après la destitution de Pedro Castillo pour tentative de dissolution du Parlement. Son mandat a été miné par :

  • la méfiance populaire, alimentée par une gestion jugée autoritaire et inefficace;
  • des scandales financiers, dont des montres Rolex non déclarées, ayant fragilisé sa crédibilité;
  • une répression sanglante des manifestations, qui a accentué le mécontentement social.

Ces événements ont empêché toute consolidation de l’autorité présidentielle et accentué la perception d’un État incapable de répondre aux crises politiques et sociales.

Le Pérou connaît une instabilité durable : sept présidents en neuf ans. Cette rotation rapide à la tête de l’État révèle plusieurs fragilités structurelles :

  • une classe politique fragmentée et incapable de consensus ;
  • une constitution permissive sur les motifs de destitution ;
  • et une société civile exigeante face à la corruption et aux inégalités.

L’instabilité politique a également des conséquences économiques et sécuritaires, affectant les investissements et la gouvernance dans les régions andines et amazonniennes.

La destitution de Dina Boluarte n’est pas un événement isolé : elle s’inscrit dans un contexte latino-américain marqué par la fragilité démocratique. Coup d’État au Niger et au Gabon, tensions institutionnelles en Équateur et en Haïti, manifestations sociales au Chili et en Argentine… Le Pérou devient un symbole des défis rencontrés par les démocraties dans la région, notamment lorsqu’elles doivent concilier légitimité politique et stabilité sociale.

La situation péruvienne illustre que la légitimité d’un dirigeant et la confiance populaire sont au cœur de la stabilité d’un État. Dans un contexte mondial où les institutions sont de plus en plus observées et jugées, la destitution de la présidente Boluarte rappelle que la démocratie repose autant sur des pratiques transparentes que sur la capacité à répondre aux attentes citoyennes.

Celine Dou