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Travail sous influence : la progression inquiétante de la cocaïne dans les milieux professionnels

La cocaïne, longtemps associée à des sphères festives ou à certains milieux d’affaires, s’invite désormais au cœur des espaces de travail plus ordinaires. En France notamment, les indicateurs épidémiologiques et les retours de terrain convergent : la consommation de ce stimulant puissant se banalise dans les entreprises, jusque dans des secteurs éloignés des clichés mondains. Une évolution récente, mais aux ressorts multiples.

L’entreprise iThylo, spécialisée dans les dépistages en milieu professionnel, offre une illustration frappante de cette montée en puissance : entre 2017 et 2025, le nombre de tests positifs aux stupéfiants réalisés sur les lieux de travail a plus que doublé. S’agissant de la seule cocaïne, la hausse est encore plus spectaculaire : les tests positifs ont été multipliés par treize en huit ans.

Ce phénomène récent s’inscrit notamment dans une dynamique post-pandémique. Les années de crise sanitaire ont profondément perturbé les organisations du travail, contribuant à une augmentation marquée des consommations de substances psychoactives chez certains salariés.

Contrairement à l’image traditionnelle de la cocaïne comme drogue festive des élites urbaines, c’est désormais sa fonction de « stimulant de rendement » qui domine dans le monde du travail. Témoignages à l’appui, plusieurs anciens consommateurs racontent des rituels devenus banals : « un rail, un café » pour se réveiller, tenir la cadence ou enchaîner des journées sans fin.

La recherche de performance immédiate, la lutte contre la fatigue chronique, mais aussi le besoin de compenser des situations de travail dégradées horaires atypiques, isolement professionnel, pression managériale expliquent cette bascule vers un usage « instrumentalisé » de la drogue.

Les intérimaires apparaissent particulièrement exposés : bien qu’ils ne représentent que 15 % des salariés testés, ils concentrent à eux seuls 31 % des cas positifs à la cocaïne.

Si les milieux du BTP, du transport routier, de la restauration et de l’hôtellerie ressortent régulièrement des études, le phénomène touche également des sphères insoupçonnées : administrations, services publics, entreprises technologiques. Des cadres supérieurs relatent même des pratiques installées au sein de comités de direction. Autrement dit, la diffusion de la cocaïne au travail dépasse aujourd’hui les distinctions sociales ou hiérarchiques traditionnelles.

L’une des raisons structurelles de cette expansion réside dans l’évolution du marché mondial de la cocaïne. Depuis une quinzaine d’années, la production sud-américaine atteint des niveaux historiques, l’offre inonde désormais massivement l’Europe occidentale. À qualité souvent améliorée, prix régulièrement abaissés : en France, la cocaïne est aujourd’hui plus accessible qu’elle ne l’a jamais été.

Au-delà de la question individuelle des addictions, ce sont les structures mêmes du travail moderne qui sont interrogées. Isolement des salariés, charge de travail croissante, valorisation de la productivité immédiate, flexibilité extrême des horaires : autant de facteurs favorables à la recherche de compensations chimiques. Plusieurs spécialistes insistent ainsi sur la responsabilité collective des entreprises dans la prévention de ces comportements déviants.

En droit français, l’employeur reste responsable de la santé physique et mentale de ses salariés (article L.4121-1 du Code du travail). Certaines entreprises ont durci leur arsenal préventif : contrôles inopinés, tolérance zéro vis-à-vis de l’alcool ou des stupéfiants lors d’événements internes, formations des managers à la détection des signaux faibles.

Mais ces réponses restent très inégales selon les secteurs et les tailles d’entreprises. Au-delà des mesures coercitives, les experts recommandent un travail plus approfondi sur l’organisation du travail elle-même, ses dérives managériales et ses injonctions paradoxales.

Le phénomène soulève enfin une interrogation sociétale plus large. Avec près de 10 000 hospitalisations liées chaque année à la cocaïne en France, une consommation qui a quadruplé en vingt ans, et des effets sanitaires encore mal maîtrisés (troubles cardiovasculaires, neurologiques, psychiatriques), la banalisation de cette drogue dans les milieux professionnels constitue un risque sanitaire majeur.

Stigmatiser les consommateurs reste contre-productif, selon plusieurs acteurs de la prévention : la crainte de sanctions administratives freine souvent les démarches d’accompagnement ou de soin.

L’extension de la consommation de cocaïne au travail n’est pas qu’un fait divers sanitaire : elle éclaire certaines pathologies silencieuses du monde du travail contemporain. Sous l’apparence de la performance et de la rentabilité, c’est une fragilité collective qui se dessine, celle de sociétés en quête permanente d’efficacité immédiate, parfois au prix du corps et de la santé des travailleurs.

Éducation supérieure : un monde de plus en plus polarisé

Le dernier classement mondial sur la part de diplômés de l’enseignement supérieur dans la population active révèle des écarts persistants et structurants. Derrière les performances des locomotives mondiales, l’enjeu n’est plus seulement de mesurer, mais de réduire ces disparités dans un monde où la connaissance conditionne l’avenir des nations.

Le savoir est devenu, plus que jamais, un déterminant central de puissance. Un classement récemment publié par CBRE Research et relayé par divers médias internationaux brosse un tableau contrasté des nations selon la part de leur population active (25-64 ans) ayant atteint un niveau d’éducation universitaire. Au sommet, trois pays s’imposent avec des taux remarquables : l’Irlande (52 %), la Suisse (46 %) et Singapour (45 %). Derrière eux, une poignée de pays développés parviennent à maintenir des niveaux élevés, tandis qu’une grande partie du monde demeure à la traîne.

L’Amérique du Nord confirme sa position historique de forteresse éducative, avec un Canada qui dépasse les 60 % de diplômés, et des États-Unis d’Amérique qui, malgré les débats internes sur la qualité de l’éducation et son coût, comptent plus de 78 millions de diplômés universitaires. De son côté, l’Asie aligne des modèles performants, comme Singapour, mais aussi la Corée du Sud et le Japon, qui démontrent qu’une politique volontariste à long terme peut transformer le capital humain en atout géopolitique majeur.

L’Europe du Nord, avec la Finlande, les Pays-Bas ou le Danemark, illustre une autre voie : celle d’une éducation inclusive, égalitaire et accessible, où l’enseignement supérieur est étroitement articulé à la formation continue et à la recherche appliquée. L’Estonie, souvent citée comme modèle émergent, consacre ainsi plus de 6 % de son PIB à l’éducation, pariant sur une montée progressive mais solide en compétences.

Si ces succès nationaux sont notables, ils mettent en lumière, par contraste, des fossés préoccupants ailleurs. De nombreux pays africains, latino-américains et d’Asie du Sud continuent d’afficher des taux de diplômation très faibles. Cette réalité n’est pas uniquement le reflet d’un manque de ressources financières : elle traduit aussi des problématiques structurelles, telles que la faiblesse des infrastructures éducatives, l’instabilité politique, les conflits armés, les inégalités sociales persistantes, ainsi que la fuite des cerveaux.

Le risque est double. D’abord, celui de voir une partie croissante de la population mondiale durablement exclue de la compétition mondiale des compétences. Ensuite, celui d’un approfondissement du clivage géopolitique et économique entre zones hautement qualifiées et zones en stagnation éducative, compromettant les ambitions globales de justice sociale et de développement équitable.

Face à cette fracture mondiale de l’éducation supérieure, la réponse ne peut se limiter à la seule comparaison de chiffres. Trois axes stratégiques émergent :

  1. Investir massivement dans l’accès universel à l’éducation de qualité dès le primaire, car c’est en amont que se joue la future capacité des étudiants à intégrer des cursus supérieurs.
  2. Renforcer les partenariats éducatifs transnationaux, permettant aux pays en développement de bénéficier de transferts de compétences, de technologies pédagogiques et de programmes de mobilité des enseignants et des étudiants.
  3. Réinventer l’enseignement supérieur pour le rendre plus accessible, modulaire et adapté aux réalités locales, notamment par le biais de l’enseignement en ligne, des campus satellites et de la formation professionnelle valorisée.

Au XXIe siècle, la puissance des nations ne se mesurera pas uniquement en termes de PIB ou de capacités militaires, mais aussi et peut-être surtout en fonction de la qualité et de la densité de leur capital humain. Loin d’être une simple compétition de performances statistiques, la question éducative mondiale soulève un défi civilisationnel : celui de donner à chaque peuple les moyens d’exister pleinement dans un monde globalisé, sans reproduire indéfiniment les inégalités héritées.

Si certains pays montrent la voie, l’urgence collective demeure : faire de la réduction de l’écart éducatif un projet international partagé. Car le savoir, en définitive, ne devrait pas être un privilège géographique, mais un bien commun de l’humanité.

Journée mondiale de la lutte contre la désertification et la sécheresse : l’autre crise planétaire qui avance en silence

Le 17 juin marque, chaque année, la « Journée mondiale de la lutte contre la désertification et la sécheresse ». L’occasion de braquer les projecteurs sur une crise environnementale souvent éclipsée par des phénomènes climatiques plus spectaculaires, mais qui affecte, lentement et inexorablement, les équilibres alimentaires, économiques, sociaux et géopolitiques de la planète entière.

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Hommage ou simulacre ? Disney reprogramme la mémoire de Walt, sa petite-fille s’indigne

Pour célébrer les 70 ans de Disneyland, la Walt Disney Company prépare une attraction inédite : un robot animatronique grandeur nature de Walt Disney, capable de parler et d’interagir avec le public. Ce projet ambitieux suscite une vive controverse, notamment au sein même de la famille Disney. Joanna Miller, petite-fille du créateur, dénonce une « déshumanisation » et une « instrumentalisation » de la mémoire de son grand-père, rappelant que la mémoire d’un homme ne saurait être réduite à un simple automate.

En juillet 2025, le parc Disneyland d’Anaheim, Californie, dévoilera une figure animée de Walt Disney, conçue pour reproduire ses expressions, sa voix et ses gestes. Présentée comme un hommage à la légende fondatrice, cette initiative technologique repose sur une intelligence artificielle avancée et un savoir-faire de pointe dans le domaine des animatroniques.

Pour la multinationale, il s’agit de transmettre l’héritage de Walt Disney aux nouvelles générations par un moyen innovant, mêlant spectacle et pédagogie. Mais cette démarche soulève des questions éthiques profondes, alimentées par l’opposition de Joanna Miller, qui s’est publiquement élevée contre ce qu’elle perçoit comme une usurpation.

Dans un message relayé sur les réseaux sociaux, Joanna Miller s’est dite bouleversée par la représentation robotique de son grand-père. Invitée à découvrir l’animatronique en avant-première, elle confie : « Ce n’est pas lui, c’est une coquille vide. Walt n’a jamais voulu être figé ainsi. » Elle souligne que la volonté intime de Walt Disney, selon les témoignages familiaux, était de ne pas laisser d’image posthume figée et artificielle.

Cette position contraste avec celle d’autres membres de la famille, qui soutiennent le projet et y voient un moyen de faire vivre la mémoire de Walt Disney auprès du public, dans un format adapté à notre époque. Ce désaccord met en lumière une fracture plus large : faut-il privilégier une mémoire incarnée, fragile et humaine, ou une mémoire scénarisée, numérisée et accessible ?

Au-delà du cas Disney, ce projet s’inscrit dans une tendance globale des industries culturelles, en particulier aux États-Unis d’Amérique, à recréer numériquement des figures historiques et artistiques disparues. Hologrammes de chanteurs, clones vocaux par intelligence artificielle, avatars digitaux dans des films : les possibilités technologiques de « ressusciter » les icônes sont aujourd’hui à portée de main.

Cette évolution soulève de nombreuses interrogations. Peut-on réellement capturer l’essence d’un être humain à travers une simulation ? Quel est le respect dû à la mémoire et à la volonté des défunts ? Et surtout, la mémoire ainsi médiatisée ne risque-t-elle pas de devenir un produit calibré, édulcoré, destiné avant tout à divertir et à générer du profit ?

L’animatronique de Walt Disney, qui sera installé dans le Main Street Opera House, illustre cette marchandisation de la mémoire. Derrière l’hommage se cache une stratégie commerciale qui vise à renforcer le lien affectif entre la marque Disney et ses visiteurs, tout en exploitant une nostalgie lucrative.

Joanna Miller alerte contre ce qu’elle considère comme une appropriation industrielle de la mémoire familiale, une mémoire qui devrait, selon elle, rester un lieu d’intimité et de respect, non un spectacle figé et commercialisé.

La controverse suscitée par le robot Walt Disney est bien plus qu’un simple différend familial. Elle interroge la place de la technologie dans la transmission de la mémoire, dans un monde où le numérique prétend aujourd’hui « faire revivre » les morts. Joanna Miller rappelle à juste titre que la mémoire humaine ne se réduit pas à une reproduction mécanique : elle est faite d’émotions, d’ombres et de silences. Face à l’essor des simulacres numériques, ce rappel devient un enjeu culturel majeur pour notre époque.

Tourisme de masse : à Barcelone, Lisbonne, Venise, les habitants crient leur ras-le-bol

Ce dimanche 15 juin 2025, des milliers de manifestants ont investi les rues de plusieurs villes d’Europe du Sud. Derrière le mot d’ordre commun réguler le « surtourisme » c’est bien le rejet du tourisme de masse et de ses effets destructeurs qui s’est exprimé, à travers une colère de plus en plus transnationale. Une contestation de fond contre un modèle extractif qui transforme les villes en parcs d’attraction, et les habitants en figurants.

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Journée de l’enfant africain : de Soweto 1976 à aujourd’hui, une mémoire vive et des défis toujours brûlants

Le 16 juin 1976 à Soweto, des enfants tombaient sous les balles pour avoir réclamé leur droit à apprendre dans leur langue. Presque un demi-siècle plus tard, la Journée de l’enfant africain reste un miroir cru des défis éducatifs que le continent peine encore à relever. Entre conflits, pauvreté, choix politiques contestables et débats toujours vifs sur la langue d’enseignement, l’éducation africaine demeure un combat inachevé mais vital pour l’avenir du continent.

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Mer Caspienne : un géant silencieux menacé par le réchauffement climatique

Alors que le monde scrute l’élévation du niveau des océans, un autre phénomène moins médiatisé mais tout aussi inquiétant se déroule à l’Est : la baisse drastique du niveau de la mer Caspienne, révélatrice d’un déséquilibre climatique profond et d’une coopération régionale défaillante.

La mer Caspienne, plus grande mer fermée au monde, partagée par cinq États riverains (Russie, Kazakhstan, Iran, Azerbaïdjan, Turkménistan), connaît depuis plusieurs décennies un déclin progressif mais soutenu de son niveau. Entre 1996 et 2023, elle a perdu environ 2 mètres de profondeur, et les projections scientifiques évoquent une baisse possible de 9 à 18 mètres d’ici la fin du siècle, selon une étude publiée dans Communications Earth & Environment.

Contrairement aux océans menacés par la montée des eaux, la Caspienne fait face à un paradoxe géophysique : un recul de son littoral, avec des zones côtières qui gagnent du terrain à vue d’œil, notamment au Kazakhstan, où certaines portions du rivage ont reculé de 20 à 30 kilomètres.

Les experts s’accordent à identifier trois facteurs principaux :

~ Un réchauffement climatique global : les températures moyennes en hausse dans la région ont intensifié l’évaporation, contribuant à la perte hydrique de ce bassin endoréique (fermé).
~ La baisse du débit des fleuves : la Volga, qui fournit environ 80 % des apports en eau de la Caspienne, est elle-même affectée par les barrages, l’irrigation massive, et la mauvaise gestion hydrique en amont.
~ Des effets cycliques exacerbés : si la Caspienne a connu historiquement des phases de montée et de descente, les niveaux actuels dépassent largement la variabilité naturelle observée depuis plusieurs siècles.

L’assèchement progressif de la Caspienne entraîne une série de perturbations en chaîne :

~ Effondrement de la biodiversité : la faune endémique, notamment les esturgeons essentiels pour la production de caviar, et les phoques de la Caspienne, voient leurs habitats détruits ou fragmentés. La population de phoques a chuté de plus de 90 % en un siècle.
~ Recul économique : la pêche, le transport fluvial et certaines installations portuaires deviennent inopérants. Des communautés côtières, en Azerbaïdjan ou au Turkménistan, sont contraintes de se déplacer, faute de ressources et d’activité économique.
~ Crise environnementale locale : les anciens fonds marins desséchés libèrent des poussières salines et polluantes dans l’air, avec un impact croissant sur la santé publique (maladies respiratoires, allergies).

La Caspienne est juridiquement un espace complexe, soumis à un statut hybride entre mer et lac, longtemps objet de désaccords frontaliers. Si les pays riverains ont adopté en 2018 une convention de régulation partielle de son usage, aucun accord spécifique et contraignant sur la gestion environnementale du bassin n’a vu le jour.

La Russie, en amont de la Volga, détient un levier hydraulique considérable mais se montre peu encline à restreindre son usage industriel de l’eau. Le Kazakhstan a mis en place un observatoire national de suivi du phénomène, mais les efforts restent épars, faute de coordination régionale.

La mer Caspienne, en dehors de sa dimension énergétique (nombreux gisements de pétrole et de gaz offshore), suscite peu d’attention médiatique ou diplomatique. Pourtant, le scénario d’un assèchement partiel voire total d’ici 2100 bouleverserait l’équilibre écologique et géopolitique de l’ensemble de la région eurasiatique.

Les Nations unies et certaines ONG internationales plaident pour la création d’un cadre de gouvernance dédié, incluant une stratégie de préservation des ressources, une meilleure répartition des eaux fluviales, et une évaluation des impacts liés à l’extraction pétrolière.

Le cas de la mer Caspienne met en lumière un aspect souvent négligé de la crise climatique mondiale : la baisse du niveau des eaux dans les mers fermées, qui, contrairement à la montée des océans, n’est pas perçue comme une menace immédiate mais en est pourtant l’une des manifestations les plus redoutables.

Ce phénomène témoigne aussi de l’incapacité des acteurs régionaux à anticiper collectivement les transformations en cours, faute d’outils de gouvernance, de volonté politique ou d’intégration des logiques climatiques dans la planification géostratégique.

L’assèchement de la mer Caspienne est un avertissement géographique et politique. Il pose des questions cruciales : jusqu’où le climat peut-il bouleverser les équilibres territoriaux ? Quel rôle pour les États dans la préservation des biens communs régionaux ? Et que reste-t-il à espérer d’une gouvernance mondiale encore balbutiante face à des crises de plus en plus systémiques ?

Belgique : un tiers des arrestations pour projet d’attentat terroriste concernent des mineurs; Une alerte sur la radicalisation juvénile en Europe

En Belgique, la menace terroriste prend un visage de plus en plus juvénile. Désormais, près d’un tiers des arrestations pour projet d’attentat concernent des mineurs. Ce glissement silencieux vers une radicalisation précoce interroge profondément nos sociétés : que révèle-t-il de l’état psychique, social et idéologique de la jeunesse ? Et surtout, que dit-il de nos politiques éducatives, numériques et sécuritaires, confrontées à l’effondrement des repères chez les plus vulnérables ?
À travers cette enquête belge, c’est un miroir tendu à l’ensemble des démocraties européennes comme africaines que La Boussole – infos vous propose d’explorer.

La Belgique fait face à un constat glaçant : près d’un tiers des individus arrêtés pour projet d’attentat terroriste au cours des dernières années sont des mineurs. Ce chiffre, issu du dernier rapport de l’Organe de Coordination pour l’Analyse de la Menace (OCAM), révèle une dynamique inquiétante : l’ancrage progressif de la radicalisation chez les plus jeunes, dans un climat marqué par les conflits internationaux, les fragilités sociales et la pénétration idéologique via les réseaux numériques.

Le phénomène n’est pas marginal : selon les autorités belges, près de 30 jeunes de moins de 18 ans figurent désormais dans la base T.E.R. (Terrorist Entities Register). Dans la majorité des cas, ces adolescents n’ont aucun passé criminel ou parcours connu dans les milieux extrémistes. Leur basculement vers des logiques violentes intervient souvent en quelques semaines seulement, via des canaux numériques opaques, des forums extrémistes, ou des groupes cryptés sur des messageries chiffrées.

67 % de ces jeunes seraient des « loups solitaires », opérant en marge de réseaux structurés, mais inspirés par des discours radicaux islamistes ou d’extrême droite. D’autres évoluent dans de petites cellules, parfois improvisées mais capables d’élaborer des scénarios meurtriers crédibles.

Le rapport de l’OCAM révèle aussi la nature des cibles envisagées dans ces projets déjoués. Environ 15 % visaient explicitement des lieux fréquentés par des membres de la communauté juive, dans un contexte où le conflit israélo-palestinien, ravivé depuis octobre 2023, continue de polariser les esprits. Mais d’autres plans concernaient des écoles, des institutions publiques ou des figures symboliques du pouvoir.

Les autorités précisent que sur les 287 signalements traités en 2024, 12 % représentaient une menace sérieuse, 31 % une menace moyenne, et 57 % restaient de faible niveau. Ce taux, bien qu’inférieur à ceux observés à l’apogée des années Daech (2015–2017), reste significatif. Le niveau d’alerte global demeure à 3 sur 4 en Belgique.

Les experts de la sécurité et de la santé mentale convergent : cette radicalisation accélérée chez les mineurs traduit une crise éducative et civilisationnelle. Les jeunes ciblés sont souvent en situation de décrochage scolaire, de rupture familiale ou d’exclusion sociale. Les discours de haine, simplificateurs et manichéens, rencontrent alors un terrain fertile.

Le phénomène est aggravé par la faible régulation des plateformes sociales, où circulent des contenus violents, conspirationnistes ou antisémites, souvent traduits ou sous-titrés dans des langues accessibles aux adolescents européens.

Face à cette nouvelle configuration de la menace, les autorités belges ont mis en place une coopération renforcée entre police, justice, services sociaux, écoles et structures de santé mentale. Les plans de prévention de la radicalisation (RAN) ont été élargis aux établissements scolaires, et des cellules psychopédagogiques spécialisées interviennent dès les premiers signaux.

Mais les spécialistes avertissent : la réponse purement sécuritaire est insuffisante. Elle doit être complétée par une stratégie éducative et culturelle, ancrée dans une revalorisation du lien social, de l’esprit critique et de la compréhension des enjeux géopolitiques contemporains.

Le cas belge illustre une tendance plus large qui touche l’ensemble de l’Union européenne et au-delà. La jeunesse, fragilisée par les crises multiples (climatiques, économiques, culturelles), devient la cible d’idéologies violentes qui exploitent leur quête de sens et leur besoin d’appartenance.

Le défi n’est donc pas uniquement sécuritaire : il est civilisationnel. Il s’agit de préserver l’intégrité mentale, sociale et politique de la jeunesse, en lui offrant des repères solides, des espaces de débat, et des alternatives à la violence comme réponse aux injustices réelles ou perçues.

Les États d’Afrique francophone, souvent confrontés à des problématiques similaires, notamment dans les régions sahéliennes ou côtières exposées à l’islamisme radical, pourraient tirer des leçons de l’approche belge à condition d’y adjoindre une lecture contextuelle propre à leurs réalités sociales et historiques.

La Belgique alerte sur une tendance lourde : la radicalisation terroriste touche désormais des adolescents, de plus en plus jeunes, en quête d’idéal et exposés à des discours destructeurs. Derrière chaque arrestation se profile une double urgence : empêcher l’attentat, mais surtout prévenir la fracture sociale et psychologique qui conduit à ces dérives.

Maroc : Rabat appelle à une mobilisation mondiale contre le travail des enfants

Le Maroc hausse le ton face à une réalité encore trop tolérée dans de nombreuses régions du monde : le travail des enfants. À l’occasion de la Journée mondiale contre le travail des enfants (12 juin), Rabat a appelé la communauté internationale à des actions « concrètes, extensibles et coordonnées » pour éradiquer ce fléau. Au-delà des discours, le royaume ambitionne de se poser en acteur moteur dans ce combat global, en mettant en avant ses propres avancées et en incitant à une responsabilisation collective.

Selon les derniers chiffres de l’Organisation internationale du travail (OIT), plus de 160 millions d’enfants à travers le monde sont contraints de travailler, dont près de la moitié dans des conditions dangereuses. Et les progrès observés ces deux dernières décennies stagnent, voire régressent, sous l’effet conjugué des crises économiques, climatiques, géopolitiques et des conflits armés.

Dans ce contexte, la voix du Maroc, pays du Sud ayant connu ses propres batailles sociales, vient rappeler que la lutte contre le travail infantile ne saurait être un luxe réservé aux pays industrialisés. Elle concerne autant les dynamiques nationales que les chaînes de valeur mondialisées qui exploitent des enfants pour produire à moindre coût.

Sur le plan national, le Maroc a réduit de manière significative le travail des enfants ces dernières années. Le Haut-Commissariat au Plan estimait à 113 000 le nombre d’enfants travailleurs en 2021, soit moins de 2 % de l’ensemble des enfants âgés de 7 à 17 ans. Une baisse notable par rapport aux décennies précédentes, fruit d’une série de mesures législatives et éducatives, notamment l’instauration de l’obligation scolaire jusqu’à 15 ans et des programmes de lutte contre la pauvreté des familles.

Mais ces chiffres cachent des poches de vulnérabilité persistantes, notamment en milieu rural, dans les secteurs agricoles ou domestiques, où le travail des filles demeure sous-déclaré. Rabat en est conscient, et c’est précisément cette lucidité qui donne du poids à son appel à l’échelle internationale.

Lors de son intervention officielle, la délégation marocaine a exhorté les États, les institutions multilatérales et les entreprises transnationales à s’engager dans une action globale structurée, comprenant :

Des normes contraignantes pour interdire l’exploitation infantile dans les chaînes d’approvisionnement ;
Des programmes massifs d’éducation et de soutien aux familles vulnérables ;
Une coopération judiciaire et économique renforcée pour sanctionner les circuits de travail illégal ;
Et une mobilisation accrue des financements internationaux, notamment via les institutions de Bretton Woods et les fonds climat, les enfants étant souvent victimes collatérales des bouleversements environnementaux.

Cette posture s’inscrit dans une évolution notable de la diplomatie marocaine, qui cherche à conjuguer développement économique, stabilité politique et engagement en faveur des droits humains. Si Rabat s’est parfois montré réservé sur certaines questions sociétales, son plaidoyer contre le travail infantile s’ancre dans une vision plus large : celle d’un multilatéralisme rénové, où les pays du Sud ne sont plus de simples récepteurs de normes occidentales, mais des protagonistes actifs d’un nouvel ordre international plus juste.

En creux, le discours marocain rappelle également la responsabilité des États du Nord : non seulement dans la persistance de la pauvreté globale, mais aussi dans le maintien d’un système économique qui ferme les yeux sur les conditions de production des biens de consommation. Derrière chaque vêtement, chaque téléphone, chaque denrée importée, une question subsiste : quel enfant y a-t-il sacrifié son enfance ?

Le Maroc, tout en reconnaissant ses propres avancées, appelle à une action collective, coordonnée et ambitieuse contre le travail des enfants à l’échelle mondiale. Son message dépasse le cadre moral pour s’ancrer dans une exigence politique : faire de la fin du travail infantile un impératif global, dans lequel chaque acteur État, entreprise, citoyen a un rôle à jouer.

Noémie Lenoir brise le silence sur un mal qui ronge : « Je suis alcoolique, et je le resterai toute ma vie »

Le témoignage de Noémie Lenoir n’est pas une confession de star en quête d’attention. C’est un cri lucide sur une maladie qui tue des millions de personnes chaque année et que nos sociétés refusent encore de traiter avec sérieux. En affirmant « Je suis alcoolique, et je le resterai toute ma vie », la comédienne alerte sur les ravages d’une dépendance souvent banalisée, parfois même valorisée. Ce n’est pas une revendication. C’est une alerte. Et elle mérite d’être entendue.

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