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La COP30 ou la persistance d’un déséquilibre structurel entre discours climatiques mondiaux et réalités foncières des peuples du Sud

La Conférence des Parties sur le climat (COP30), ouverte à Belém, au Brésil, s’annonçait comme celle de la « justice climatique ». En inscrivant au cœur de ses discussions la reconnaissance des terres communautaires et la participation des peuples autochtones, elle entendait conjuguer écologie et équité sociale.
Mais au-delà des déclarations d’intention, cette 30ᵉ édition illustre la difficulté persistante à traduire les principes de justice climatique en mécanismes concrets, équitables et durables.

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Un engagement chiffré, mais symbolique

L’annonce d’un financement de 1,8 milliard de dollars et la promesse de reconnaître 160 millions d’hectares de terres communautaires d’ici 2030 marquent un tournant discursif : la lutte climatique reconnaît désormais explicitement la dimension foncière du problème.
Cependant, l’efficacité de ces mesures dépendra de leur mise en œuvre concrète et systématique sur le terrain.
Dans de nombreux pays, les terres communautaires restent fragiles sur le plan juridique, exposées à la pression croissante des industries extractives et des politiques de développement à court terme qui privilégient souvent l’exploitation des ressources au détriment des communautés locales.
Le risque est de transformer un engagement de protection, qui pourrait offrir des bénéfices significatifs pour la biodiversité et les droits humains, en un simple instrument de communication diplomatique, sans véritable impact sur la réalité vécue par les populations concernées.
Il est donc essentiel que les gouvernements et les organisations internationales s’assurent que ces financements se traduisent par des actions concrètes qui respectent et protègent les droits des communautés autochtones et locales.

Le foncier, pilier négligé de la gouvernance climatique

Le lien entre climat et foncier dépasse le seul enjeu environnemental. Il touche à la souveraineté, à la sécurité alimentaire, et à la stabilité sociale.
Les territoires détenus par les communautés locales sont souvent les mieux préservés, mais aussi les moins reconnus par les cadres institutionnels nationaux et internationaux.
Tant que les politiques climatiques continueront de privilégier les mécanismes financiers crédits carbone, compensations, partenariats publics-privés au détriment de la sécurité foncière, la lutte contre le dérèglement climatique restera déséquilibrée.

Ce déséquilibre n’est pas seulement économique ; il est structurel. Les peuples concernés demeurent acteurs de terrain mais rarement décisionnaires, soumis à des logiques administratives conçues loin de leurs réalités.

Une gouvernance mondiale encore centralisée

La justice climatique suppose une redistribution du pouvoir de décision. Or, la gouvernance actuelle reste dominée par un petit nombre d’États et d’organisations qui fixent l’agenda, orientent les priorités et conditionnent l’accès aux fonds.
Les pays du Sud, souvent les plus exposés aux dérèglements climatiques, disposent de marges de manœuvre limitées.
Cette situation entretient une forme de dépendance institutionnelle, où les politiques climatiques deviennent tributaires d’intérêts extérieurs.

La solidarité climatique, pour être crédible, doit s’appuyer sur une architecture mondiale plus inclusive, fondée sur la reconnaissance des savoirs locaux et la coresponsabilité des décisions.

Entre rhétorique et réalisme

Depuis plusieurs années, la notion de « justice climatique » s’impose dans les forums internationaux.
Mais elle tend parfois à se vider de sa substance, utilisée comme un mot d’ordre consensuel plutôt qu’un levier de transformation.
L’écart entre la parole et l’action demeure considérable :

  • les financements promis tardent à être débloqués ;
  • les engagements pris ne sont pas contraignants ;
  • la gouvernance reste verticale.

À Belém, la COP30 apparaît donc comme une étape charnière : elle révèle l’ambivalence d’un système qui reconnaît la nécessité d’un changement profond, tout en préservant les rapports de pouvoir existants.

Vers un nouvel équilibre ?

La véritable justice climatique ne se mesure pas à la quantité d’argent promis, mais à la qualité de la gouvernance mise en place.
Reconnaître les droits fonciers des communautés locales, c’est accepter que la transition écologique ne soit plus pilotée uniquement par des institutions internationales ou des gouvernements centraux.
C’est aussi admettre que la durabilité repose sur la confiance, la transparence et la participation directe des populations concernées.

Tant que cette approche ne sera pas pleinement intégrée, la justice climatique restera une idée politique, non une réalité vécue.

La COP30 rappelle que la justice climatique est avant tout un défi de gouvernance mondiale.
Les promesses financières et les initiatives foncières ne produiront leurs effets que si elles s’accompagnent d’un rééquilibrage profond des rapports entre Nord et Sud, entre institutions et communautés.
Le climat n’est pas seulement une question de température : il est devenu un symptôme de l’inégalité des pouvoirs.
Y répondre, c’est repenser la manière dont le monde organise ses priorités, ses territoires et sa responsabilité collective.

Celine Dou

IA générative : l’intelligence artificielle a-t-elle un coût climatique trop lourd ?

Entre fascination technologique et dérive énergétique, la promesse de l’IA générative soulève une question dérangeante : à quel prix faisons-nous fonctionner nos machines pensantes ?

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L’intelligence artificielle générative, célébrée comme le symbole du progrès technologique, cache une face moins glorieuse : sa voracité énergétique. Selon une estimation reprise par L’Humanité, l’usage quotidien des outils d’IA générative consommerait autant d’énergie que 1,5 million de foyers.
Une donnée spectaculaire, certes, mais surtout révélatrice d’un paradoxe majeur : la transition numérique mondiale est en train de freiner la transition écologique.

Une explosion énergétique silencieuse

Derrière chaque requête adressée à ChatGPT, Gemini ou Claude, se cache une opération coûteuse en électricité et en eau.
Les immenses data centers nécessaires à l’entraînement et à l’exécution de ces modèles mobilisent des infrastructures énergivores, souvent alimentées par des sources non renouvelables.

Jusqu’ici, c’était l’entraînement des modèles qui concentrait les inquiétudes. Mais aujourd’hui, l’usage quotidien ou “inférence” devient le principal moteur de la consommation.
Des milliards de requêtes sont envoyées chaque jour aux serveurs, multipliant la dépense énergétique dans des proportions que même les concepteurs peinent à mesurer.

Selon des projections citées par Polytechnique Insights, la consommation électrique mondiale de l’IA générative pourrait atteindre 134 TWh par an d’ici 2027, soit l’équivalent de la consommation annuelle d’un pays comme l’Argentine.

Le paradoxe du progrès

Cette consommation démesurée contredit la promesse d’un numérique « vert ». Les géants du secteur vantent des initiatives de compensation carbone ou d’optimisation énergétique, mais la réalité reste opaque : peu d’entre eux publient des chiffres vérifiables.
Dans les faits, plus l’IA se démocratise, plus elle alourdit son empreinte écologique.

Ce paradoxe souligne une tension fondamentale : nous utilisons l’intelligence artificielle pour optimiser le monde, mais nous ne l’optimisons pas elle-même.
Et alors que les grandes puissances se disputent la suprématie technologique, le coût climatique de cette course reste largement absent des débats publics.

L’Afrique à la croisée des tensions numériques

Pour le continent africain, ce défi prend une dimension particulière.
Alors que les data centers se multiplient au Maroc, au Nigeria, au Kenya ou en Afrique du Sud, la question énergétique devient cruciale.
Dans des pays où les réseaux électriques sont déjà sous pression, l’implantation d’infrastructures gourmandes en électricité pose un dilemme : faut-il sacrifier une part de souveraineté énergétique au profit du développement numérique ?

L’Afrique, qui ne contribue qu’à une faible part des émissions mondiales, subit pourtant de plein fouet les effets du dérèglement climatique.
Le risque est donc double : devenir le terrain d’expansion d’une technologie qui aggrave un problème que le continent ne crée pas.

Penser une intelligence durable

La question n’est pas de diaboliser l’IA, mais de redéfinir les conditions de son développement.
Des pistes émergent :

  • IA frugale, privilégiant des architectures légères et moins consommatrices ;
  • Hébergement décentralisé, limitant les transferts massifs de données ;
  • Régulations éthiques imposant transparence énergétique et traçabilité carbone.

Ces solutions, encore marginales, traduisent une prise de conscience : le génie numérique doit apprendre la sobriété.

Car dans un monde où l’énergie devient le nerf de toutes les transitions, le véritable progrès ne se mesurera pas à la puissance de calcul, mais à la capacité d’intelligence écologique.

L’IA générative, miroir de nos ambitions, révèle aussi nos contradictions.
Elle promet un avenir plus efficace, mais exige des ressources que la planète ne peut plus offrir sans coût.
Face à cela, le rôle des médias, des chercheurs et des décideurs est clair : dépasser la fascination pour interroger la finalité.

Et si, au fond, le défi n’était plus de rendre les machines intelligentes…
mais de rendre l’humanité plus lucide ?

Celine Dou

Pérou : les archéologues découvrent comment la plus ancienne civilisation d’Amérique a survécu à une terrible sécheresse

Des archéologues péruviens ont révélé de nouveaux éléments sur la manière dont la civilisation de Caral, la plus ancienne connue du continent américain, a réussi à surmonter une crise climatique dévastatrice il y a plus de 4.000 ans. Dirigée par la célèbre archéologue Ruth Shady, l’équipe a mis au jour des indices montrant que les habitants avaient fui leur cité après une sécheresse extrême, tout en préservant leurs traditions culturelles et spirituelles.

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Une théorie vieille de 150 ans pourrait éclairer le mystère de la matière et de l’antimatière

Longtemps considérée comme obsolète, une théorie du XIXe siècle sur la nature de la matière refait surface. Des physiciens japonais pensent qu’elle pourrait expliquer l’un des plus grands mystères de la cosmologie : pourquoi l’Univers est dominé par la matière plutôt que par l’antimatière.

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Une faille géante se creuse en Afrique : ce que révèle vraiment la formation d’un futur océan

Un phénomène géologique avéré, mais instrumentalisé par le sensationnalisme médiatique

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Une faille de plusieurs dizaines de kilomètres continue de s’ouvrir dans la région d’Afar, au nord-est de l’Éthiopie. Ce phénomène, observé depuis plus d’une décennie, est confirmé par une étude publiée en décembre 2024 dans la revue Nature Geoscience. Les chercheurs y décrivent une activité mantellique intense, sous la forme de remontées pulsées de magma, qui fragilisent la croûte terrestre.
Selon les mesures GPS et sismiques, les plaques africaine, somalienne et arabique s’écartent à une vitesse moyenne de 2 à 5 centimètres par an, un rythme comparable à celui observé entre l’Afrique et l’Amérique du Sud avant la formation de l’Atlantique.

Ce processus, connu sous le nom de rift est-africain, marque le stade précoce d’une désintégration continentale. À terme, il pourrait donner naissance à un nouvel océan, séparant la Corne de l’Afrique du reste du continent.
Mais contrairement à ce qu’avancent plusieurs titres de presse occidentaux, la transformation complète se compte en millions d’années, non en décennies.

Une déformation lente, mais décisive

Les travaux dirigés par la géophysicienne britannique Emma Watts (Université d’Oxford) confirment que la région d’Afar est soumise à un étirement progressif et à des injections répétées de magma. Ces “pulsations” du manteau profond provoquent des fissures, des séismes localisés et un volcanisme diffus.

« Le processus de rifting est bien en cours, mais il s’agit d’une évolution géologique lente. L’expression “plus vite que prévu” ne veut pas dire “imminente”, elle signifie simplement que nous comprenons mieux les dynamiques internes qui l’accélèrent localement », précise la chercheuse.

À court terme, les risques concernent surtout les populations installées à proximité des zones volcaniques : émissions de gaz, affaissements de terrain et micro-séismes fréquents.
Des programmes de surveillance géophysique sont déjà en place, notamment autour des volcans Dabbahu et Erta Ale, en Éthiopie.

Entre fascination et désinformation

L’annonce d’un “nouvel océan africain” a été largement relayée par des médias généralistes, souvent sans précision scientifique.
La confusion vient d’une traduction hâtive des données géologiques. Parler d’un océan “en formation” est exact au sens géologique, mais erroné dans sa portée temporelle.
L’article d’Ouest-France du 27 décembre 2024 illustre cette dérive : la découverte est authentique, mais la formulation “plus vite que prévu” donne l’impression d’un bouleversement soudain, voire imminent.
Or, les études sismiques situent la transition complète vers une croûte océanique entre 1 et 10 millions d’années, selon l’évolution des flux magmatiques et des contraintes tectoniques.

Cette confusion pose question sur la responsabilité des médias dans la vulgarisation scientifique. En privilégiant l’émotion à la rigueur, une partie de la presse alimente des perceptions fausses du changement naturel, et détourne l’attention des enjeux concrets : la surveillance des zones à risque, la sécurité des habitants et la recherche géothermique durable.

Un enjeu scientifique, humain et environnemental

La région du rift n’est pas un désert scientifique. C’est un territoire habité, traversé par des routes, des villages et des activités minières et géothermiques.
Pour les populations locales, l’enjeu n’est pas l’apparition d’un océan hypothétique, mais la gestion du risque volcanique et sismique.
Selon le Centre de recherche géologique d’Addis-Abeba, plus de 6 000 personnes ont dû être déplacées depuis 2010 à cause d’effondrements ou d’éruptions mineures.
L’autre enjeu, plus stratégique, réside dans l’exploitation énergétique : la chaleur géothermique issue de ce rift constitue un potentiel majeur pour la production d’électricité propre.
Plusieurs consortiums internationaux, dont KenGen (Kenya) et Reykjavik Geothermal (Islande), ont déjà investi dans la région.

Au-delà des aspects scientifiques et économiques, la faille est-africaine interroge notre rapport au temps et à la planète.
Loin d’une catastrophe, elle illustre la dynamique permanente de la Terre : un continent qui se transforme, lentement mais sûrement.

Lecture critique : ce que révèle ce débat

L’épisode médiatique de la “faille africaine” met en lumière un déséquilibre persistant dans la manière dont l’Afrique est racontée.
Souvent décrite sous le prisme du spectaculaire catastrophes, crises, mystères naturels, elle reste rarement présentée comme acteur scientifique de sa propre histoire géologique.
Pourtant, les universités éthiopiennes, kényanes et érythréennes participent activement aux recherches de terrain.
Il serait juste que leurs voix, leurs données et leurs interprétations trouvent la même place dans la narration globale.

La faille d’Afar n’annonce pas la fin d’un continent, mais la continuité de son évolution.
Les faits sont établis : un processus de rifting actif, une croûte qui s’amincit, et une transformation lente qui s’inscrit dans le temps long.
Ce que l’on observe aujourd’hui est moins un événement qu’une leçon : celle de la précision scientifique face au sensationnalisme médiatique.

Informer, c’est choisir de dire le vrai rythme du monde, même lorsqu’il échappe à l’immédiateté.

Celine Dou

Neuf morts au Népal : le tourisme occidental, première cause des tragédies himalayennes

Neuf personnes ont perdu la vie au Mont Yalung Ri, dont un Français, à la suite d’une avalanche et d’une tempête de neige. Au-delà du drame immédiat, il apparaît clairement que la cause première n’est pas la montagne elle-même mais le tourisme occidental de masse, technologique et centré sur l’ego, qui transforme les sommets himalayens en terrain de performance et contribue à la destruction de leur environnement fragile.

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Les conditions extrêmes du Mont Yalung Ri ont frappé une expédition composée en partie de touristes occidentaux. Ces derniers n’étaient plus confrontés à la montagne comme les pionniers de l’Everest il y a plus de soixante-dix ans, mais bénéficiaient d’un soutien technique massif : hélicoptères, oxygène artificiel et guides spécialisés. Cette assistance donne l’illusion d’une maîtrise totale et d’une sécurité absolue, mais elle masque la vulnérabilité intrinsèque de l’altitude et de la neige instable. L’accident montre que le recours à la technologie pour atteindre des sommets extrêmes ne protège pas de la tragédie et que la confiance excessive dans ces moyens modernes peut être fatale.

Le drame du Népal illustre également une autre réalité : la logique de performance et l’obsession de l’image priment souvent sur la vie humaine. Des influenceurs et touristes extrêmes, pour qui l’ascension n’est pas seulement un exploit mais un contenu à partager, mettent en danger non seulement eux-mêmes mais aussi ceux qui les accompagnent. L’égo et la recherche de visibilité sur les réseaux sociaux, ou les gains financiers liés à la popularité, deviennent des facteurs de risque, conduisant à des situations où l’aide à une personne en détresse est négligée au nom du défi ou de la célébrité.

La montagne paie un prix encore plus lourd que les individus. Les sentiers et camps d’altitude sont fortement dégradés par le passage répété des touristes et de leurs équipements. La faune et la flore locales, déjà fragiles, sont menacées et certaines espèces sont désormais en danger. Le tourisme occidental transforme des écosystèmes uniques en décors à consommer pour alimenter l’ego et le spectacle visuel, au lieu de respecter la vie et la nature.

L’avalanche qui a causé la mort de neuf personnes est donc un symptôme, et non la cause première du drame. Ce qui est en cause, c’est un modèle touristique qui ignore les limites humaines et naturelles, un ethnocentrisme technique qui impose des standards occidentaux à un environnement qui n’a jamais été conçu pour supporter une telle intensité de fréquentation. La montagne est ici un révélateur des excès contemporains, un miroir des pratiques occidentales qui confondent maîtrise et domination, performance et respect.

Ce drame impose une réflexion urgente sur la responsabilité collective. Les agences de voyage, les guides et les touristes doivent repenser leur rapport à la montagne, à la vie humaine et à la nature. Il ne s’agit pas de condamner les victimes mais de mettre en lumière les causes structurelles qui rendent ces tragédies prévisibles. Informer sur ces événements, c’est rappeler que la maîtrise technique ne remplace pas la prudence et que le respect de l’humain et de l’environnement doit primer sur l’ego et le spectacle.

Neuf morts au Mont Yalung Ri rappellent que les montagnes himalayennes ne sont pas des terrains de loisirs ni des scènes de défi. La véritable tragédie n’est pas l’avalanche mais un système touristique occidental qui, par autosuffisance technique et obsession de la performance, met en danger la vie humaine et détruit la nature pour satisfaire un égo ou un appareil photographique. C’est cette logique qu’il faut interroger et changer avant que d’autres vies ne soient sacrifiées.

Celine Dou, pour la boussole-infos

Des milliers de nids découverts sous la glace en Antarctique : une découverte qui bouleverse la science

C’est une découverte aussi spectaculaire qu’inattendue. Dans les profondeurs glacées de la mer de Weddell, au cœur de l’Antarctique, des chercheurs ont mis au jour un vaste réseau de nids sous-marins, révélant une organisation biologique d’une ampleur inédite. Ces structures, construites par une espèce de poisson polaire, témoignent de comportements sociaux et reproductifs jusqu’ici inconnus dans ces milieux extrêmes.

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Femmes en sciences : pourquoi le rapport du Sénat prône des quotas en classes préparatoires scientifiques 

Un rapport de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat, présidé par la sénatrice Dominique Vérien (Yonne), met en lumière la sous‑représentation persistante des femmes dans les filières scientifiques sélectives, et propose, parmi plusieurs mesures, l’instauration de quotas pour les filles dans les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) scientifiques.
Ce constat pose un double enjeu : celui de l’égalité entre les sexes, mais aussi celui de la compétitivité et de l’innovation dans une économie mondialisée. L’article explore les constats, les propositions du rapport, les effets attendus et les réserves, en les replaçant dans un cadre international.

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Le constat : un “vivier” féminisé, un flux plus masculin

Le rapport souligne des écarts importants :

  • Dans les filières dites « STIM » (sciences, technologie, ingénierie, mathématiques), la part des femmes est très faible : 25 % seulement pour certaines CPGE scientifiques hors options biologiques.
  • Les femmes sont souvent meilleures scolairement (baccalauréat, mentions) mais sont sous‑représentées à l’entrée des filières les plus sélectives.
  • Le phénomène se manifeste dès l’orientation : choix de spécialités au lycée, stéréotypes de genre, manque de confiance ou sentiment de ne pas « être à sa place ».
  • Le rapport mentionne que cette situation n’est pas sans conséquence sur le plan économique : la diversité de genres dans les sciences est un levier d’innovation et de compétitivité.

Ainsi, l’image est celle d’un « vivier potentiel » de jeunes filles qualifiées, qui ne se traduit pas par une représentation proportionnée dans les filières d’élite scientifiques.

Les propositions du rapport

Parmi les vingt‑odd recommandations, trois mesures fortes se dégagent :

  • Instaurer des quotas ou des “mesures de faveur” pour les filles à l’entrée des CPGE scientifiques ou entre la première et la deuxième année de CPGE.
  • Améliorer l’orientation, la formation des enseignants aux stéréotypes de genre, et repenser les filières pour réduire les effets de l’auto‑censure et de l’abandon.
  • Garantir un environnement favorable et protecteur : lutte contre les violences sexistes et sexuelles, amélioration de la mixité, des internats, du tutorat.

Le rapport envisage notamment l’atteinte d’un objectif de « 30 % de filles en CPGE scientifiques d’ici 2030 ».

Pourquoi ces mesures ?

  • Égalité : il s’agit de corriger une inégalité structurelle, pas seulement symbolique. Le rapport affirme qu’il ne s’agit pas d’un problème de compétence des filles, mais de conditions structurelles.
  • Compétitivité et innovation : la rareté de femmes dans les sciences fondamentales ou l’ingénierie prive la société d’un vivier de talents, ce qui peut peser sur la recherche, l’innovation, et les enjeux technologiques ou numériques.
  • Effet de signal‑qualité : la mise en place de quotas ou mesures incitatives pourrait aussi envoyer un signal culturel : les sciences ne sont pas réservées aux hommes.

Les réserves et défis

Toute mesure de quota comporte des interrogations légitimes :

  • Le quota peut être perçu comme une remise en cause du mérite, ou conduire les étudiantes à se sentir stigmatisées. Le rapport le mentionne : des jeunes filles en CPGE se sont dites « agaç ées » à l’idée d’être admises « à cause du quota ».
  • La puissance du vivier : si trop peu de filles s’orientent vers les spécialités numériques/maths dès le lycée, un quota en CPGE peut être difficile à alimenter de manière homogène.
  • Le quota n’est qu’un levier parmi d’autres : sans s’attaquer aux stéréotypes, à l’orientation, à l’environnement, l’effet pourrait être limité ou superficiel.
  • Le risque d’être un « pansement » symbolique si l’on ne modifie pas les causes profondes (choix au lycée, culture scolaire, stéréotypes).

Comparaisons internationales

Si la France présente ces écarts, la situation n’y est pas unique : dans plusieurs pays européens, les femmes sont aussi minoritaires dans certaines filières STEM. Le rapport évoque cette dimension et suggère que des pays ont des pratiques intéressantes d’ouverture ou de mixité.
Une différence majeure est que dans certains pays nordiques ou d’Europe du Nord, des politiques de longue durée ont permis une féminisation plus forte, ce qui montre que la mesure de quota peut s’accompagner d’un ensemble cohérent.

Implications pour l’éducation, la société et l’économie

Pour le système éducatif : la mesure de quota, si elle est adoptée, impliquera une refonte partielle de la manière dont les CPGE sont promues, des internats, des dispositifs de tutorat, des critères de sélection, et une attention accrue à l’environnement mixte.
Pour la société : une plus grande féminisation des sciences pourrait contribuer à diversifier les profils de chercheurs, d’ingénieurs et d’innovateurs ce qui, à terme, peut renforcer la compétitivité nationale et répondre aux défis technologiques (IA, numérique, énergie, etc.).
Pour les jeunes filles : ce type de mesure peut être un levier de confiance mais nécessite un accompagnement pour que ce ne soit pas perçu comme un « bonus » mais comme un accès normal, mérité.
Pour l’économie : combler le « tuyau percé » (fuite des filles entre orientation/CPGE/concours) revient à mobiliser un vivier humain non exploité et potentiellement coûteux à long terme en termes de croissance ou d’innovation.

Le rapport du Sénat propose un carrefour audacieux entre égalité de genre et enjeux de performance scientifique et technologique. L’idée d’instaurer des quotas pour les filles dans les CPGE scientifiques est l’un des volets les plus visibles de ses recommandations non pas une fin en soi, mais un levier au sein d’un ensemble de mesures.
Pour le système français de l’enseignement supérieur et de la recherche, l’enjeu est de taille : assurer que les talents féminins soient pleinement intégrés aux filières les plus sélectives, non seulement pour l’égalité mais pour la capacité d’innovation de demain.
Il ne s’agit pas d’un simple ajustement mais d’un changement de culture, d’orientation, d’accompagnement et peut‑être de rythme. Le vrai défi restera d’assurer que cette mesure, si elle est adoptée, soit bien pilotée, accompagnée, évaluée.

Celine Dou

Poupées sexuelles à apparence enfantine : un scandale révélateur des failles des plateformes de vente en ligne

La révélation que des plateformes de commerce en ligne telles que SHEIN et AliExpress ont proposé à la vente des poupées sexuelles d’apparence enfantine met en lumière un problème majeur de contrôle et de régulation du commerce numérique international. L’affaire, révélée début novembre 2025 par la DGCCRF, ne se limite pas à un simple incident isolé : elle expose les fragilités structurelles des marketplaces, la responsabilité juridique des plateformes et les enjeux cruciaux de protection des mineurs dans l’économie numérique globale.

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Ouragan Mélissa : les Caraïbes face aux vulnérabilités révélées par la catastrophe

L’ouragan Mélissa, qui a traversé les Caraïbes fin octobre 2025, a frappé avec une intensité exceptionnelle la Jamaïque et Cuba, tandis que Haïti subissait les conséquences indirectes de pluies diluviennes et d’inondations. Au-delà du bilan humain et matériel, cet événement expose les fragilités structurelles et sociales de ces États, ainsi que les limites de leur préparation face aux catastrophes naturelles.

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Formé au large des îles du Cap-Vert le 13 octobre, Mélissa a rapidement gagné en intensité pour atteindre la catégorie 5 au moment où il a touché le sud-ouest de la Jamaïque le 28 octobre. Les vents dépassant les 295 km/h ont provoqué des destructions massives, arasant des quartiers entiers et privant la majorité de la population d’électricité. Les routes et infrastructures de communication ont été lourdement endommagées, tandis que le secteur touristique, pilier de l’économie jamaïcaine, se trouve désormais confronté à un choc sans précédent.

En Haïti, où l’œil de l’ouragan n’est pas passé directement, les fortes précipitations ont provoqué des inondations et des glissements de terrain dans les départements du Sud et de l’Ouest. À Petit-Goâve, plusieurs dizaines de maisons ont été détruites et au moins vingt-cinq personnes ont trouvé la mort, dont de nombreux enfants. Ces pertes viennent s’ajouter à une vulnérabilité structurelle déjà chronique : infrastructures fragiles, accès limité aux services essentiels, précarité économique et insécurité alimentaire persistante. Mélissa révèle à nouveau combien les catastrophes naturelles exacerbent les inégalités et fragilisent les populations déjà vulnérables.

Cuba, pour sa part, a anticipé le passage de l’ouragan et procédé à l’évacuation de plus de 735 000 personnes dans la région orientale. Cette préparation a permis de limiter les pertes humaines, mais les dégâts matériels restent importants. Les cultures de banane et de café ont été endommagées, les réseaux électriques et de communication sont perturbés, et les infrastructures rurales sont lourdement affectées. La reprise économique et la remise en état des services publics s’annoncent longues et coûteuses.

Au-delà des conséquences immédiates, Mélissa met en lumière des vulnérabilités structurelles communes aux trois pays : l’insuffisance des infrastructures face à des phénomènes climatiques extrêmes, la dépendance à des économies locales fragiles, la concentration des populations dans des zones exposées et la difficulté à mobiliser rapidement des moyens de secours adéquats. Les enfants et autres groupes vulnérables sont particulièrement affectés, avec des perturbations dans l’accès à l’éducation, à l’eau potable et aux soins.

L’ouragan s’inscrit également dans une dynamique climatique préoccupante. Le réchauffement des eaux de l’Atlantique favorise l’intensification des cyclones tropicaux et augmente la fréquence des phénomènes extrêmes. Pour des pays aux moyens limités, cette intensification climatique transforme chaque tempête majeure en une catastrophe disproportionnée. Mélissa illustre ainsi la convergence entre risques naturels, vulnérabilité sociale et insuffisance structurelle, soulignant la nécessité d’une approche globale pour la gestion des catastrophes.

Enfin, les implications économiques et géopolitiques seront durables. La reconstruction nécessitera des financements importants, souvent dépendants de l’aide internationale et régionale. Les économies touristiques et agricoles seront affectées sur le moyen terme, tandis que la coordination de l’aide humanitaire reste un défi pour Haïti et la Jamaïque. Cet ouragan rappelle que les États les plus exposés, malgré des préparations parfois efficaces, restent profondément vulnérables face à des catastrophes d’ampleur exceptionnelle.

L’ouragan Mélissa n’est pas seulement un événement météorologique. Il constitue un révélateur des fragilités sociales, économiques et institutionnelles des pays touchés et souligne l’urgence de stratégies de prévention, de renforcement des infrastructures et de soutien international face aux conséquences croissantes du changement climatique.

Celine Dou