Archives pour la catégorie Sciences Humaines

Pérou : les archéologues découvrent comment la plus ancienne civilisation d’Amérique a survécu à une terrible sécheresse

Des archéologues péruviens ont révélé de nouveaux éléments sur la manière dont la civilisation de Caral, la plus ancienne connue du continent américain, a réussi à surmonter une crise climatique dévastatrice il y a plus de 4.000 ans. Dirigée par la célèbre archéologue Ruth Shady, l’équipe a mis au jour des indices montrant que les habitants avaient fui leur cité après une sécheresse extrême, tout en préservant leurs traditions culturelles et spirituelles.

Lire la suite Pérou : les archéologues découvrent comment la plus ancienne civilisation d’Amérique a survécu à une terrible sécheresse

Sibérie : des céramiques inédites révèlent une culture inconnue de l’Âge du bronze

Dans la vaste étendue de la steppe de Baraba, à l’ouest de la Sibérie, le site de Tartas‑1 continue de livrer ses secrets, plus de vingt ans après sa découverte initiale. Une équipe de l’Académie des sciences de Russie, dirigée par Vyacheslav Molodin, y a récemment mis au jour des fragments de céramique vieilles de quelque 6 000 ans, dont les formes et motifs défient toutes les classifications connues pour la région.

Lire la suite: Sibérie : des céramiques inédites révèlent une culture inconnue de l’Âge du bronze

Les bols découverts se distinguent par leur fond plat et des décorations complexes, évoquant une texture tissée directement dans la glaise. « Ce sont des poteries totalement atypiques, qui ne ressemblent à rien de ce qu’on connaît en Sibérie », affirme Vyacheslav Molodin. Ces objets ne correspondent ni aux productions de la culture locale d’Ust‑Tartas (5000‑3000 avant J.-C.), ni à aucune autre tradition identifiée dans l’Âge du bronze eurasiatique.

La découverte soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. S’agit-il d’une évolution stylistique des Ust‑Tartas, ou de la manifestation d’un groupe humain jusque-là inconnu ? Les motifs géométriques et texturés pourraient indiquer un savoir-faire artisanal sophistiqué et suggérer l’existence d’échanges culturels inédits dans cette région. Le site, encore largement inexploré, pourrait receler d’autres vestiges éclairant l’organisation sociale et économique de ces populations oubliées.

Pour les chercheurs, cette trouvaille offre une opportunité rare de mieux comprendre l’histoire eurasiatique. Les analyses ADN et les datations au carbone 14 prévues permettront peut-être de relier ces céramiques à un groupe humain spécifique et de préciser leur place dans la chronologie locale. Elles contribueront également à reconstituer les réseaux d’influence et les savoir-faire techniques de l’époque, souvent méconnus dans la préhistoire sibérienne.

Au-delà de l’intérêt scientifique, cette découverte illustre l’importance de la steppe de Baraba comme un carrefour d’innovation et de contacts culturels à l’âge du bronze. Elle rappelle que l’histoire humaine est encore largement à redécouvrir, et que des cultures entières peuvent demeurer invisibles jusqu’à ce que de nouvelles fouilles ou technologies permettent de les révéler.

Celine Dou

Antilles françaises : les vestiges amérindiens de Sainte-Anne remettent en question le récit colonial

Le 25 octobre 2025, Mediapart a révélé la découverte de nombreux vestiges amérindiens à Sainte-Anne, sur la côte sud de la Martinique. Ces trouvailles archéologiques, effectuées sur le site du futur complexe hôtelier du Club Med, permettent de revisiter l’histoire précoloniale de l’île et interrogent la manière dont les civilisations locales ont été représentées dans le récit colonial traditionnel.

Lire la suite: Antilles françaises : les vestiges amérindiens de Sainte-Anne remettent en question le récit colonial

Une mémoire archéologique méconnue

Les fouilles ont mis au jour des traces significatives de l’occupation amérindienne, révélant une société structurée, aux pratiques culturelles et économiques développées bien avant l’arrivée des colons européens. Des outils, des céramiques et des vestiges d’habitat témoignent de l’organisation complexe de ces communautés et de leur maîtrise de l’espace et des ressources naturelles.

Pour les spécialistes, ces découvertes contradissent l’idée longtemps entretenue d’une île « vide » ou « peu civilisée » avant la colonisation, rappelant que l’histoire des Antilles ne commence pas avec l’arrivée des Européens.

Un chantier touristique au cœur des débats

Le site concerné, au sud de Sainte-Anne, devait accueillir cinquante nouvelles chambres pour le Club Med, un projet reporté de près de deux ans en raison des fouilles archéologiques. Le conflit entre développement économique et préservation du patrimoine illustre la difficulté de concilier modernité et mémoire historique.

Pour de nombreux chercheurs et acteurs culturels locaux, cette situation pose une question éthique majeure : comment protéger et valoriser le patrimoine amérindien alors que le tourisme demeure une ressource économique essentielle pour l’île ?

Remise en question du récit colonial

Au-delà de l’archéologie, cette découverte invite à réfléchir sur la manière dont l’histoire des Antilles françaises a été écrite et transmise. Les vestiges amérindiens mettent en lumière une richesse culturelle souvent éclipsée par le récit colonial centré sur l’arrivée des Européens et l’esclavage.

En soulignant l’existence de sociétés autochtones complexes, les archéologues et historiens encouragent une réécriture plus équilibrée de l’histoire martiniquaise, intégrant les contributions et les modes de vie des peuples premiers de l’île.

Un enjeu identitaire et patrimonial

Cette découverte n’est pas seulement académique : elle touche directement à l’identité et à la mémoire collective. Dans un contexte où les débats sur la reconnaissance des cultures autochtones et la décolonisation des savoirs s’intensifient, ces vestiges deviennent un outil de réflexion et de dialogue pour la société martiniquaise.

Ils rappellent que la connaissance de l’histoire ne se limite pas aux archives coloniales, mais se nourrit également des traces matérielles laissées par ceux qui ont vécu sur l’île bien avant l’arrivée des Européens.

Celine Dou

Nubie préhistorique : que révèlent les squelettes féminins sur la division du travail et la vie sociale

Une étude récente publiée dans le Journal of Anthropological Archaeology et relayée par GEO.fr apporte un éclairage inédit sur la vie quotidienne dans la Nubie préhistorique, il y a environ 3 500 ans. Les chercheurs ont analysé les squelettes de femmes découverts dans la nécropole d’Abu Fatima, au Soudan, afin de mieux comprendre la division du travail et les pratiques physiques des sociétés Kerma, qui occupaient cette région stratégiquement située entre le Nil et le désert nubien.

Lire la suite: Nubie préhistorique : que révèlent les squelettes féminins sur la division du travail et la vie sociale

Les résultats sont particulièrement révélateurs : les os des femmes présentent des marques caractéristiques de portage de charges lourdes à l’aide de sangles frontales, dites « tumplines ». Ces marques se manifestent par des déformations au niveau des vertèbres cervicales et du crâne, indiquant que ces femmes exerçaient des tâches physiques soutenues sur une base quotidienne. Ce constat illustre que le travail féminin ne se limitait pas aux activités domestiques : il incluait des fonctions logistiques essentielles au fonctionnement des communautés, telles que le transport de matériaux ou de récoltes, probablement sur de longues distances.

Cette étude contredit les représentations traditionnelles de la préhistoire, centrées sur l’homme comme principal acteur des activités physiques et de subsistance. Elle met en évidence une organisation sociale où la division du travail était fonctionnelle, partagée et adaptée aux besoins collectifs, et où les femmes jouaient un rôle indispensable dans l’économie et la survie du groupe.

Au-delà de la dimension anthropologique, ces découvertes permettent de mieux comprendre la société Kerma dans son ensemble. La Nubie préhistorique, correspondant aujourd’hui au nord du Soudan et au sud de l’Égypte, était un carrefour de circulation culturelle et commerciale. Le rôle actif des femmes dans la vie quotidienne reflète non seulement la complexité sociale de cette civilisation, mais aussi les stratégies économiques qui ont permis à ces sociétés de prospérer dans un environnement exigeant.

Cette recherche illustre également l’importance de l’archéologie biologique : les corps conservent une mémoire silencieuse des activités et des rôles sociaux, souvent invisibles dans les sources matérielles traditionnelles. En reconnaissant la contribution physique et organisationnelle des femmes, cette étude contribue à une relecture des stéréotypes de genre dans l’histoire ancienne et à une meilleure compréhension de la diversité des expériences humaines au sein des sociétés africaines préhistoriques.

En conclusion, l’analyse des squelettes féminins d’Abu Fatima ne révèle pas seulement des pratiques corporelles : elle documente un aspect central de la vie sociale et économique de la Nubie préhistorique, en rappelant que l’histoire humaine doit être appréhendée dans sa complexité, en tenant compte de tous les acteurs, hommes et femmes, qui ont façonné les sociétés anciennes.

Celine Dou

Les îles Salomon et l’héritage explosif de la Seconde Guerre mondiale : quand la « guerre moderne » blesse les vivants pendant des siècles

Les plages et la jungle des îles Salomon portent encore les cicatrices matérielles d’une guerre qui s’est déroulée il y a plus de huit décennies. Mais ce ne sont pas seulement des monuments ou des ruines : ce sont des explosions qui n’ont pas eu lieu. Des obus, des grenades, des bombes et des sous-munitions, enfouis ou immergés depuis 1942–1945, continuent d’être découverts et parfois d’exploser faisant des morts, blessés et paralysant le développement. Ce phénomène n’est pas l’exception, il est la règle des conflits armés « modernes » : là où l’on a utilisé des engins explosifs, des générations futures paieront la facture.

Lire la suite: Les îles Salomon et l’héritage explosif de la Seconde Guerre mondiale : quand la « guerre moderne » blesse les vivants pendant des siècles

Une menace quotidienne, pas un vestige historique

Les opérations de déminage menées dans l’archipel notamment l’opération multinationale dite Operation Render Safe et les équipes locales de déminage ont permis d’éliminer des milliers d’engins ces dernières années. Pourtant, les ONG spécialisées et les autorités locales insistent : les découvertes restent fréquentes et imprévisibles. Des enfants ramènent parfois des grenades trouvées dans leurs jardins ; des chantiers se heurtent à des projectiles enterrés ; des pêcheurs récupèrent des munitions sous-marines en posant leurs filets. Ces scénarios montrent que l’UXO (Unexploded Ordnance munitions non explosées) n’est pas un patrimoine historique, mais un danger actif qui prive des communautés de terres, d’écoles et d’infrastructures.

Les guerres « modernes » laissent des pièges pour des siècles

L’expérience la plus documentée de ce phénomène vient d’autres régions le Laos, le Cambodge ou certaines parties de l’ex-Yougoslavie où les restes explosifs continuent d’entraver le développement rural et urbain, des décennies après la fin des hostilités. Les études montrent que l’impact n’est pas seulement humain : l’UXO réduit la superficie cultivable, ralentit l’accès à l’éducation (écoles fermées par crainte des engins), et freine la reconstruction économique. Dans de nombreux cas, il faudra des générations sinon des siècles pour mettre au jour et neutraliser l’ensemble des munitions dispersées par la guerre.

Les bombes à sous-munitions : produire la terreur à retardement

Au-delà des obus isolés, il existe des armes conçues précisément pour semer le danger à long terme. Les bombes à sous-munitions (cluster munitions) dispersent des dizaines, parfois des centaines, de petites charges des « bomblets » sur une large surface. Nombre d’entre elles n’explosent pas immédiatement et se comportent ensuite comme des mines antipersonnel, tuant et mutilant des civils longtemps après la fin des combats. C’est pourquoi la Convention sur les bombes à sous-munitions (2008) cherche à interdire leur production, leur transfert et leur usage. Malgré cela, un nombre non négligeable d’États et d’acteurs industriels continuent de produire ou de développer de telles munitions, ou revendiquent le droit de les produire, rendant fragile l’architecture internationale de protection humanitaire.

Qui fabrique encore ces armes ? La réalité géopolitique

Les rapports de suivi montrent que plusieurs États continuent de produire, d’acheter ou de réserver le droit d’utiliser des sous-munitions. La liste des pays producteurs et des acteurs étatiques qui n’ont pas adhéré à l’interdiction comprend des puissances régionales et des fabricants de l’industrie d’armement. Cette réalité a deux conséquences directes : d’une part, elle prolonge le risque d’emploi de ces armes sur des populations civiles ; d’autre part, elle fragilise les normes internationales qui tentaient depuis deux décennies d’éradiquer ces pratiques.

Coûts humains et sociaux : blessures, handicaps et stigmates

Les victimes d’UXO et de sous-munitions subissent souvent des mutilations graves (amputation, perte de vision), un traumatisme psychologique durable, et une marginalisation socio-économique. Les systèmes de santé locaux, déjà fragiles dans de nombreux pays touchés, peinent à fournir les soins chirurgicaux, la rééducation et l’accompagnement social nécessaires. À cela s’ajoute un coût collectif : familles privées d’un soutien économique, terres inutilisables, écoles et infrastructures remises en cause. Les ONG spécialisées rappellent qu’il ne suffit pas de détruire des munitions : il faut aussi assister les victimes sur le long terme.

Déminage : progrès technique, limites pratiques

Le progrès des techniques de détection et d’intervention (interventions EOD, plongées pour munitions sous-marines, cartographie par drones, coopération internationale) a permis d’accélérer l’élimination d’engins dans des zones jusqu’alors inaccessibles. Néanmoins, ces opérations sont coûteuses, dangereuses et longues. Les forêts denses, le littoral, les sols marécageux et l’étendue des surfaces contaminées multiplient les défis. Par ailleurs, la cartographie historique des champs de bataille est souvent lacunaire : sans archives fiables, les équipes doivent procéder par repérage terrain, ce qui retarde le travail et accroît les risques.

Responsabilité, prévention et normes internationales

Sur le plan juridique et moral, plusieurs questions persistantes : responsabilité des États producteurs, obligations de réparation envers les victimes et les États touchés, renforcement des conventions internationales (Convention sur les bombes à sous-munitions, Convention d’Ottawa sur les mines antipersonnel). Les reculs ou les hésitations récentes de certains gouvernements à ratifier ou à maintenir ces conventions fragilisent la prévention. Sans un engagement politique et financier durable des États et des industriels, la lutte contre les armes à impact à long terme restera incomplète.

Que faire ? Trois pistes concrètes

  1. Renforcer la coopération internationale : financer des programmes de dégagement, partager l’expertise technique et cartographier systématiquement les zones à risque. Les opérations multinationales comme Operation Render Safe montrent que la coopération produit des résultats, mais elle doit être soutenue et pérenne.
  2. Assistance aux victimes : prévoir des fonds pour soins, prothèses, réhabilitation psychologique et insertion socio-économique des blessés. La réponse humanitaire doit être globale et durable.
  3. Renforcer les normes et la transparence : pression diplomatique sur les producteurs et exportateurs de sous-munitions, suivi indépendant de l’application des conventions, et promotion de l’interdiction universelle. Les avancées techniques ne suffisent pas sans volonté politique.

Les îles Salomon sont un miroir local d’un problème global : les armes de l’ère moderne ne se contentent pas de frapper au moment des hostilités ; elles déposent des pièges pour les générations futures. Tant que la communauté internationale tolérera la production, le stockage et l’emploi d’armes laissant des résidus explosifs, des êtres innocents continueront d’en payer le prix. Déminer, soigner, prévenir, et imposer des normes contraignantes à la production de ces armes sont des impératifs éthiques et politiques non des options.

Celine Dou

Décès de Monique Pelletier : une pionnière des droits des femmes s’éteint à 99 ans

Ancienne ministre à la Condition féminine sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, Monique Pelletier s’est éteinte le 19 octobre 2025 à l’âge de 99 ans. Figure marquante du combat pour les droits des femmes en France, elle laisse derrière elle un héritage juridique et politique qui continue d’influencer les débats contemporains sur l’égalité et la dignité humaine.

Lire la suite: Décès de Monique Pelletier : une pionnière des droits des femmes s’éteint à 99 ans

Une femme de loi au service de la justice sociale

Née Monique Bédier à Trouville-sur-Mer en 1926, avocate de formation, elle s’impose dans les années 1970 comme une personnalité engagée, à la croisée du droit et de la politique. Sa carrière débute au barreau de Paris avant de la conduire dans les sphères du pouvoir. Nommée en 1978 ministre déléguée à la Condition féminine, elle devient l’une des rares femmes à occuper un poste ministériel sous la Ve République à cette époque.

Monique Pelletier s’emploie alors à transformer la condition féminine en cause d’État. Elle milite pour une meilleure reconnaissance du viol comme crime, défend la pérennisation de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse et œuvre pour la visibilité des femmes dans la vie publique.

Une ministre de conviction, pas de posture

Dans un monde politique encore largement masculin, Monique Pelletier refuse les compromis de façade. Elle s’attache à inscrire ses combats dans la loi plutôt que dans le slogan. En 1980, elle participe à la réforme qui reconnaît le viol comme un crime relevant de la cour d’assises une avancée majeure pour la justice française. Elle s’oppose à la banalisation des discriminations et plaide, tout au long de sa carrière, pour une égalité de traitement fondée sur la dignité et non sur la revendication partisane.

Elle rappelait souvent que la conquête des droits n’était pas une victoire acquise, mais un effort à poursuivre : « Les lois sont des outils. Elles ne valent que si les consciences suivent. » Cette lucidité, héritée de son expérience d’avocate, marquera durablement les générations de militantes venues après elle.

Du gouvernement au Conseil constitutionnel

Après son passage au gouvernement, Monique Pelletier poursuit son engagement au sein du Conseil constitutionnel de 2000 à 2004, où elle défend une lecture équilibrée des droits fondamentaux. Fidèle à ses principes, elle s’élève contre toute dérive idéologique dans l’interprétation du droit, estimant que « la justice n’a pas de sexe, mais elle a une exigence ».

Elle s’investit également dans la défense des personnes âgées et des personnes handicapées, considérant que la société devait son humanité à la manière dont elle traitait ses plus fragiles membres.

Un héritage qui dépasse son époque

La disparition de Monique Pelletier réveille un souvenir collectif : celui des années où la question féminine devenait un enjeu républicain. En plaçant la dignité des femmes au cœur du droit, elle a contribué à redéfinir les rapports sociaux dans une France en mutation.

Son parcours incarne cette génération de femmes d’État qui ont fait de l’engagement une discipline de rigueur et non une posture médiatique. À l’heure où le débat sur les droits des femmes continue de se heurter à des résistances culturelles ou idéologiques, son œuvre rappelle que la conquête de la liberté passe par la loi, mais aussi par la conscience morale d’une nation.

Celine Dou

Hiroshima (Japon) se souvient des travailleurs chinois forcés : mémoire, justice historique et enjeux bilatéraux

Dans la préfecture d’Hiroshima, une cérémonie a récemment été organisée pour rendre hommage aux travailleurs chinois contraints de travailler pour l’industrie japonaise durant la Seconde Guerre mondiale, dont certains furent exposés à la bombe atomique en août 1945. Cet événement n’est pas un simple acte commémoratif : il soulève des questions de mémoire collective, de justice historique et de relations diplomatiques entre le Japon et la Chine.

Lire la suite: Hiroshima (Japon) se souvient des travailleurs chinois forcés : mémoire, justice historique et enjeux bilatéraux

Pendant la Seconde Guerre mondiale, des milliers de Chinois furent envoyés de force au Japon pour travailler dans les mines, les usines et les ports, souvent dans des conditions extrêmement difficiles. Certains d’entre eux se trouvaient dans les zones touchées par la bombe atomique d’Hiroshima, exposés à des radiations et à des pertes humaines massives.

Ces expériences traumatiques ont laissé des traces profondes sur les familles et les communautés en Chine. La reconnaissance de ce passé est donc essentielle pour honorer la mémoire des victimes et prévenir l’oubli historique.

La cérémonie a rassemblé autorités locales, représentants de la société civile et descendants des travailleurs forcés. Les discours ont mis l’accent sur la souffrance subie, la résilience des victimes et l’importance de préserver la mémoire pour les générations futures.

Ces commémorations contribuent à :

  • Renforcer la cohésion sociale au Japon en confrontant la société à son passé,
  • Reconnaître officiellement la souffrance des victimes et leur contribution,
  • Construire une mémoire partagée, un élément fondamental pour le dialogue interculturel et la réconciliation.

Les commémorations comme celle d’Hiroshima jouent également un rôle diplomatique. Les relations entre le Japon et la Chine ont souvent été marquées par les tensions liées au passé militariste et aux questions de réparations.

En rappelant les injustices subies par les travailleurs chinois, le Japon montre une volonté de reconnaissance symbolique, pouvant apaiser certaines tensions historiques. Cependant, les attentes de la Chine concernant réparations et gestes officiels restent un sujet sensible, influençant les discussions bilatérales et la coopération régionale en Asie de l’Est.

Au-delà de la mémoire, le sujet des réparations et de la reconnaissance officielle reste complexe. Si certaines mesures symboliques ont été prises par le gouvernement japonais, elles sont perçues comme insuffisantes par certaines associations et familles de victimes.

Le défi consiste à trouver un équilibre entre justice historique, mémoire sociale et pragmatisme diplomatique, afin de transformer la mémoire en outil de cohésion et non en source de conflits.

La cérémonie d’Hiroshima rappelle que la mémoire historique n’est pas seulement un devoir du passé : elle façonne les relations sociales et diplomatiques du présent.
En reconnaissant les souffrances des travailleurs chinois, le Japon contribue à :

  • la cohésion interne de sa société,
  • la construction d’une mémoire partagée avec la Chine,
  • la réflexion sur les mécanismes de justice historique et de réparation.

La mémoire, lorsqu’elle est soigneusement entretenue, devient un outil de prévention des injustices futures et un levier de dialogue international, rappelant que le passé, quand il est confronté avec honnêteté, éclaire le chemin vers un futur plus juste.

Celine Dou

Mémoire et diplomatie : le 64e anniversaire du massacre d’Algériens à Paris et ses répercussions sur les relations Algérie-France

Le 17 octobre 2025, l’Algérie commémore le 64e anniversaire du massacre d’Algériens à Paris en 1961, un épisode longtemps occulté de l’histoire coloniale française. Alors que les tensions diplomatiques entre Alger et Paris connaissent leur plus grave crise depuis l’indépendance, cette commémoration invite à réfléchir sur le poids du passé colonial dans les relations bilatérales contemporaines.

Lire la suite: Mémoire et diplomatie : le 64e anniversaire du massacre d’Algériens à Paris et ses répercussions sur les relations Algérie-France

Il y a 64 ans, des manifestants algériens pacifiques étaient violemment réprimés à Paris : dizaines de morts, blessés jetés dans la Seine et milliers d’arrestations. Aujourd’hui, ce souvenir se retrouve au cœur d’une crise diplomatique, rappelant que l’histoire coloniale continue d’influencer les relations politiques et diplomatiques.

Contexte historique : un massacre longtemps occulté

Le 17 octobre 1961, des milliers d’Algériens manifestaient à Paris contre un couvre-feu discriminatoire imposé exclusivement aux résidents algériens. La répression, orchestrée par le préfet de police Maurice Papon, fut d’une brutalité extrême : des dizaines de manifestants furent tués, des blessés jetés dans la Seine et plus de 12 000 personnes arrêtées. Des témoignages historiques rapportent également des cas de tortures et de mauvais traitements sur les détenus.

Cet événement, longtemps nié ou minimisé par les autorités françaises, est désormais reconnu comme un crime d’État, mais les débats sur l’ampleur exacte des pertes humaines perdurent.

Mémoire et reconnaissance

La reconnaissance officielle fut tardive. Ce n’est qu’en 1998 que le président Jacques Chirac évoqua le massacre du 17 octobre comme un crime d’État. Depuis, des plaques commémoratives et des cérémonies annuelles sont organisées à Paris et dans d’autres villes, rendant hommage aux victimes. Toutefois, certains historiens et associations jugent que la France n’a pas encore pleinement fait la lumière sur cet épisode et que les excuses officielles restent partielles.

En Algérie, la mémoire du 17 octobre 1961 reste vivace : elle est célébrée chaque année comme un symbole des souffrances endurées pendant la colonisation et de la lutte pour la reconnaissance des crimes coloniaux.

Crise diplomatique et héritage colonial

La commémoration de 2025 intervient dans un contexte de crise diplomatique majeure entre l’Algérie et la France, la plus grave depuis 1962. Depuis juillet 2024, le rappel de l’ambassadeur algérien à Paris a entraîné des expulsions réciproques de diplomates et une « guerre des visas », affectant voyageurs, étudiants et échanges économiques.

Le souvenir du massacre de 1961 s’inscrit dans ce contexte : il renforce la sensibilité des autorités et de l’opinion publique algérienne face aux gestes et discours français, et illustre comment le passé colonial continue de peser sur les relations bilatérales.

Mémoire, justice et dialogue

L’anniversaire du 17 octobre 1961 illustre la nécessité d’un dialogue sincère sur la mémoire coloniale. Pour l’Algérie, il s’agit d’une question de justice historique et de reconnaissance des victimes. Pour la France, cet épisode met en lumière l’importance de transparence et responsabilité, afin de construire un cadre de relations bilatérales apaisé et durable.

La mémoire du 17 octobre 1961 est ainsi bien plus qu’un rappel historique : elle conditionne la diplomatie, influence les perceptions politiques et façonne les relations contemporaines entre les deux pays.

Le 64e anniversaire du massacre du 17 octobre 1961 constitue un moment de mémoire et de réflexion. Dans un contexte diplomatique tendu, il rappelle que la reconnaissance des injustices passées et le dialogue historique sont essentiels pour établir une relation équilibrée et respectueuse entre l’Algérie et la France.

Celine Dou

Archéologie : le mystère des gigantesques anneaux de Rechnitz enfin percé

En Autriche, près de la frontière hongroise, des fouilles ont révélé l’importance de structures néolithiques vieilles de 6 500 ans, plus anciennes que Stonehenge et les pyramides de Gizeh.

Lire la suite Archéologie : le mystère des gigantesques anneaux de Rechnitz enfin percé