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Des contraceptifs destinés à l’Afrique menacés de destruction : un échec de la coopération internationale et ses implications géopolitiques

Des millions de dollars de contraceptifs, financés par l’Agence des États‑Unis pour le développement international (USAID) et destinés à plusieurs pays africains, sont menacés de destruction. Cette situation, rendue possible par la dissolution de l’USAID et les limites juridiques françaises et européennes, révèle les fragilités structurelles de la coopération sanitaire internationale et expose les populations les plus vulnérables à des risques sanitaires et sociaux significatifs.

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Un stock encore valide en péril

Depuis septembre 2025, plusieurs sources fiables indiquent que des stocks de contraceptifs, comprenant préservatifs, pilules, implants et stérilets, destinés à des pays africains à faible revenu parmi lesquels le Kenya, la République démocratique du Congo, la Tanzanie, la Zambie et le Mali sont menacés de destruction. Leur valeur est estimée à environ dix millions de dollars. Ces produits, stockés principalement en Belgique, sont encore valides, avec des dates d’expiration comprises entre 2027 et 2031, ce qui rend leur destruction sanitairement et économiquement contestable.

La France est impliquée dans la chaîne logistique, notamment en cas de transfert pour incinération sur son territoire, mais les autorités françaises déclarent ne pas disposer de fondement juridique pour s’opposer à cette destruction, les produits n’étant pas classés comme médicaments d’intérêt thérapeutique majeur.

Contexte géopolitique : la dissolution de l’USAID

La menace de destruction découle directement de la dissolution de l’USAID par l’administration américaine en 2025, interrompant des programmes de coopération internationale qui assuraient la fourniture de contraceptifs et de services de planification familiale dans plusieurs pays africains.

Cette décision reflète une réorientation idéologique de la politique étrangère des États‑Unis d’Amérique, avec des restrictions accrues sur l’aide à la santé sexuelle et reproductive. Les conséquences immédiates concernent non seulement l’accès aux contraceptifs, mais également la fragilisation des systèmes de santé locaux, déjà dépendants de l’aide extérieure pour des programmes essentiels.

Conséquences humanitaires et sociétales

Les organisations non gouvernementales et institutions internationales alertent sur le risque sanitaire et social de cette destruction. Selon leurs estimations, plus d’un million de femmes et de filles en Afrique pourraient être privées d’un accès à la contraception, entraînant un accroissement du nombre de grossesses non désirées et de complications maternelles.

La situation révèle que la dépendance des systèmes de santé africains à l’aide extérieure les expose à des décisions politiques lointaines, qui peuvent avoir des répercussions directes sur les droits fondamentaux et la santé des populations.

Fragilité des mécanismes internationaux

Cette crise souligne plusieurs enjeux :

  1. Limites de la coopération internationale : la dépendance aux financements extérieurs crée une vulnérabilité structurelle, notamment lorsque les décisions des donateurs échappent aux juridictions locales ou européennes.
  2. Responsabilité partagée : la France et l’Union européenne, bien que physiquement impliquées dans la logistique, sont juridiquement contraintes, exposant un déficit de régulation face aux décisions unilatérales de puissances extérieures.
  3. Impact sur les droits reproductifs : la destruction de stocks valides constitue un recul tangible dans l’accès à la contraception, ce qui a des implications directes sur la santé publique, l’égalité des sexes et la planification familiale en Afrique.

La destruction programmée de contraceptifs financés par les États‑Unis d’Amérique révèle une fragilité majeure de la coopération internationale, où les décisions politiques unilatérales peuvent contrecarrer des programmes vitaux pour des millions de personnes. Elle illustre également la nécessité d’instruments juridiques et diplomatiques renforcés, capables de protéger les populations vulnérables et d’assurer la continuité des programmes de santé publique, même face aux changements abrupts de politique étrangère.

Celine Dou, pour la boussole-infos

Iran : l’arrestation de Narges Mohammadi et les enjeux géopolitiques autour des droits humains

Le 12 décembre 2025, Narges Mohammadi, lauréate du Prix Nobel de la paix 2023, a été interpellée en Iran. Cette arrestation, dans un contexte de répression accrue, soulève des questions sur l’efficacité des distinctions internationales et sur les rapports de force dans les relations entre l’Iran et la communauté internationale.

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Narges Mohammadi est une militante iranienne de premier plan, connue pour son engagement en faveur des droits humains, notamment la lutte contre la peine de mort et pour la libération des femmes en Iran. Son arrestation ne constitue pas un incident isolé. Elle s’inscrit dans un parcours de répression continu, marqué par de multiples emprisonnements et condamnations depuis les années 2000. Lors de l’attribution du Prix Nobel de la paix en 2023, Mohammadi était encore incarcérée pour « propagation de la propagande contre l’État » et « action contre la sécurité nationale ». Cette distinction a permis de porter une attention internationale sur sa cause, mais aussi de mettre en lumière la répression systématique des opposants au régime en place à Téhéran.

L’arrestation de Narges Mohammadi intervient dans un contexte de forte répression en Iran, où les libertés fondamentales sont de plus en plus restreintes. Depuis les manifestations de 2022, déclenchées par la mort de Mahsa Amini en détention policière, les autorités iraniennes ont intensifié leur surveillance des militants des droits humains, des journalistes et des défenseurs de la démocratie. L’arrestation de Mohammadi semble être une réponse du régime à la contestation croissante, tant interne qu’internationale, contre ses pratiques autoritaires.

Elle a été interpellée à Mashhad, dans le nord-est du pays, lors d’une cérémonie en hommage à Khosrow Alikordi, un autre défenseur des droits humains décédé récemment. Cette situation semble illustrer la stratégie du gouvernement iranien : contrôler et museler toute forme de contestation, même dans des événements à caractère symbolique et pacifique. De plus, l’attaque physique et la violence présumée de son arrestation indiquent la brutalité de la répression exercée par les autorités iraniennes contre ceux qu’elles considèrent comme des ennemis du régime.

Le Comité Nobel a réagi vigoureusement à cette arrestation, exigeant la libération immédiate de la lauréate. Ce geste symbolique, bien qu’important pour la reconnaissance des luttes pour les droits humains, n’aura probablement pas de conséquences concrètes sur le régime iranien. En effet, si les prix Nobel peuvent offrir une légitimité morale, ils n’ont qu’une portée limitée dans un contexte géopolitique marqué par l’autonomie des États souverains et la priorité donnée aux intérêts stratégiques.

Dans ce cadre, les condamnations internationales s’accumulent, mais la situation de Narges Mohammadi reste tributaire d’un rapport de force où les États occidentaux, tout en exprimant des préoccupations sur les droits humains, n’ont pas montré une volonté forte de rompre avec leurs engagements géopolitiques dans la région. L’Iran, de son côté, semble se montrer de plus en plus imperméable aux pressions extérieures, notamment en raison de ses enjeux internes et de ses alliances stratégiques avec des acteurs comme la Chine et la Russie.

L’affaire Narges Mohammadi soulève la question de l’efficience des mécanismes internationaux pour défendre les droits humains. Les actions diplomatiques entreprises par les organisations internationales, telles que l’ONU ou l’UE, restent largement insuffisantes face à un régime déterminé à préserver son autorité. En l’absence de mesures concrètes telles que des sanctions ciblées ou des pressions économiques efficaces les répressions comme celle vécue par Mohammadi risquent de se multiplier sans que la communauté internationale ne puisse apporter une réponse significative.

Ainsi, au-delà du cas individuel de Narges Mohammadi, c’est l’efficacité de la diplomatie des droits humains et la véritable portée des distinctions internationales qui sont mises en question. Le cas de Mohammadi illustre les limites de l’action diplomatique dans des régimes autoritaires, où les droits humains sont souvent relégués au second plan au profit de considérations géopolitiques. L’Iran, fort de son indépendance politique et économique, semble prêt à affronter la critique internationale, comme l’ont démontré ses récentes prises de position face à l’Occident.

Au-delà de la situation politique iranienne, l’arrestation de Narges Mohammadi constitue un rappel de la nécessité de soutenir les mouvements de défense des droits des femmes dans des contextes autoritaires. Dans un pays où les droits des femmes sont sévèrement limités, la militante incarne un modèle de résistance pacifique, mais déterminée. Son combat pour l’abolition de la peine de mort et pour la reconnaissance des droits des femmes demeure une cause essentielle, non seulement pour l’Iran, mais aussi pour l’ensemble du monde.

Celine Dou, pour la boussole-infos

Au Royaume‑Uni, des entreprises reculent sur la diversité et l’inclusion : un signal politique et économique fort

Au Royaume‑Uni, plusieurs grandes entreprises abandonnent ou révisent leurs politiques de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI), sous l’effet d’un contexte politique international marqué par la montée de critiques à l’encontre des “politiques wokistes”. Ce mouvement suggère un recul de l’engagement corporate en matière de pluralisme et de justice sociale; un recul qui ne se limite pas à la sphère britannique, mais traduit des recompositions idéologiques et économiques à l’échelle transatlantique.

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Quand la réussite financière prime sur les engagements éthiques, la diversité devient un luxe. Au Royaume‑Uni, des entreprises de premier plan choisissent de mettre fin à des politiques DEI qu’elles jugent désormais coûteuses, polémiqueuses ou dangereuses pour leur image. Le phénomène, observé dans un contexte global de rejet croissant du wokisme, révèle l’impact tangible des dynamiques idéologiques sur les pratiques managériales.

Recul des politiques DEI : un constat d’après enquête

Selon une étude conduite par le cabinet d’avocats britannique (comme rapporté par la presse), plus de la moitié des grandes entreprises britanniques se disent en train de revoir leurs politiques DEI, certaines allant jusqu’à les abandonner complètement. Parmi les entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions de livres sterling, une proportion significative affirme avoir modifié ou supprimé des initiatives d’équité, diversité ou inclusion. Pour certaines, les critiques venues des États‑Unis d’Amérique accusant les politiques “woke” de favoriser des “privilèges identitaires” ont joué un rôle déterminant dans ce revirement.

À titre d’exemple, un grand opérateur de télécommunications a supprimé tout lien entre ses politiques DEI et son système de primes pour cadres intermédiaires, tout en affirmant préserver une “attache” aux valeurs de diversité. Ce type d’annonce illustre la tension entre communication, image publique, et décisions internes réellement contraignantes.

Ces chiffres et décisions dessinent une tendance nette : un nombre non négligeable d’entreprises britanniques considère désormais que les politiques DEI sont non seulement contestables sur le plan idéologique, mais aussi potentiellement en opposition avec les objectifs de rentabilité ou de “neutralité” perçue.

Contexte international : le reflux des politiques “woke” et l’impact des pressions idéologiques

Ce recul ne se comprend qu’à la lumière d’un contexte global marqué par la montée des critiques contre les politiques identitaires en particulier dans le monde anglo-saxon. Aux États‑Unis d’Amérique, l’administration en place et certains acteurs politiques ont ouvertement dénoncé le “wokisme” comme source de division, de discrimination “inversée” ou de favoritisme sociopolitique. Ces discours, relayés médiatiquement, trouvent un écho chez des dirigeants d’entreprises au Royaume‑Uni, soucieux d’éviter toute controverse ou accusation de “politisation” de l’entreprise.

De surcroît, le contexte économique, incertitudes post‑pandémie, crise du coût de la vie, inflation pèse sur les arbitrages des entreprises : les moyens (financiers, humains, organisationnels) consacrés à la DEI peuvent apparaître comme des postes “non essentiels” lorsque les priorités se resserrent. Dans ce contexte, l’argument du profit contre l’éthique redevient sérieux.

Ainsi, loin d’être un phénomène strictement britannique, ce mouvement s’inscrit dans un glissement idéologique et économique global : la recomposition des priorités, l’érosion de certaines avancées sociétales, la montée du conservatisme identitaire autant de dynamiques qui pèsent sur les décisions privées.

Enjeux et risques : ce qui est en jeu quand on abandonne la DEI

Abandonner ou affaiblir les politiques de diversité et d’inclusion n’est pas une simple décision interne à une entreprise c’est un choix qui peut avoir des conséquences profondes et durables.

D’abord, cela fragilise les efforts d’équité sociale : pour les minorités ethniques, les femmes, les personnes issues de milieux défavorisés ou marginalisés, la DEI représentait une porte d’accès certes imparfaite à l’égalité des chances. Le recul de ces politiques risque de rétablir des barrières structurelles invisibles, creuser des inégalités latentes, et réduire la mixité sociale et ethnique des élites économiques.

Ensuite, c’est la culture d’entreprise et le climat social au travail qui peuvent être affectés. Sans politique consciente de diversité, les biais qu’ils soient liés au genre, à l’origine, à l’âge, ou au statut socio‑économique risquent de reprendre le pas, sans contrôle ni remise en question.

Enfin, à l’échelle sociétale, ce recul envoie un message idéologique : celui que l’égalité sociale, l’équité et l’inclusion seraient des choix “optionnels”, dépendant des sensibilités du moment et des pressions extérieures. Cela pourrait alimenter la division, renforcer les inégalités structurelles, et nourrir le sentiment pour les populations concernées d’être renvoyées au second plan.

« Une question plus large : recul progressif ou simple retournement tactique ?

Il convient d’interroger la nature de ce recul. S’agit-il d’un simple ajustement tactique une réponse ponctuelle à des pressions idéologiques et à des contextes économiques difficiles ou observe‑t‑on un changement de paradigme, un glissement durable dans la manière dont les sociétés envisagent la diversité ?

Si beaucoup d’entreprises justifient leurs reculs par des impératifs économiques ou la volonté de “ne pas s’immiscer dans le débat sociétal”, le résultat effectif reste le même : un affaiblissement des mécanismes de promotion de l’égalité. À long terme, cette tendance pourrait marquer un tournant : celui d’un retour discret mais systémique vers des modèles de gestion corporative centrés sur le “mérite” traditionnel, sans aucune garantie d’équité réelle.

Ce renversement, s’il se confirme, modifie aussi la donne pour les mobilisations sociales, les engagements des associations et la législation : la pression sur les États et les régulateurs pourrait s’intensifier pour compenser un retrait privé.

Le recul des entreprises britanniques sur les politiques de diversité, d’équité et d’inclusion ne peut être vu comme un simple phénomène de mode ou une réaction ponctuelle. Il s’agit d’un signal fort d’un tournant idéologique et économique, avec des conséquences profondes pour l’équité sociale, la justice dans l’emploi et la cohésion sociétale.

Dans un contexte international de montée des discours anti‑wokes, de crise économique et de recomposition des priorités corporatives, ce mouvement appelle à une vigilance renouvelée. Si la diversité et l’inclusion sont laissées au bon vouloir des entreprises, sans cadre robuste ni régulation, les progrès sociaux acquis ces dernières décennies risquent de s’éroder.

Pour la société, pour les salariés, pour les générations à venir il reste essentiel de maintenir la question de l’équité et de l’inclusion à l’agenda public, parce que derrière les chiffres et les bilans, ce sont des vies, des parcours, des chances concrètes qui se jouent.

Celine Dou

Corée du Sud : une génération qui décroche du travail / Mauvais salaires, pression hiérarchique, désillusion : pourquoi des centaines de milliers de jeunes choisissent volontairement l’inactivité

En Corée du Sud, l’une des économies les plus avancées du monde, un phénomène social majeur inquiète les autorités : un nombre croissant de jeunes, pourtant diplômés, quittent volontairement leur emploi ou renoncent à chercher du travail. Leur décision n’est pas le fruit du hasard, mais la conséquence directe d’un marché du travail devenu, selon eux, toxique, sous-rémunéré et incompatible avec un mode de vie équilibré**. Au-delà d’un fait divers social, c’est un *signal d’alarme* sur les limites d’un modèle économique bâti sur la performance et la pression hiérarchique.

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Un phénomène massif et durable

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2025, près de 700 000 jeunes Sud-Coréens de 15 à 39 ans sont classés dans la catégorie “resting”, c’est-à-dire ni en emploi, ni en recherche active. Un niveau jamais atteint auparavant.
Plus frappant encore : plus de 80 % de ces jeunes ont déjà travaillé, parfois plusieurs années, mais ont démissionné ou mis fin à leur recherche faute de conditions jugées acceptables.

Cette réalité est d’autant plus préoccupante qu’elle intervient alors que la démographie sud-coréenne s’effondre : la population jeune diminue, mais la part des jeunes inactifs par choix continue, elle, de croître.

Mauvais salaires et explosion du coût de la vie

Le premier motif évoqué par ces jeunes est l’inadéquation entre les salaires proposés et le coût réel de la vie.
Dans les grandes villes comme Séoul, les loyers ont bondi, les frais de transport et de restauration ont augmenté, et les emplois d’entrée de carrière souvent précaires ne permettent plus de vivre décemment.

La réalité sud-coréenne contraste avec l’image d’un pays prospère : pour de nombreux jeunes, travailler ne garantit plus de pouvoir vivre, ni d’épargner, ni de progresser socialement.

Pression hiérarchique et culture du travail oppressante

La Corée du Sud est réputée pour sa culture professionnelle stricte :

  • longues heures de travail non payées,
  • hiérarchie rigide,
  • faible reconnaissance,
  • pression émotionnelle,
  • compétition interne permanente.

Plusieurs témoignages montrent des jeunes épuisés par un modèle où l’obéissance prime sur la créativité, où l’on attend des employés qu’ils fassent preuve de loyauté indéfectible, et où la critique est peu tolérée.
Cette pression constante conduit à un burn-out massif, souvent identifié comme l’une des raisons majeures de la démission volontaire.

Un paradoxe : des jeunes très diplômés… mais sans perspective

La Corée du Sud possède l’un des taux de diplômés universitaires les plus élevés au monde. Pourtant, ces jeunes peinent à trouver un emploi qui corresponde :

  • à leurs compétences,
  • à leurs attentes salariales,
  • à leur niveau d’études,
  • et à leurs aspirations personnelles.

Ils dénoncent un marché du travail où les postes qualifiés sont rares, monopolés par les grandes entreprises, tandis que la majorité des offres concerne des emplois temporaires, peu rémunérés ou peu attractifs.

Ainsi se crée un profond mismatch entre les études et la réalité professionnelle, menant à la frustration, puis au désengagement.

Conséquences psychologiques : fatigue, isolement, perte d’espérance

La vague de désengagement s’accompagne d’effets psychologiques marqués :

  • anxiété,
  • perte d’estime de soi,
  • isolement social,
  • sentiment d’échec malgré les diplômes,
  • impression d’être piégé dans un système injuste.

De nombreux jeunes affirment ressentir un défaut d’avenir dans une société où les efforts scolaires colossaux ne sont plus récompensés par une ascension sociale tangible.

Une inquiétude nationale face aux risques démographiques et économiques

Les autorités sud-coréennes s’inquiètent :

  • Le retrait massif des jeunes pèse sur la productivité nationale.
  • L’inactivité prolongée menace la stabilité économique du pays.
  • Le malaise social alimente la crise de natalité, déjà l’une des plus graves du monde.
  • À long terme, il risque de provoquer une rare “génération perdue” dans un pays développé.

Malgré des programmes de soutien à l’emploi, les réponses restent insuffisantes tant que la qualité des emplois ne s’améliore pas et que la culture du travail demeure inchangée.

Lecture géopolitique et mondiale

Ce qui se joue en Corée du Sud dépasse ses frontières.
Ce phénomène interroge les modèles de croissance basés sur :

  • la compétition extrême,
  • l’hyper-productivité,
  • la pression sociale comme moteur de performance.

Il révèle aussi une tendance mondiale : les jeunes générations de l’Asie à l’Europe, jusqu’à l’Amérique refusent de plus en plus les emplois jugés indignes, mal payés ou dévalorisants, même si cela signifie rester sans emploi.

La situation sud-coréenne est ainsi un miroir grossissant de questions globales :
➡️ quelle place accorder au bien-être dans le travail ?
➡️ comment garantir des emplois valorisants et équitables ?
➡️ que devient la “méritocratie” quand le travail ne garantit plus la mobilité sociale ?

Un pays face à un choix de société

La Corée du Sud est aujourd’hui confrontée à un défi historique : réinventer son marché du travail pour ne pas perdre les forces vives de sa jeunesse.
Le malaise actuel n’est pas une simple crise du chômage, mais une crise de sens et une remise en cause profonde d’un modèle de réussite fondé sur l’endurance et le sacrifice.

À travers cette génération qui “arrête de travailler”, c’est toute la société sud-coréenne qui envoie un message :
la dignité, la santé mentale et la qualité de vie ne peuvent plus être sacrifiées sur l’autel de la performance.

Celine Dou

L’Iran fait face à une grave pénurie d’eau : au-delà de la sécheresse, une question de gestion et d’institutions

L’Iran traverse une crise hydrique majeure qui touche des millions de citoyens. Les rivières s’assèchent, les nappes phréatiques s’épuisent et certaines régions subissent des restrictions sévères sur l’eau potable. Si la sécheresse naturelle est un facteur, cette pénurie révèle surtout des insuffisances de gouvernance et des choix politiques qui aggravent la situation.

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En Iran, plusieurs provinces connaissent actuellement des pénuries d’eau qui perturbent la vie quotidienne des habitants. L’accès à l’eau potable devient limité, les systèmes d’irrigation sont insuffisants et certaines zones rurales et urbaines doivent rationner la consommation. Cette situation, souvent présentée comme une conséquence directe de la sécheresse, est en réalité le reflet de dysfonctionnements structurels dans la gestion des ressources hydriques.

L’épuisement des nappes phréatiques et la surexploitation des rivières par des pratiques agricoles intensives et parfois illégales aggravent le stress hydrique. Des infrastructures anciennes et mal entretenues contribuent à des pertes importantes, tandis que l’urbanisation rapide de villes comme Téhéran accentue la demande en eau. Cette combinaison de facteurs montre que le problème dépasse largement le climat : il s’agit d’un défi de gouvernance et de politique publique.

L’impact social et politique de cette crise est significatif. Les restrictions d’eau et les inégalités d’accès provoquent des tensions entre provinces et entre populations rurales et urbaines. Dans certaines zones, la frustration croissante des citoyens a conduit à des manifestations locales, traduisant une perception de gestion injuste des ressources. La crise met en lumière comment la politique de l’eau, lorsqu’elle est déficiente ou clientéliste, peut devenir un facteur d’instabilité sociale.

L’analyse des pratiques agricoles montre que l’eau est utilisée de manière disproportionnée et souvent inefficace. L’irrigation traditionnelle inondante et la culture de plantes très consommatrices entraînent un gaspillage massif, sans générer de valeur économique suffisante pour compenser ce déséquilibre. L’urbanisation et le manque de planification des infrastructures hydriques amplifient ce problème, rendant la population vulnérable face à des épisodes de sécheresse de plus en plus fréquents.

La crise en Iran illustre également les limites des politiques publiques dans un contexte où les intérêts politiques et économiques peuvent influencer la distribution et l’accès à l’eau. Des experts internationaux recommandent une réforme profonde des institutions responsables de la gestion de l’eau, combinée à des investissements dans la modernisation des infrastructures et le contrôle strict des usages agricoles. Ces mesures sont jugées essentielles pour garantir l’équité, la durabilité et la résilience face aux aléas climatiques.

En conclusion, la pénurie d’eau en Iran ne peut pas être réduite à la sécheresse naturelle. Elle est le résultat de choix institutionnels et politiques, d’une planification insuffisante et de pratiques de gestion des ressources hydriques inadaptées. Comprendre cette crise nécessite donc de dépasser l’évidence météorologique pour analyser les structures de gouvernance et les décisions publiques qui déterminent l’accès à une ressource vitale pour des millions de personnes.

Celine Dou

Journée mondiale du diabète 2025 : bien-être, égalité des droits et justice sociale

Chaque 14 novembre, la Journée mondiale du diabète attire l’attention sur une maladie qui affecte plus de 500 millions de personnes dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé. L’édition 2025, sous le thème « Bien-être et diabète », invite à dépasser la simple sensibilisation médicale pour interroger les enjeux de santé publique, de bien-être et de droits fondamentaux des personnes vivant avec cette maladie chronique.

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Le diabète n’est pas seulement un défi individuel, mais un enjeu collectif majeur. La prévalence de la maladie a augmenté de façon exponentielle depuis 1990, touchant désormais toutes les tranches d’âge et tous les continents. Selon la Fédération internationale du diabète, près de 80 % des diabétiques vivent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire, où l’accès aux soins reste limité. Cette situation souligne la nécessité d’actions publiques coordonnées, allant du dépistage précoce à l’accès universel à l’insuline et aux dispositifs de surveillance. Le diabète comporte des risques graves pour la santé : maladies cardiovasculaires, complications rénales et oculaires, amputations. Mais au-delà de la santé physique, il entraîne une charge psychosociale considérable. L’anxiété, la dépression et le stress liés à la gestion quotidienne de la maladie sont documentés dans de nombreuses études, en France comme à l’international. L’OMS et la FID soulignent que la prise en charge du diabète doit intégrer le bien-être mental et social, et pas seulement le contrôle de la glycémie.

Le thème 2025 met en lumière un principe fondamental : la reconnaissance des droits des personnes diabétiques. Dans ce contexte, le mot “inclusion” est utilisé, mais il ne doit pas être interprété comme un privilège : il traduit la nécessité de garantir l’égalité réelle d’accès aux soins et à un environnement favorable, que ce soit à l’école, au travail ou dans la société. Concrètement, cette égalité des droits implique l’accès universel aux traitements essentiels, y compris l’insuline et les dispositifs de suivi, la protection contre la discrimination dans les milieux professionnels et éducatifs, ainsi que la prise en charge psychosociale, incluant soutien psychologique et programmes d’éducation à l’auto-gestion. Dans de nombreux pays africains et latino-américains, ces droits restent partiellement respectés, l’accès aux soins est souvent limité, les systèmes de santé insuffisamment préparés et les ressources financières inadéquates. La Journée mondiale du diabète met ainsi en lumière les inégalités persistantes et la nécessité d’une action politique et sociale déterminée.

Certains pays ont développé des stratégies intégrées pour améliorer la qualité de vie des diabétiques. La Finlande et le Japon ont mis en place des programmes communautaires combinant prévention, éducation et suivi personnalisé, tandis que la France a développé des initiatives locales visant le bien-être psychologique et l’accompagnement des diabétiques dans leur vie professionnelle. Ces comparaisons internationales montrent que la lutte contre le diabète ne se réduit pas à la sphère médicale : elle relève également d’une justice sociale et d’une responsabilité collective, pour que chaque individu puisse exercer pleinement ses droits fondamentaux.

Malgré ces avancées, plusieurs défis persistent. Dans de nombreux pays à ressources limitées, l’accès aux traitements reste insuffisant, le diagnostic et le suivi continu ne sont pas garantis pour tous, et la prise en charge psychologique demeure largement sous-évaluée. Les pistes d’action incluent le renforcement des politiques nationales de santé avec une approche “life-course”, la couverture universelle des soins incluant médicaments, dispositifs et soutien psychologique, ainsi que la sensibilisation et l’éducation pour réduire la stigmatisation. Le développement de programmes de pair-aidance et la mobilisation internationale sont également essentiels pour soutenir les pays confrontés à ces défis.

La Journée mondiale du diabète 2025 ne se limite donc pas à une campagne de sensibilisation. Elle rappelle que santé publique, bien-être et égalité des droits sont intrinsèquement liés. Garantir un accès universel aux soins et un environnement social favorable ne relève pas de l’inclusion en tant que privilège, mais d’un devoir de justice et d’égalité fondamentale. Cette journée constitue un appel à la responsabilité des États, des institutions et de la société civile pour faire du droit à la santé un principe concret et effectif, afin que chaque personne diabétique puisse vivre avec dignité, autonomie et sécurité à toutes les étapes de sa vie.

Celine Dou

Décès de Monique Pelletier : une pionnière des droits des femmes s’éteint à 99 ans

Ancienne ministre à la Condition féminine sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, Monique Pelletier s’est éteinte le 19 octobre 2025 à l’âge de 99 ans. Figure marquante du combat pour les droits des femmes en France, elle laisse derrière elle un héritage juridique et politique qui continue d’influencer les débats contemporains sur l’égalité et la dignité humaine.

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Une femme de loi au service de la justice sociale

Née Monique Bédier à Trouville-sur-Mer en 1926, avocate de formation, elle s’impose dans les années 1970 comme une personnalité engagée, à la croisée du droit et de la politique. Sa carrière débute au barreau de Paris avant de la conduire dans les sphères du pouvoir. Nommée en 1978 ministre déléguée à la Condition féminine, elle devient l’une des rares femmes à occuper un poste ministériel sous la Ve République à cette époque.

Monique Pelletier s’emploie alors à transformer la condition féminine en cause d’État. Elle milite pour une meilleure reconnaissance du viol comme crime, défend la pérennisation de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse et œuvre pour la visibilité des femmes dans la vie publique.

Une ministre de conviction, pas de posture

Dans un monde politique encore largement masculin, Monique Pelletier refuse les compromis de façade. Elle s’attache à inscrire ses combats dans la loi plutôt que dans le slogan. En 1980, elle participe à la réforme qui reconnaît le viol comme un crime relevant de la cour d’assises une avancée majeure pour la justice française. Elle s’oppose à la banalisation des discriminations et plaide, tout au long de sa carrière, pour une égalité de traitement fondée sur la dignité et non sur la revendication partisane.

Elle rappelait souvent que la conquête des droits n’était pas une victoire acquise, mais un effort à poursuivre : « Les lois sont des outils. Elles ne valent que si les consciences suivent. » Cette lucidité, héritée de son expérience d’avocate, marquera durablement les générations de militantes venues après elle.

Du gouvernement au Conseil constitutionnel

Après son passage au gouvernement, Monique Pelletier poursuit son engagement au sein du Conseil constitutionnel de 2000 à 2004, où elle défend une lecture équilibrée des droits fondamentaux. Fidèle à ses principes, elle s’élève contre toute dérive idéologique dans l’interprétation du droit, estimant que « la justice n’a pas de sexe, mais elle a une exigence ».

Elle s’investit également dans la défense des personnes âgées et des personnes handicapées, considérant que la société devait son humanité à la manière dont elle traitait ses plus fragiles membres.

Un héritage qui dépasse son époque

La disparition de Monique Pelletier réveille un souvenir collectif : celui des années où la question féminine devenait un enjeu républicain. En plaçant la dignité des femmes au cœur du droit, elle a contribué à redéfinir les rapports sociaux dans une France en mutation.

Son parcours incarne cette génération de femmes d’État qui ont fait de l’engagement une discipline de rigueur et non une posture médiatique. À l’heure où le débat sur les droits des femmes continue de se heurter à des résistances culturelles ou idéologiques, son œuvre rappelle que la conquête de la liberté passe par la loi, mais aussi par la conscience morale d’une nation.

Celine Dou

CDI senior : sous couvert d’inclusion, une précarisation légalisée des fins de carrière

Le 15 octobre 2025, l’Assemblée nationale française a adopté le Contrat de Valorisation de l’Expérience, plus connu sous le nom de CDI senior. Présenté par le gouvernement comme un dispositif destiné à favoriser l’emploi des travailleurs de plus de 60 ans, ce contrat introduit en réalité une série de dérogations légales qui fragilisent la position des seniors dans l’entreprise, au profit du patronat.

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Un contrat officiellement inclusif… qui inquiète

Selon le discours officiel, le CDI senior vise à maintenir les travailleurs âgés dans l’emploi et à faciliter l’acquisition des droits à la retraite à taux plein. Le gouvernement souligne l’intérêt de prolonger la vie active des seniors, en leur offrant des opportunités d’emploi adaptées.

Pourtant, dès la lecture du texte, la logique de protection sociale laisse place à un mécanisme de flexibilisation dérogatoire. Le contrat prévoit notamment :

  • des conditions salariales spécifiques, souvent inférieures à celles du droit commun ;
  • la possibilité pour l’employeur de mettre unilatéralement le salarié à la retraite, dès que ce dernier atteint l’âge légal de départ à taux plein ;
  • des incitations financières pour faciliter la mise à la retraite anticipée, sous forme d’exonérations sur les indemnités de départ.

Une mesure patronale déguisée en outil d’inclusion

Sous couvert de favoriser l’emploi, le CDI senior semble avant tout conçu pour libérer l’entreprise de ses obligations légales envers les travailleurs âgés. Plutôt que de sécuriser leur fin de carrière, il :

  • organise leur sous-emploi, en rendant plus facile l’adaptation du poste ou la réduction du salaire ;
  • légalise leur éviction, sous couvert d’un dispositif officiellement « inclusif » ;
  • transforme la fin de carrière en espace de négociation patronale, où la protection sociale et les droits individuels sont conditionnés à l’accord de l’employeur.

Un modèle français dans un contexte européen

Le CDI senior s’inscrit dans un mouvement plus large : l’Europe pousse à l’allongement de la durée de travail pour répondre aux enjeux démographiques et aux déficits des systèmes de retraite. Mais dans d’autres pays, la politique publique combine prolongation de l’emploi et sécurisation des droits des seniors. En France, l’accent est mis sur la flexibilité au détriment de la protection.

Cette approche soulève des questions fondamentales : jusqu’où peut-on marchander la dignité des travailleurs âgés ? Et surtout, peut-on légitimer une mesure présentée comme égalitaire alors qu’elle entérine la précarité et la dépendance économique des seniors ?

Une question de société

Le CDI senior illustre un paradoxe : l’inclusion officielle masque une précarisation réelle. L’État, qui prétend favoriser l’emploi, organise en réalité une mise à l’écart socialement rentable des travailleurs âgés. Ce dispositif interroge non seulement le rôle du législateur dans la protection des droits, mais aussi la valeur que la société accorde à l’expérience et à la dignité des seniors.

Le débat ne se limite donc pas à l’emploi ou à la retraite : il touche à la justice sociale, à l’éthique professionnelle et au respect du travailleur, jusque dans ses dernières années d’activité. Le CDI senior n’est pas seulement une mesure économique : il est un révélateur de la tension entre inclusion nominale et précarisation réelle.

Celine Dou

Journée mondiale du refus de la misère : entre discours et réalités sociales, la lutte contre la pauvreté à l’épreuve des faits

Célébrée chaque 17 octobre, la Journée mondiale du refus de la misère rappelle un engagement universel : faire reculer la pauvreté dans toutes ses dimensions. Instituée par les Nations Unies en 1992, à l’initiative du père Joseph Wresinski et du mouvement ATD Quart Monde, cette journée vise à rendre visibles les personnes vivant dans la précarité et à interpeller les dirigeants sur l’urgence d’une justice sociale véritable. Trente-trois ans après son institution, le constat demeure préoccupant : les écarts de richesse s’accentuent, tandis que la précarité se transforme et se mondialise.

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Une pauvreté aux visages multiples

La pauvreté n’est plus seulement une question de manque de revenus, mais une réalité systémique, enracinée dans les inégalités d’accès à l’éducation, à la santé, au logement et à la dignité. Selon la Banque mondiale, près de 700 millions de personnes vivent encore avec moins de 2,15 dollars par jour. En France, l’Insee estime à 15,4 % le taux de pauvreté monétaire en 2023, touchant particulièrement les familles monoparentales et les jeunes. En Afrique subsaharienne, les progrès enregistrés au cours des deux dernières décennies risquent d’être anéantis par la conjonction de plusieurs crises : inflation importée, insécurité alimentaire, conflits internes et dérèglements climatiques.

Ces chiffres, souvent répétés, traduisent une réalité plus profonde : celle d’une humanité fracturée où la pauvreté se reproduit de génération en génération, non par fatalité, mais par déséquilibre structurel des modèles économiques. Le défi n’est pas seulement de « réduire la pauvreté », mais de repenser le système qui la produit.

Une solidarité mondiale fragilisée

Depuis plusieurs années, les promesses internationales s’essoufflent. L’objectif premier du Programme de développement durable à l’horizon 2030 « éradiquer la pauvreté sous toutes ses formes » semble de plus en plus hors d’atteinte. La pandémie de Covid-19, puis la guerre en Ukraine, ont révélé les fragilités d’une mondialisation qui enrichit les grandes puissances et laisse les pays du Sud dans la dépendance. L’aide publique au développement reste souvent conditionnée, et les dettes souveraines étranglent les budgets nationaux, empêchant des investissements durables dans les services sociaux de base.

Dans les pays industrialisés, la pauvreté prend d’autres formes : travailleurs pauvres, exclusion numérique, marginalisation urbaine. Les États dits « développés » n’échappent plus au fléau qu’ils pensaient avoir vaincu, tandis que les économies émergentes peinent à absorber les inégalités héritées du modèle libéral.

Vers une justice économique globale

Face à ces constats, la Journée mondiale du refus de la misère ne peut se limiter à un symbole. Elle invite à une refondation morale et politique de la solidarité internationale. Lutter contre la pauvreté exige de s’attaquer aux causes structurelles : réformer la fiscalité mondiale pour limiter l’évasion fiscale, repenser les accords commerciaux inéquitables, promouvoir des modèles économiques axés sur la dignité humaine plutôt que sur le profit maximal.

En Afrique, de nombreuses initiatives locales coopératives agricoles, mutuelles de solidarité, projets communautaires témoignent d’une volonté d’émancipation. Mais ces efforts resteront limités sans une révision globale des rapports économiques internationaux. La pauvreté n’est pas une fatalité ; elle est le produit de choix politiques.

Un impératif de conscience collective

Refuser la misère, c’est affirmer que la dignité humaine n’a pas de prix. C’est reconnaître que la lutte contre la pauvreté n’est pas une œuvre de charité, mais un devoir de justice. En ce 17 octobre, la parole donnée aux plus pauvres doit devenir un levier de transformation des politiques publiques, non un simple rituel commémoratif. La misère est le miroir d’un désordre mondial : tant qu’elle subsistera, aucune société ne pourra se prétendre libre ni civilisée.

Celine Dou

Madagascar : la soif d’eau au cœur du soulèvement et du coup d’État

Depuis la fin septembre 2025, Madagascar est secoué par une mobilisation inédite de sa jeunesse, dont les revendications dépassent les simples frustrations quotidiennes pour dénoncer un dysfonctionnement chronique de l’État. Au centre du mécontentement : l’accès à l’eau, ressource vitale absente pour près de la moitié des Malgaches, particulièrement dans le Grand Sud frappé par des sécheresses répétées. Ce déficit structurel a cristallisé les tensions et précipité le coup d’État militaire de mi-octobre

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I. Une crise de l’eau persistante

La moitié de la population malgache n’a pas accès à l’eau courante. Selon l’ONU, plus de 57 % des habitants n’ont pas de source d’eau améliorée, et dans les zones rurales, un quart de la population manque d’eau potable fiable. À Antananarivo, la capitale, les coupures d’eau et d’électricité sont fréquentes, révélant des infrastructures vieillissantes et une gestion déficiente.

Dans le Grand Sud régions d’Anosy, Androy et Atsimo Andrefa les sécheresses répétées fragilisent les récoltes et compromettent la survie quotidienne. L’eau de pluie et les camions-citernes deviennent des sources vitales, et la revente d’eau s’impose pour beaucoup comme un filet de survie.

II. Une jeunesse confrontée à la privation

Le mouvement « Gen Z Madagascar », principalement composé de jeunes, a émergé fin septembre pour dénoncer ces pénuries chroniques. Les manifestations ont été violemment réprimées, faisant au moins 22 morts et plus de 100 blessés, selon l’ONU.

Pour ces jeunes, l’eau n’est pas un simple besoin matériel : elle est le révélateur d’un État incapable d’assurer les services essentiels. Le temps passé à chercher de l’eau, souvent par les femmes et les enfants, et la nécessité de recourir à sa revente traduisent une frustration quotidienne profonde. Cette colère a cristallisé un mouvement de contestation plus large, ciblant la corruption et les faiblesses structurelles du gouvernement.

III. La fracture politique et le coup d’État

Le 11 octobre 2025, une unité d’élite de l’armée, le Capsat, a refusé d’obéir aux ordres, marquant un tournant dans la crise. Le président Andry Rajoelina a été destitué par le Parlement, et le 14 octobre, le colonel Michael Randrianirina a annoncé la prise du pouvoir, promettant une transition civile de 18 à 24 mois.

Ce coup d’État ne peut se comprendre uniquement comme une manœuvre militaire. Il est la conséquence directe de frustrations accumulées, où la question de l’accès à l’eau, révélatrice d’une gouvernance déficiente, a joué un rôle central. La population, en particulier la jeunesse, a exprimé à travers cette crise une exigence de responsabilité et de résultats tangibles.

IV. Conséquences socio-économiques et humanitaires

La crise de l’eau touche particulièrement les populations vulnérables. Les maladies liées à l’eau insalubre restent une cause majeure de mortalité infantile. La revente d’eau dans les quartiers pauvres est devenue un moyen de survie mais expose les familles à des risques économiques et sanitaires.

Dans le Grand Sud, les sécheresses répétées affectent également les récoltes et la sécurité alimentaire, accentuant la précarité des ménages et le sentiment d’abandon par l’État.

V. Perspectives et enjeux

Le coup d’État a suscité des réactions internationales, notamment de l’Union africaine et des Nations unies, qui appellent au rétablissement de l’ordre constitutionnel. Pour les Malgaches, en particulier les jeunes, ce bouleversement politique est perçu comme une opportunité de réforme, avec l’espoir d’une meilleure gouvernance et d’un accès effectif aux services essentiels, à commencer par l’eau.

L’avenir de Madagascar dépendra de la capacité des autorités de transition à traiter les causes profondes de la crise, et non seulement ses manifestations visibles. L’eau, ressource vitale, en est le symbole et le révélateur.

Celine Dou